Après le discours de Jean-Pierre Raffarin devant les députés

Où est le changement ?

6 avril 2004

L’opposition a vivement critiqué le discours de politique générale prononcé hier à l’Assemblée nationale par le chef du gouvernement. En dehors de quelques concessions et reculs, celui-ci n’a manifestement pas tenu compte des sanctions que les électeurs ont infligées à sa politique lors des derniers scrutins.
Et les députés UMP de La Réunion - comme ceux de France - pas davantage, puisque Bertho Audifax, René-Paul Victoria et André Thien-Ah-Koon ont renouvelé leur soutien au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. À l’inverse, les députés de l’Alliance, Huguette Bello et Christophe Payet, ont clairement exprimé leur opposition aux orientations de ce gouvernement.
Pour la députée de la 2ème circonscription, le Premier ministre s’est contenté de « proposer un catalogue de mesures déjà connues et qui ne remettent pas fondamentalement en cause la politique menée jusqu’à présent ».
Quant au député-maire de La Petite-Ile, il a déclaré que face à cette politique, « plus que jamais, l’ensemble des Réunionnais doivent rester rassemblés et mobilisés pour faire triompher les intérêts fondamentaux de La Réunion ».


Huguette Bello : "Des mesures qui ne remettent pas en cause la politique menée jusqu’ici"

Hier après-midi, suite à la déclaration de politique générale du Premier Ministre, Huguette Bello n’a pas voté la confiance au gouvernement Raffarin III. Nous publions le communiqué de la députée de La Réunion ci-après.

Le Premier Ministre a fait ce jour une déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale et a engagé la responsabilité de son gouvernement.
Dans son intervention, le Premier Ministre, tout en reconnaissant "des erreurs et des lenteurs" et en se défendant d’avoir entendu le message des Français, a proposé un catalogue de mesures déjà connues et qui ne remettent pas fondamentalement en cause la politique menée jusqu’ici.
C’est ainsi que dans le domaine social, le Premier Ministre n’a pas proposé le rétablissement de la durée d’attribution de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) mais "des améliorations". Aucun changement annoncé sur le RMA et le désengagement de l’État pour le RMI.
Pour l’assurance-maladie, le Premier Ministre s’est contenté de rappeler les enjeux de la réforme qu’il compte mener, sans qu’aucune inflexion ne soit portée à ce qui s’apparente à une privatisation du système d’assurance-maladie et à l’instauration d’une médecine à deux vitesses.
De même, dans le domaine de l’emploi, dont la priorité est évidente pour tous, M. Raffarin n’a prévu aucune solution véritable notamment pour les jeunes, si ce n’est la création d’un hypothétique "droit à la deuxième chance". Faisant totalement l’impasse sur les délocalisations et les vagues de licenciements, le Premier Ministre a par contre confirmé la poursuite des privatisations des entreprises publiques notamment d’EDF-GDF.
En ce qui concerne la recherche et l’enseignement, le Premier Ministre, n’a pas abordé la question des réductions des postes ouverts aux concours.
Deux absences notables au cours de cette intervention :

- la réforme de la décentralisation, qui n’a pas été mentionnée, ne serait-ce qu’une seule fois : rien sur les transferts de personnels, rien sur les transferts de compétences non assorties de moyens financiers correspondants.
l’Outre-mer qui ne semble déjà plus faire partie des priorités de ce nouveau gouvernement.


Christophe Payet : "Rester rassemblés et mobilisés pour faire triompher les intérêts fondamentaux de La Réunion"

Tout comme sa collègue Huguette Bello, Christophe Payet, député de La Réunion, maire de Petite-Île, s’est lui aussi prononcé contre le discours de politique générale du Premier Ministre, qui "n’a pas évoqué les orientations du gouvernement concernant l’Outre-Mer". Voici l’explication de son vote par son secrétariat parlementaire.

Dans le prolongement des élections régionales et cantonales, et suite à la formation de son nouveau gouvernement, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, a prononcé devant la représentation nationale son discours de politique générale, engageant la responsabilité du gouvernement.
Dans son allocution, où il a rappelé l’ensemble des défis auxquels la société française est confrontée, le Premier Ministre n’a pas évoqué les orientations du gouvernement concernant l’Outre-Mer. Cela confirme que l’Outre-Mer n’est pas une priorité pour ce gouvernement et que le Premier Ministre n’a pas retenu les leçons du scrutin dans l’ensemble des Régions d’Outre-Mer.
C’est pourquoi, plus que jamais, l’ensemble des Réunionnais doivent rester rassemblés et mobilisés pour faire triompher les intérêts fondamentaux de La Réunion.
Si la majorité des parlementaires lui a renouvelé sa confiance, le Groupe Socialiste, dont le député Christophe Payet, s’est prononcé contre.


