Raymond Lauret, conseiller régional :

« Notre tissu productif est encore trop fragile pour supporter un tel choc... »

12 août 2004

L’empressement du gouvernement a produire le décret qui a “mis en place” le nouveau régime d’exonération de l’Octroi de mer a frappé les observateurs.
Dans un entretien accordé à “Témoignages”, Raymond Lauret, conseiller régional, nous donne son avis sur la question de ce nouveau régime de l’Octroi de mer, en sa qualité de président de la commission du Développement économique.

En quoi cette précipitation manifestée par le gouvernement est-elle "difficilement acceptable" ?

Raymond Lauret : L’Octroi de mer est un sujet délicat à manier. Pour autant, il ne doit pas rester confiné aux seules réunions entre experts. Pour simplifier, disons que l’Octroi de mer vise à taxer les produits importés à La Réunion lorsque ces produits sont aussi produits localement. C’est là un moyen de protéger une production locale.
Par ailleurs, la construction des autocars et autobus ne peut être envisagée que si nous importons, en pièces détachées, les éléments qui, une fois rassemblés voire adaptés, permettront de constituer un véhicule. Taxer ces pièces détachées, c’est “plomber” cette activité industrielle. C’est la mésaventure que vit depuis le 1er août dernier la SOCOVOI dont l’objet est de fabriquer et réparer les véhicules industriels.

Avant le 1er août, la SOCOVOI n’était-elle pas taxée ?

- La SOCOVOI a été créée en mars 1983. Elle emploie 23 salariés et occupe un créneau symboliquement fort dans la carte industrielle de notre île. Pendant vingt ans donc, elle a pu se développer. Il en est de même du montage des chauffe-eau solaires. Il est synonyme d’activité et d’emploi. Si les pièces importées à cette fin sont taxées comme des éléments complets, cela va favoriser les importateurs de chauffe-eau solaire. Il y a donc des produits qui doivent être considérés comme de la matière première incorporée dans un processus de fabrication d’un produit complet.

Dans ce que vous dites, on voit bien que l’enjeu est de favoriser le développement d’une trame industrielle dans l’île.

- C’est là un objectif. Qui oserait prétendre qu’il ne faut pas l’encourager ? Devons-nous dépendre que de ce qui se fabrique dans les grands centres industriels du monde développé ? N’avons-nous pas droit nous aussi à notre part de développement, avec nos handicaps que sont l’étroitesse de notre marché, notre éloignement, mais aussi avec la qualité de la formation des hommes et l’appoint d’un produit fiscal et capitalistique approprié ?

Tel qu’il est libellé, l’article 5 du décret gouvernemental ne signe-t-il pas l’arrêt de mort de pans entiers de notre industrie ?

- C’est ce que ressentent plusieurs chefs d’entreprise, l’ADIR, le CPI ou la CCIR. C’est aussi ce que dit la CGPME. Je refuse de croire que le gouvernement pourrait ne pas prendre un nouveau décret annulant celui entré en vigueur le 1er août dernier, dont personne ne peut justifier l’intérêt. Il nous faut constituer un front uni qui portera les paroles du bon sens là où il le faut.


Un article très décrié

L’article 5 du décret du 29 juillet définit ce qui est considéré comme "matières premières", y compris "les produits qui s’incorporent dans un processus de fabrication d’un produit fini ou semi-fini et/ou qui font l’objet d’une transformation ou d’une ouvraison substantielle".
Ce qui pose problème est l’alinéa qui suit : "Ne constituent pas des matières premières au sens des dispositions susvisées les biens qui sont destinés à être montés, assemblés ou conditionnés, dès lors que ces opérations n’ont pas pour conséquence la transformation desdits biens ainsi que les biens consommables qui contribuent de manière indirecte à la fabrication du produit fini ou semi-fini".

Octroi de mer

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