Une visite pas comme les autres

Nicolas Sarkozy rend fou !

16 février 2007

Une visite, comme celle assez exceptionnelle, il faut le dire, de Nicolas Sarkozy, mérite ce que l’on appelle en journalisme, un papier d’ambiance. Pourquoi ? Parce qu’il fait état de tout ce que l’on ne voit pas derrière l’écran, de tout ce que l’on ne peut, inopinément, préciser d’anecdote ou de vécu dans un article de teneur. Il précisera ce que je qualifie d’exceptionnel.

Je le sais, maintenant j’en suis sure : Nicolas Sarkozy rend fou. Il m’a suffi de vivre et de subir le bain de foule que lui avait réservé Nassimah Dindar à son arrivée à l’aéroport pour en être immédiatement convaincue. Subir en effet car sans ménagement, comme une meute de bêtes sauvages affamées qui auraient à se partager un os de poulet malgache, les 500 sbires chauffés à bloc après plus de deux heures d’attente au son d’un rouleur effréné capable de dissuader tout partant pour le paradis de prendre son avion, se sont rués sur l’Elu Nicolas. Pauvre journaliste locale plongée dans la cohorte sauvage, je me serais crue dans un stade de foot au milieu des hooligans en plein match PSG-Monaco. Pauvre de moi qui tentait de faire mon métier, de prendre un cliché. On vous injurie comme cette femme en transe qui voulait toucher du doigt le prodige et que ma carte de journaliste n’a pu contenir.

500 sbires et 250 agents de sécurité

On vous pile, vous crasse, vous hache, vous entraîne dans une vague qui ne trouve sa fin qu’à l’embouchure de l’aéroport, à l’exigue sortie ou tout le monde se presse et s’empresse. Un coude sur mon sternum me coupait le souffle, mais aucun des 250 agents de sécurité (police, gendarmerie, force d’intervention, vigie pirate, préfecture) n’a entendu mes appels agonisants. Comme quoi, il a raison Monsieur Sarkozy, aujourd’hui, on est en sécurité nulle part. Un agent des services de la Préfecture m’a même confié au sortir de l’émeute que l’on était passé près de l’incident. Mais selon ses propres dires, c’est la Préfecture qui tenait à ce que l’accueil soit chaleureux. Disons que ma première rencontre avec Nicolas Sarkozy fut torride. Mais les journalistes nationaux, une quarantaine dans les bagages de Sarko, au frais de sa campagne, ne voient quant à eux aucun inconvénient à jouer des coudes. D’ailleurs entre eux, hormis quelques exceptions comme dans toutes choses, ils semble prêts à vendre leur tendre maman pour une photo, une prise de son.

«  J’aime Nassimah, je vote Sarko  »

Quand ils daignent vous considérer c’est avec dédain. Ils vous font passer pour les pèquenots du quoi, les journalistes de campagne qui ne connaissent rien au métier. La grande différence c’est que pour nous, la visite du ministre correspond à un cap crucial dans l’avenir de La Réunion. Eux : rien à faire. On est là pour le candidat, au cas où il lancerait une vanne à Ségolène, il ne faut pas la manquer ! Les autres, c’est leur problème. Eux, à part Sarko et la chaleur, rien ne les interpelle. On peut glousser pendant les discours officiels de nos élus locaux, ou réclamer de l’eau à un agent de la région comme si c’était un maître d’hotel... Bref, on ne va pas s’étendre sur leur cas, mais on comprend mieux nos homologues de Martinique qui lors de la dernière visite de Nicolas Sarkozy se sont vraiment considérés comme les mals logés de l’affaire... et on sait ce que l’on en fait des mals logés en France !
Bref bis. Revenons à nos moutons de Nassimah, pourfendeurs de slogans aussi interloquents que « J’aime Nassimah, je vote Sarko. » Aujourd’hui à Saint-Paul aura-t-on droit à « J’aime Alain, je vote Sarko » ? Le maire de Saint-Paul sourit à cette idée, mais ce n’est pas dans ses intentions. Il espère autant de foule et l’on peut compter sur celle d’hier qui de la parole même d’une employée de la commune (laquelle ?) « sera là pour vous aider. On est solidaire. J’ai pris deux jours de congés à la mairie. » !!! Que Saint-Paul face place de nouveaux bus sont à attendre.