Réactions en France

Suite au discours de politique générale tenu hier par Jean-Pierre Raffarin devant les députés, François Hollande a dénoncé un gouvernement "sans boussole, sans cap, sans perspective". "Vous ne donnez aucun sens à votre action", a accusé le patron du PS dans sa réponse au discours de politique générale du Premier ministre.
Le premier secrétaire du PS a dénoncé "l’accumulation de contradictions" qui entravent selon lui l’action gouvernementale. "Vous nous parlez de cohésion sociale, de justice, de dialogue. Mais comment pourriez-vous mener une politique différente de celle que vous avez conduite depuis deux ans ?", s’est-il demandé."Vous prétendez à la fois augmenter la dépense sociale, réduire le déficit, diminuer les prélèvements et le tout sans croissance significative. Le plus probable est que vous ne réaliserez aucun de ces objectifs", a-t-il lancé au Premier ministre.
François Hollande a accusé le gouvernement de vouloir "agir sur les modalités de remboursement" dans le cadre de la réforme de la Sécurité sociale. Surtout, il a dénoncé la contradiction entre "l’affirmation d’une orientation plus sociale" et "le maintien d’une politique économique libérale". "Réformer, ce n’est pas défaire les acquis sociaux", a-t-il dit.
Quant au président du groupe PS à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, il s’est dit "consterné par l’intervention du Premier ministre : aucun contenu, aucune proposition nouvelle".

Quels enseignements ?

Alain Bocquet (PCF) a condamné "un pouvoir plein de suffisance et de cynisme", qui "balaie d’un revers de main une débâcle électorale" et "en détourne le sens en y voyant un prétexte à pousser les feux dits de la réforme". "Jamais un Premier ministre responsable de choix économiques, budgétaires et sociaux radicalement rejetés en moins de deux ans par près de 13 millions d’électeurs n’avait ignoré avec autant d’aplomb les leçons que l’on doit tirer d’un tel désaveu", a dénoncé le président du groupe PCF à l’Assemblée nationale.
Pour la secrétaire nationale du PCF, le gouvernement "veut mener à bout sa politique de casse sociale" : "on a l’impression que la sanction du 21 et du 28 mars n’a pas existé et on a entendu un Premier ministre qui dit : “je vais continuer à casser la sécurité sociale, je vais continuer à privatiser, je vais continuer le cap des mesures que j’ai décidées de prendre, point final. Passez il n’y a rien à voir !”. C’est très grave", a déclaré la dirigeante du PCF à l’Agence France presse.
Quant au dirigeant Vert Noël Mamère, il estime que "nous avons le sentiment d’avoir affaire à un Premier ministre virtuel avec un contrat de mission provisoire qui durera jusqu’aux élections européennes".
Côté syndical, les réactions n’ont pas tardé. "Le Premier ministre n’a pas entendu le message des salariés et des Français", a réagi hier la CGT après le discours de politique générale de Jean-Pierre Raffarin. Et la centrale de menacer de "confrontations sociales majeures", estimant qu’on est en face d’un "Raffarin II bis plutôt que d’un Raffarin III".
"Sur la réforme de l’assurance-maladie, les déclarations de Chirac laissaient entendre qu’on prendrait le temps d’une concertation qui n’avait pu se développer et le Premier ministre confirme maintenant que la réforme sera votée cet été", estime la CGT qui ajoute qu’"il y a en outre une confirmation des privatisations et du changement de statut d’EDF et de GDF", a-t-il poursuivi.
La CGT va "devoir porter les exigences sociales que le gouvernement ne veut pas entendre", a menacé Jean-Christophe Le Duigou qui se "demande si le Premier ministre n’est pas en train de prendre le risque de confrontations sociales majeures avec les salariés".

Et la décentralisation ?

Quant au secrétaire général de la FSU, Gérard Aschieri, il s’est dit "surpris du peu d’inflexion par rapport à la politique menée antérieurement et par l’autosatisfaction du Premier ministre qui maintient son cap". "Une fois de plus, les services publics sont cités au registre des dépenses. On a par ailleurs une confirmation et une accélération des privatisations, et un silence surprenant sur la décentralisation", a-t-il ajouté. Le dirigeant du principal syndicat de la Fonction publique a également jugé "inquiétant" le discours du Premier ministre concernant la réforme de l’assurance-maladie : "il commence par parler de la réforme des retraites et dit qu’il veut utiliser la même méthode. Il garde la volonté de boucler le dossier cet été et laisse même entendre que la concertation est terminée".
"Quant à l’éducation", a poursuivi le secrétaire général de la FSU, "il y a un juste un coup de brosse à reluire, mais aucune réponse sur les problèmes actuels. Nous ne sommes pas contents et surpris de l’absence de prise en compte des inquiétudes manifestées".


