Le plan Borloo appliqué à l’Outre-mer

Où veut aller le gouvernement ?

29 novembre 2004

En proposant, à l’Assemblée nationale, la mise en place d’un ’contrat d’application territoriale du plan de cohésion sociale’ afin d’adapter aux départements d’Outre-Mer son plan de cohésion sociale, Jean-Louis Borloo donne la nette impression d’agir dans la précipitation et de ne pas savoir exactement que faire.

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L’attention du gouvernement avait été attirée sur la nécessité d’une lecture du texte du projet de loi sur la cohésion sociale en fonction des données domiennes : il y a quelques mois, Huguette Bello avait interpellé par le biais d’une question orale le ministre du Logement en lui demandant comment seront harmonisées les dispositions du projet de loi et l’existant, c’est-à-dire la LBU (ligne budgétaire unique) par laquelle l’État finance la construction de logements sociaux.
Il avait été répondu à la députée réunionnaise que Paris serait sensibilisé à cette problématique. Le gouvernement a effectivement été préoccupé par la question d’une adaptation pour l’Outre-mer puisque son texte propose des modifications liées aux conditions domiennes. Mais il s’agit de dispositifs marginaux, comme la collecte dans les DOM des fonds pour l’apprentissage ou l’existence en Guadeloupe de deux Chambres de commerce.
Or, présentant son budget en septembre dernier, la ministre de l’Outre-mer affirmait que celui-ci anticipait sur le plan de cohésion sociale. Elle annonçait fièrement, qu’à ce titre, 1.000 logements sociaux supplémentaires seraient construits en 2005. Ceci tout en voyant les crédits de la ligne budgétaire diminuer.
Le moins que l’on puisse dire est que les violons ne sont pas accordés entre les membres d’un même gouvernement. On notera que le texte gouvernemental sur le projet de loi de cohésion sociale - tel qu’il a été adopté par le Sénat et en discussion devant l’Assemblée - ne propose à aucun moment des dispositifs d’adaptation pour l’Outre-mer.

Une adaptation limitée ?

Au Sénat comme à l’Assemblée nationale, Jean-Louis Borloo reconnaît la nécessité de tenir compte des situations ultra-marines. Mais il semble vouloir se limiter au seul secteur du logement : "Je précise que des adaptations techniques particulières à ce plan s’imposent à La Réunion, en Guyane, à la Martinique et à la Guadeloupe, notamment en ce qui concerne la ligne budgétaire unique, la LBU. Les financements sont globalement prévus, mais il faut les faire passer de ligne à ligne pour que nos amis réunionnais, guyanais, guadeloupéens et martiniquais soient complètement intégrés à ce grand mouvement", déclarait-il au Sénat.
Pourtant c’est sur l’adaptation de l’ensemble de son texte et ses principaux dispositifs, l’emploi, le logement, l’égalité des chances, que le ministre a été interpellé. Ainsi Huguette Bello lui a demandé si les nouveaux contrats d’emplois aidés proposés par le plan viendraient compléter les CES et CEC ou si les crédits qui accompagneront les mesures annoncées pour le logement s’ajouteront à ceux de la LBU.

Les questions restent nombreuses

Nous ne savons pas au juste où veut aller le gouvernement, et les questions restent nombreuses.
S’il adapte, que va-t-il adapter ?
Que recouvre exactement ce fameux "contrat d’application territoriale" qui serait en charge de l’adaptation du plan de cohésion sociale à l’Outre-mer ? Comment va-t-il être constitué ? Comment fonctionnera-t-il ? Sur quoi va-t-il déboucher ?
Or, il est impératif que les décisions qui en sortiront soient opérationnelles dès le 1er janvier 2005. D’abord, pour une simple raison : le plan de cohésion entrant en application l’année prochaine et ne devant durer que 5 ans - les crédits qui lui sont nécessaires ont été programmés pour couvrir la période 2005 - 2009 -, tout retard serait préjudiciable à La Réunion.
En ce sens, la proposition de Bertho Audifax de reporter la mise en application de la loi d’un an ne paraît pas être la meilleure solution.
Ensuite, il est nécessaire de trancher la question des emplois aidés dès le début de l’année prochaine. Les CES et les CEC étant supprimés dès le 1er janvier, comment feront les employeurs - associations et communes - pour renouveler des contrats dont une grande majorité arrive à terme en ce mois de décembre ? Si, comme le laissent penser les déclarations du ministre, il n’y a pas d’adaptation du nouveau dispositif d’emplois aidés (reconduction temporaire des CES et des CEC, modification de leurs critères d’application...) les problèmes seront encore plus graves.