La bravoure de René-Paul Victoria

Et je pense à notre maire de Saint-Denis qui au péril de ses lunettes à contenu la foule pour protéger son candidat. Pas facile de rivaliser avec la taille de guêpe de Nassimah Dindar, mais le député se défend. Un acte de bravoure évident si bien que 10 minutes après la cohorte, il était encore tremblotant. Jean-Louis Poudroux, de ses propres aveux a échappé à l’écrasement. Il faut prendre les choses avec hauteur (je ne parle pas pour le maire de Saint-Leu) : on voulait un accueil chaleureux pour le ministre candidat, il faut dire plus candidat que ministre, il l’a eu. Et une fois monté dans sa voiture officielle, il a pu planché sur ses dossiers : les deux quotidiens à grands tirages de l’île qui, de façon originale, faisaient leur Une sur le personnage. Jubilatoire ! La Réunion l’attendait. Il a potassé ses interviews en sorte, revu les réponses de ses scribes pour se rafraîchir la mémoire. Sinon encore un détail savoureux.
En visite au CERF, alors que le ministre se dirigeait vers la serre pour découvrir des plants de canne qui il faut le dire ne l’intéressaient pas outre mesure, le préfet l’interpelle pour lui signifiait que Maya Césari, conseillère régionale délégué à la recherche et chercheuse émérite lui emboîte le pas. Sarko se retourne et dit : « Soyez la bienvenue ! » Lapsus ? Chaleur ? Parfaite acclimatation au territoire ? Maya n’a pas fait mouche et m’a seulement du haut de toute son élégance tendue un sourire complice. Qui accueille qui au fait ? Réparation fut faite lorsque après la pose de la pierre du Laboratoire Henri Hugot il a donné à Maya le morceau de canne que les usiniers avaient offert à son appréciation. Il n’a pas compris que la canne se goûtait. On ne peut lui en tenir rigueur.
Tout au long de la journée, à chaque visite du candidat, je l’affirme maintenant, tout le monde s’est surpris de l’effervescence médiatique que pouvait susciter le personnage, intouchable, inabordable. Là sans y être, à l’écoute sans entendre, vous regardant sans vous voir. Un collègue de la presse écrite qui a plusieurs années d’expériences derrière lui, vivait là une première. Comme si Mick Jagger débarquait à La Réunion...et encore ! Que dire ? C’est le Sarko show dans toute sa splendeur, la formidable machine à images, la séduction dans toute sa finesse. Pas de déclaration, que du discours ou presque, les photos ça c’est Ok, si tu es assez costaud pour t’imposer, les propos sont affirmés et l’argument implacable de campagne sans cesse promu : la parole avant tout. Pas de promesse, que du concret. Concrétement, je vous le dis, la visite de Nicolas Sarkozy va marquer la presse locale, comme un goût de : plus jamais une journée comme celle là.

Stéphanie Longeras
[email protected]


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • Salut Stéphanie ,
    je voulais simplement te dire mon admiration pour cet article , plein de lucidité qui dénonce la "sarkofolie".
    je suis très inquiet face à ce festival de démagogie manipulatoire du gars sarko(c’est pas d’aujourd’hui !!!)
    en effet quand je vois tous ces autres " journalistes- à genoux- ,qui se vautrent dans la servilité. je me dis que "
    Goebbels n’aurait pas fait mieux"dans ce style de propagande et que décidément "le ventre est encore chaud d’ou est sortie la bête immonde..."
    alon met ansemb pou sobat kont li !
    Eric

  • que d’énergie déployée pour pas grand chose..l’absentéisme dans les structures de droite communal et départementale a dû battre son plein !!

    pathétique visite d’un ministre candidat auprès de ceux à qui il manque 25 000 logements et au moins 60 000 emplois..ministre de quoi déjà il est ..? à oui de l’aménagement du territoire...et il veut quoi ...? à oui, la rupture tranquille..ben on est pas près d’avancer à la Réunion !!


Témoignages - 80e année


+ Lus