Année du Mexique sans la participation du Mexique ?

Nouvelle catastrophe diplomatique provoquée par Nicolas Sarkozy

16 février 2011, par Manuel Marchal

Avec l’UMP à la tête du gouvernement, la France n’en finit plus de voir les catastrophes diplomatiques se succéder. Après la chute de Ben Ali en Tunisie que le gouvernement n’a pas vu venir, après la chute du co-président de l’Union de la Méditerranée, le projet phare de la politique internationale de Nicolas Sarkozy, nouvelle claque avec le refus du gouvernement mexicain de s’associer à l’Année du Mexique en France sous la forme voulue par le président de la République.

La procédure judiciaire entamée par Florence Cassez, une Française condamnée à 60 ans de prison au Mexique, a suscité une émotion que le gouvernement compte exploiter. Cela permet en effet de faire passer inaperçues des informations aussi essentielles que l’explosion du chômage, le déficit record, ou un taux de croissance économique inférieur aux prévisions servant de base au plan d’austérité.
La semaine dernière, la Française a vu sa demande de cassation du verdict examinée par la plus haute instance judiciaire du Mexique. Cette dernière a confirmé le jugement. Le gouvernement a aussitôt lancé l’offensive médiatique, en envoyant en première ligne sa ministre des Affaires étrangères pourtant empêtrée dans le scandale de l’utilisation d’avions privés d’un ami de Ben Ali. Michelle Alliot-Marie a dénoncé un déni de justice, et appelé au boycott de l’Année du Mexique en France, un événement culturel visant à rapprocher les deux pays, pour protester contre la condamnation d’une Française à 60 ans de prison. Puis il a été question de maintenir la manifestation, mais en interdisant à tous les représentants de l’État d’y participer.

Le Mexique surpris par Sarkozy

Nicolas Sarkozy est ensuite entré dans le bal médiatique, en affirmant que l’Année du Mexique sera maintenue, mais dédiée à Florence Cassez.
Au Mexique, cette nouvelle a suscité un scandale. Car de l’autre côté de l’Atlantique, la Française est désignée coupable par le gouvernement et l’opinion pour un fait qui traumatise depuis des années la population mexicaine : les enlèvements.
En réponse au propos de Nicolas Sarkozy, le gouvernement mexicain s’est exprimé lundi soir par la voix d’un communiqué de son Ministère des Affaires étrangères. « A la lumière des déclarations du Président Sarkozy, le gouvernement du Mexique considère que n’existent pas les conditions pour que l’Année du Mexique en France soit menée à bien de manière appropriée et que soit mis en œuvre l’objectif pour lequel elle avait été conçue », précise le ministère, qui indique que, « malheureusement, le gouvernement du Mexique ne sera pas dans la possibilité de participer à ses activités ».
« Il est vraiment surprenant qu’un chef d’État prenne une décision de politique extérieure affectant les liens entre deux peuples et gouvernements en consultant une personne condamnée par la justice mexicaine pour des délits de nature particulièrement grave », poursuit le communiqué du Ministère mexicain des Affaires étrangères.
Hier, le gouvernement mexicain a nuancé sa position, maintenant sa participation sous condition. Il faut pour cela que Nicolas Sarkozy renonce à sa volonté de dédier cet évènement à Florence Cassez.

La Tunisie, l’Égypte, le Mexique…

Cette nouvelle catastrophe diplomatique se situe dans le prolongement de beaucoup d’autres. Il suffit de remonter quelques semaines en arrière pour se souvenir du manque total d’analyse de la situation en Tunisie, qui a débouché sur une proposition française de coopération avec la police tunisienne au moment où le Président Ben Ali vivait ses derniers jours à la tête de la Tunisie. Plus près de nous, Paris est apparu complètement dépassé par la chute du régime en Égypte. Et cela d’autant plus qu’il y a à peine quelques semaines, au moment où la révolte grondait, le Premier ministre a passé plusieurs jours de vacances en Égypte en utilisant des moyens mis à sa disposition par l’ex-président Moubarak, notamment un avion de la flotte de l’État égyptien.
Aujourd’hui, c’est Nicolas Sarkozy qui achève de discréditer encore davantage la diplomatie française en ne voyant pas plus loin que le bout du micro tendu vers lui, ce qui déclenche une tempête au Mexique. Sa déclaration visant à exploiter l’émotion se retourne contre Paris comme un boomerang. Manifestement, la présidence du G20 et du G8 est atteinte par une inquiétante myopie diplomatique.

Manuel Marchal

Nicolas Sarkozy

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