En pleine crise financière

Paris décide de diminuer les investissements à La Réunion

19 novembre 2008, par Manuel Marchal

Lundi soir à l’Assemblée nationale, les députés de la majorité gouvernementale ont changé les règles de la défiscalisation. Dans les DOM-TOM, l’avantage fiscal sera limité à 40.000 euros net de la part restituée à l’exploitant du bien ou 15 % du revenu imposable brut. Si le texte n’est pas modifié d’ici le vote définitif, le montant des investissements à La Réunion diminuera.

Lundi en première lecture, la majorité de l’Assemblée nationale a décidé de plafonner la défiscalisation pour les investissements outre-mer. Or, depuis qu’elle a été évoquée, cette proposition suscite l’inquiétude de toutes les personnes concernées à La Réunion et dans les autres DOM. 
Frédéric Manscour, député de la Martinique, a chiffré une perte de plus de 150 millions d’euros d’investissements annuels en Outre-mer si ce dispositif gouvernemental était maintenu dans l’état.
Cette nouvelle arrive au moment où la France et l’Europe sont touchés par la récession. Dans un tel contexte, le gouvernement cherche à faire des économies sur les transferts publics, ce qui ne peut avoir que des répercussions négatives dans notre île où, structurellement, les transferts publics sont un des moteurs de l’activité économique. Si l’investissement privé, un autre pilier de l’économie, est rendu plus complexe et moins attrayant, ceci ne pourra alors qu’amplifier la crise.

Déjà 400 millions d’euros en moins

En effet, depuis plusieurs mois, les entreprises tirent la sonnette d’alarme. Le 10 septembre dernier, la Fédération de La Réunion du Bâtiment et des Travaux Publics (FRBTP) soulignait que les retards et les annulations de chantiers sont à l’origine d’un manque à gagner de 400 millions d’euros.
Face à une telle situation, les acteurs économiques et les collectivités se sont mobilisées pour faire entendre la voix de La Réunion. En effet, les besoins en termes d’infrastructures et de logements sont réels, ce sont des gisements d’emplois, à condition que les investissements suivent.
Pour leur part, les collectivités ont fait le choix politique d’accélérer les projets. C’est en effet une des conclusions de la rencontre du 12 novembre dernier au Conseil général, rassemblant les élus des collectivités locales et les socio-professionnels.
Mais pour le moment, l’Etat ne fait pas le même choix. L’avant-projet de loi-programme pour l’Outre-mer a commencé par provoquer l’unanimité contre lui. Le nouveau dispositif de défiscalisation est principalement en cause. Après la mobilisation de toutes les personnes concernées, soutenue par les collectivités, le gouvernement a dû apporter quelques corrections. Mais Paris ne reconduit pas un dispositif qui a permis l’année dernière la construction de 12.000 logements, tout en permettant une activité capable de faire vivre plusieurs milliers de travailleurs.
L’examen de ce projet de loi aura lieu l’année prochaine. Mais les mesures proposées dès maintenant dans le cadre du projet de loi de finances 2009 risquent de vider de leur substance les objectifs affichés par la loi-programme. En effet, c’est en ce moment que ce décide le sort du financement de l’investissement privé dans l’Outre-mer.
Le 22 septembre dernier, La Réunion Économique faisait part de ses inquiétudes quant au projet de plafonnement de la défiscalisation pour l’investissement outre-mer. S’élevant contre une vision parisienne du problème, les acteurs économiques soulignaient qu’« alors que tout le monde reconnaît l’efficacité de la défiscalisation pour le développement économique de l’Outre-mer, le système de plafonnement global casserait donc net ce dispositif ».

Une dynamique menacée

En effet, étant donné la réalité économique de La Réunion, notre île a besoin de capitaux extérieurs pour financer son développement. Et le dispositif encore actuellement en vigueur « permet d’abord à des opérateurs réunionnais de bénéficier d’une aide directe à l’investissement d’environ 30% du montant de l’investissement », indiquait La Réunion Économique.
Le 8 octobre dernier, face à l’évolution de la menace, La Réunion Économique appelait à un rassemblement sans précédent devant la préfecture. 300 chefs d’entreprise ont répondu à l’appel. Cette action s’inscrivait dans une démarche commune, effectuée simultanément à la même heure dans tous les DOM. 
La motion remise au représentant de l’État appelle à ce que le projet de Loi de Finances « ne brise pas la dynamique vigoureuse que connaît La Réunion depuis 15 ans ». Les acteurs économiques soulignent qu’ils ont fait des propositions, et qu’« ils ont également fait part de leurs craintes que La Réunion connaisse une crise sans précédent si les orientations envisagées sont maintenues et votées en l’état et s’il était confirmé que de grands travaux seront suspendus ou déprogrammés ».
Au lendemain du vote en première lecture à l’Assemblée nationale, tout est encore possible. Il est essentiel pour préserver l’intérêt général de parler d’une même voix, afin que tous les partenaires du développement du pays, y compris l’État, tirent dans le même sens.

Manuel Marchal

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