Dans 3 jours, le président de la République à La Réunion

Octroi de mer : silences après l’annonce de Victorin Lurel

18 août 2014, par Manuel Marchal

Le 12 août, la Région Guadeloupe publie un communiqué annonçant la prolongation de l’octroi de mer dans ses règles actuelles jusque 2020. Cette nouvelle est reprise par de nombreux médias. Trois jours plus tard, ce communiqué est effacé, silence de Paris et de la Commission européenne, pareil à la Région Réunion. Qui se cache derrière cette bien curieuse initiative de Victorin Lurel sur un sujet aussi grave ?

Victorin Lurel est président de la Région Guadeloupe, il est aussi un responsable socialiste. Auparavant, quand le Parti socialiste était dans l’opposition au Parlement, Victorin Lurel ne manquait pas de réagir à chaque mesure prise par l’ancien gouvernement au sujet de l’outre-mer.
Lors de l’élection présidentielle, Victorin Lurel était responsable de la campagne de François Hollande dans l’Outre-mer. Lors de l’alternance, il est devenu ministre des Outre-mer. Il a rempli cette fonction pendant près de 2 ans. Jusqu’à présent, aucun responsable de son parti n’a critiqué négativement son bilan. Redevenu président du Conseil régional, Victorin Lurel est donc réputé avoir l’oreille du gouvernement. Donc quand il décide de communiquer, ce n’est pas pour faire des effets d’annonce.
Le 12 août, il décide donc de rendre publique une nouvelle concernant un sujet décisif, l’octroi de mer.
Rappelons que le gouvernement et la Région devaient travailler pour que Paris puisse remettre à la Commission européenne un rapport sur ce sujet. Cela devait permettre à l’Europe de statuer pour prolonger ou pas une mesure dérogatoire devant expirer le 1er juillet. Vu le retard pris, l’Europe a accordé un délai de six mois supplémentaire. Rappelons que l’octroi de mer est une recette importante des collectivités locales, et permet à l’industrie de se protéger grâce à un différentiel de taxation. La fin de cette taxe peut remettre en cause des milliers d’emploi à La Réunion.

Ce que dit l’Europe

Publié sur le site de la Région Guadeloupe, le communiqué commence de la manière suivante : « Le président du conseil régional, Victorin Lurel se dit très satisfait de la décision prise par la Commission européenne de reconduire en l’état le dispositif de l’octroi de mer pour la période 2014-2020. » Cette nouvelle est reprise dans le JIR du 14 août, ainsi que par Réunion Première.
Mais trois jours plus tard, le communiqué n’est plus sur le site de la Région Guadeloupe. Devant le silence de la Région Réunion, collectivité qui fixe les taux de l’octroi de mer, il a fallu aller rechercher ailleurs les informations. Le ministère des Outre-mer n’en parle pas. Puisque Victorin Lurel citait dans son communiqué une décision de la Commission européenne, nous sommes allés sur le site de l’institution. Voici ce qui est écrit au chapitre « Octroi de mer » :
« En principe, le traité ne permet pas d’appliquer une fiscalité différente pour produits locaux et pour produits importés de France métropolitaine ou des autres Etats membres. Toutefois, la spécificité des régions ultrapériphériques, au rang desquelles on compte les DOM, est établie par l’article 299§2 du traité CE, qui permet d’adopter des mesures spécifiques, en particulier dans le domaine fiscal, qui doivent prendre en compte les caractéristiques et contraintes particulières de ces régions.
Les entreprises de production locales souffrent d’une série de handicaps, principalement du fait de l’éloignement, qui ont pour effet majorer le prix de revient des produits qu’elles fabriquent et de rendre ces produits peu compétitifs à l’égard des produits venant de l’extérieur (et en particulier de la France métropolitaine et des autres Etats membres de la communauté). Ceci a justifié la mise en œuvre d’une mesure spécifique, permettant par le biais d’exonérations ou de réductions de l’octroi de mer pouvant être octroyées aux produits locaux,
- d’encourager l’activité industrielle productive,
- de maintenir leur compétitivité face aux produits provenant de l’extérieur et
- de renforcer ainsi la part de l’activité industrielle dans le PIB des DOM.
C’est pourquoi, sur proposition de la Commission, le Conseil a, par une décision du 10 février 2004 (Journal officiel L 52 du 21/02/2004, page 64), autorisé les autorités françaises à prévoir des exonérations totales ou des réductions de l’impôt « octroi de mer » en faveur d’une liste limitative de produits fabriqués localement et énumérés dans l’annexe de la décision. Ces exonérations ou réductions de taxe ne peuvent conduire à des différences de taxation excédant, selon les produits, 10, 20 ou 30%. L’autorisation donnée est valable jusqu’au 1 er juillet 2014.
Cette décision permet donc d’appliquer, dans les limites autorisées, une différence de taxation à l’octroi de mer entre les produits locaux des DOM et les produits provenant de l’extérieur ».

Qui se cache derrière ?

La Commission n’a pas intégré le délai de 6 mois courant jusqu’au 31 décembre, et ne fait pas écho d’une prolongation du dispositif jusqu’en 2020.
Le 12 août, il était possible d’imaginer que l’initiative du président de la Région Guadeloupe visait à déminer le terrain pour le gouvernement, à une semaine de la visite de François Hollande à La Réunion. Mais la disparition pure et simple de cet acte administratif des archives du site de la Région Guadeloupe interroge. Cela ne favorise pas la sérénité.
Qui se cache derrière cette bien curieuse initiative de Victorin Lurel ?

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