La politique générale de Jean-Pierre Raffarin

Au début de son discours de politique générale, Jean-Pierre Raffarin a demandé hier à l’Assemblée nationale de lui donner "un mandat d’action" pour poursuivre sa politique à la tête du gouvernement. Lors des élections régionales, "les Français ont dit leur volonté de justice", a ajouté le Premier ministre. "Ils ont dit leur exigence d’efficacité. Ils ont manifesté leurs inquiétudes et leurs impatiences. Mais ils n’ont pas choisi le renoncement. Ils n’ont pas choisi le repli. Ils n’ont pas choisi l’inaction".
Le chef du gouvernement s’est engagé à "poursuivre l’adaptation" de la République. "Il y a eu des erreurs, elles seront corrigées. Mais je ne laisserai pas caricaturer la politique que nous avons menée ensemble depuis 2002", a estimé Jean-Pierre Raffarin. Il a déclaré que son gouvernement apporterait "des améliorations au régime de l’allocation spécifique de solidarité", comme l’a demandé jeudi le président Jacques Chirac. Il a également annoncé "une nouvelle hausse du pouvoir d’achat du SMIC horaire de 3,7% au 1er juillet 2004 et à nouveau au 1er juillet 2005". Selon Jean-Pierre Raffarin, "le retour à la croissance nous permettra de maîtriser nos déficits excessifs et de les réduire sous la limite des 3%", du PIB. Un retour de la croissance bien hypothétique si l’on en croit des prévisions du ministère des Finances révélées hier par “le Monde” (voir encadré).
Le Premier ministre a notamment déclaré qu’il allait "accélérer" la "politique de privatisation dans le secteur concurrentiel". Il a précisé que le projet de loi sur la réforme de la Sécurité sociale serait débattu comme prévu "à l’été" par le Parlement : "Dès cette semaine, le ministre de la Santé et de la Protection sociale poursuivra les discussions engagées. Le projet de loi de réforme de notre assurance-maladie sera débattu au Parlement, à l’été, comme prévu". Jean-Pierre Raffarin pense qu’il est nécessaire de prendre des "mesures indispensables pour rééquilibrer les comptes, car la santé ne se finance pas à crédit". Il a par ailleurs souhaité une "issue rapide" au conflit entre le gouvernement et les chercheurs.
Enfin, il a assuré qu’il "garde le cap de la réforme de la réforme, de la réforme juste". "Depuis deux ans, l’action conduite a permis de sortir de certaines impasses. La France s’adapte. J’ai confiance en sa capacité d’évolution, de modernisation", a déclaré le Premier ministre à la fin de son intervention, qui n’a duré que 35 minutes. À la fin de son discours, Jean-Pierre Raffarin a été mollement applaudi debout par les 365 députés UMP, restés silencieux pendant toute son intervention. Les députés UDF sont restés assis.


Alors que Jean-Pierre Raffarin parle de retour sous les 3% du P.I.B.

Le déficit de l’État pourrait atteindre 4% de la richesse nationale produite en 2005

Citant des prévisions confidentielles de Bercy, “Le Monde” annonce que le déficit public pourrait atteindre les 4% en 2005, soit bien au-delà de la limite fixée par l’Union européenne, qui est de 3%
Par ailleurs, la dette publique pourrait approcher des 67% en 2005. Les comptes publics désormais confiés à Nicolas Sarkozy seraient ainsi plus dégradés que prévu, et rendraient irréalisables le respect du pacte de stabilité (déficit ne dépassant pas les 3% du PIB). Le ministère des Finances n’a pas souhaité faire de commentaire dans l’immédiat.
Samedi, lors d’un sommet des ministres des Finances de l’Union européenne en Irlande, Nicolas Sarkozy avait renouvelé l’engagement de la France à ramener le déficit public sous les 3% l’an prochain, tout en soulignant que "pour réduire le déficit, il ne faut pas casser la croissance".
Simultanément, “la Lettre de l’Expansion” indiquait hier que "la croissance 2003 pourrait avoir été négative", et avoir été de -0,2% au lieu de 0,2% annoncé jusqu’à maintenant. “La Lettre” précise que "ce que découvrent les experts de l’INSEE qui sont actuellement en train d’harmoniser leurs calculs pour chiffrer la croissance française en 2003, est assez alarmant".
L’INSEE publiera le 27 avril les résultats détaillés de la croissance du quatrième trimestre, et un nouveau calcul de la croissance annuelle de l’an dernier. Dans de telles conditions, comment le chef du gouvernement peut-il annoncer une baisse des deficits, mais il est vrai qu’il s’est bien gardé de préciser un délai.


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