Vers un clientélisme culturel de grande échelle

Nougat et bonbon coco : un mariage à 150.000 euros

3 juin 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

Il aura suffi d’un courrier et d’une décision-éclair pour que Didier Robert et l’association tamponnaise Association tourisme Sud Réunion (ATSR) établissent un partenariat en vue d’une manifestation de trois jours à Montélimar. Sur le total des frais engagés, 150.000 euros viendront de la seule Région. Censé « promouvoir » notre île, ce voyage a surtout l’allure d’une coûteuse brocante culturelle, destinée à faire connaître des bars de La Réunion et à faire déguster nos spécialités culinaires dans la ville du nougat. Une opération de complaisance, qui confirme l’orientation de la Région Réunion vers un clientélisme culturel de grande échelle.

Quatre ans, en politique, c’est assez court. Mais cela peut devenir fort long lorsqu’on n’a aucune perspective à offrir à une population nourrie d’attentes et de promesses. Parvenue à la tête de la Région, l’UMP applique un programme entièrement négatif : démantèlement du Tram-train, suppression de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise (MCUR), interruption des initiatives de développement durable et bientôt peut-être, démembrement de la compagnie aérienne régionale.

Pour meubler l’absence de projets…

En contrepartie, la nouvelle majorité peine à proposer des projets véritablement convaincants : une dose certaine de scepticisme a accueilli les déclarations qui promettent qu’en quatre années, toutes les routes, tous les chemins et toutes les avenues de La Réunion seront aménagées pour recevoir les « 2.000 bus » destinés à remplacer le chemin de fer. De même, peu de citoyens croient à réalisation de la fameuse « nouvelle route du littoral » à 6 voies présentée par Didier Robert, contre celle qui avait été actée par convention entre Paul Vergès et Dominique de Villepin en 2007.
Kilomètres d’études, financements abyssaux, négociations longues et ardues risquent fort de faire de ce projet un serpent de mer supplémentaire. Dans ces conditions, Didier Robert et son équipe n’ont finalement guère d’autre choix que de jouer à fond les cartes de la communication et du clientélisme.

… le clientélisme culturel

Une orientation dont le nouveau président de la Région ne fait d’ailleurs pas mystère : sa première mesure a consisté à puiser dans les fonds destinés à la MCUR pour une série de "cadeaux" qui, de l’avis général, ont pour but de fixer une partie de l’électorat "jeune". En un mot, « on arrose », nous dit en "off" une source proche de la direction de la Région. Les réseaux culturels sont bien évidemment les premiers destinataires de cette offensive de séduction électorale. Du moins, ceux qui ont joué un rôle dans l’élection de l’UMP et dans l’animation de sa prise de pouvoir…

Cher et faible

L’épisode du voyage régional à Montélimar révélé hier par la presse donne un échantillon du tournant clientéliste pris par la politique culturelle régionale. Dans le cadre d’une manifestation dans l’Hexagone, "l’association Tourisme Sud Réunion" (ATSR) du Tampon a sollicité un financement d’un montant conséquent de 50.000 euros. Une subvention à laquelle s’ajoute des apports qui portent à 150.000 euros la contribution de la collectivité. Objet de la demande : participer à la "ronde des Régions", rassemblement qui se tiendra à Montélimar les 4, 5 et 6 juin prochains. L’examen du dossier en commission permanente a provoqué un malaise sensible jusque dans les rangs de la majorité : manque de transparence, faiblesse du contenu, favoritisme évident dans le choix des acteurs ont frappé les esprits, au-delà de l’opposition.

Subventions en fanfare

Arrivé le 11 mai dernier sur le bureau de Didier Robert, le dossier a été traité en un temps record de 6 jours. Une rapidité surprenante : les demandes de financement d’une telle ampleur sont normalement encadrées par une série de procédures : évaluations, prise en charge par des comités de pilotage…
Le fond de la manifestation pose aussi problème : on a fait à juste titre remarquer l’inconsistance d’un programme de bric et de broc, qui mêle sans méthode promotion des bars, dégustation de bonbons cocos, de samoussas et d’huiles essentielles, agrémentées de quelques romances. Une inconsistance dont la direction de la Région était-elle-même consciente, puisqu’elle a tenté de faire passer un dossier si coûteux au registre des "questions diverses".
Le choix de l’animation a achevé de troubler les élus, à qui on a demandé de voter de coquettes sommes pour deux groupes folkloriques bien connus, certes fort talentueux, mais si souvent préposés aux fêtes et banquets de la Région qu’un auditeur les avait décorés sur les ondes d’une radio populaire du nom de "fanfare de Didier Robert"….

Geoffroy Géraud-Legros


Didier Robert préside deux financeurs

Voici la contribution de quelques financeurs à l’opération "Montélimar"

Région Réunion président : Didier Robert 150.000 euros
Le Tampon 1er adjoint : Didier Robert 35.000 euros
CCSud président : Didier Robert 3.000 euros

Fabienne Couapel-Sauret redore son blason

Avec le talent pour se faire remarquer qui la caractérise, Fabienne Couapel-Sauret a bien fait savoir qu’elle désapprouvait la subvention accordée à l’association tamponnaise. Une opération de communication sans doute destinée à restaurer son image de "chasseuse de gaspi", aujourd’hui bien écornée.
Pas plus tard que la semaine dernière, la conseillère déléguée aux 2.000 bus avait empoché un billet d’avion aux frais du contribuable, afin de se rendre à un sommet européen où elle n’avait rien à faire. Déterminée à aller « bat’ carré » à Bruxelles où se tenait le 1er sommet des Régions ultrapériphériques, l’ancienne conseillère municipale UMP de Béziers avait littéralement fait le siège de Didier Robert, avec un acharnement qui a paraît-il provoqué l’exaspération de ses collègues. Un déplacement dont on ne saura sans doute jamais les raisons, ni les bénéfices qu’en ont retiré les relations entre La Réunion et l’Europe.

G.G-L


Michel Vergoz vole au secours de Didier Robert

Il y a quelques jours, Joël Mongin était interrogé sur les raisons de son silence persistant face à la casse du BTP, pourtant dénoncée par la plupart des syndicats. « Il faut laisser le temps à Didier Robert », a-t-il répondu en substance. Position peu surprenante Joël Mongin n’a-t-il pas appelé à voter pour le candidat UMP aux dernières élections régionales ?
On est un peu plus étonné de voir que Michel Vergoz, que l’on croyait pourtant chef de l’opposition socialiste, semble décidé lui aussi à donner une chance à l’UMP. Un choix dont il a hier encore apporté la preuve, en volant au secours de Didier Robert lors du vote de la très contestée subvention… alors que même des représentants de la droite "orthodoxe" tels que Jean-Louis Lagourgue manifestaient un trouble visible.

G.G-L

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