J. M.


Un retour 15 ans en arrière

Pour adapter à l’Outre-mer - comme il propose le faire - les dispositions de son plan de cohésion sociale, Jean-Louis Borloo ne pourra le faire que par la voie des décrets d’application.
En effet, le projet de loi sera définitivement adopté par le Parlement avant que ne soit mis en place le "contrat d’application territoriale du plan de cohésion sociale" que propose le ministre. On voit mal le gouvernement représenter un nouveau texte législatif pour procéder aux adaptations nécessaires. Il utilisera la voie des décrets d’application pour apporter les modifications qu’il juge nécessaires pour l’Outre-mer.
En 1988, François Mitterrand s’étant engagé de réaliser l’égalité sociale dans les DOM. Les électeurs de ces territoires avaient plébiscité sa candidature.
Cependant, pour son premier grand texte social, celui qui instaurait le RMI, le gouvernement Rocard proposait de l’adapter Outre-mer par le biais des décrets d’application.
Cela souleva une vive protestation des parlementaires domiens, qui exigèrent que l’engagement de Mitterrand envers les peuples des DOM soit respecté. D’où l’engagement du gouvernement d’établir la créance de proratisation mais aussi de ne pas procéder par le système du décret d’application, comme cela se faisait depuis toujours.
Les élus domiens avaient ainsi exigé et obtenu que l’on rompe avec le système du décret d’application et que, au nom du principe d’égalité, les décisions prises pour leurs pays le soient par le biais de la loi.
En procédant à une adaptation de la loi sur la cohésion sociale par décrets, le gouvernement actuel retournerait ainsi 15 ans en arrière et renouerait avec une pratique passée et décriée.


Pas de contrat aidé pour remplacer un employé communal

Un piège pour les maires ?

À l’approche des municipales de 1995, pour empêcher le recrutement massif d’employés communaux non titulaires, le préfet Constantin publia une circulaire enjoignant aux maires de n’embaucher désormais que des agents appelés à devenir titulaires de leur poste. Pour détourner ce dispositif, les élus ont massivement recouru aux emplois “aidés” : plus du tiers de leur personnel est constitué de CES, CEC voire même d’emplois jeunes.
Ce recours aux emplois aidés n’a pas empêché le clientélisme électoral : deux élections municipales ont été annulées au motif d’un recrutement abusif de CES. Il n’en a pas moins répondu à des besoins en personnel travaillant à mi-temps (essentiellement le personnel des cantines) ou pour remplacer des employés titulaires partant à la retraite.
Lors de la discussion du projet de loi devant la commission des Affaires sociales de l’Assemblée Nationale un amendement a été adopté à l’unanimité. Il indique que les contrats aidés doivent répondre à des besoins collectifs non satisfaits et ne doivent pas porter sur des fonctions définies par le statut de la fonction publique territoriale. Pour se prémunir contre le risque de voir remis en cause ce statut, au moment où interviennent de nombreux départs à la retraite non remplacés, l’amendement propose que les contrats aidés ne peuvent remplacer des emplois statutaires.
Déjà bien embêtés avec les nouveaux contrats aidés dont ils ne savent pas s’ils pourront les appliquer, les maires auront une difficulté supplémentaire à surmonter. Cela au moment où les départs à la retraite dans le personnel communal commencent à devenir plus nombreux.


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