Ambiance autour d’un bureau de vote à Saint-Denis

Paroles d’électeurs

23 avril 2007

Dimanche matin, quartier des Camélias. L’école maternelle Candide Azéma connaît une grande affluence pour ce premier tour de l’élection présidentielle. L’ambiance est bon enfant. Les salles de classe transformées en bureaux de vote ouverts depuis l’heure légale accueillent les électeurs, constitués en file, ou alors, certains, patientant à l’ombre du kiosque situé à proximité.
D’heure en heure, les électrices et électeurs confient leurs suffrages à l’urne qui, aussitôt, les engloutit. Sentiment du devoir accompli ? Un choix arrêté de longue date ? Emotion particulière en raison de son vote en âme et conscience ? Vote par conviction, défaut ? Volonté d’un véritable changement ou d’une continuité avec des représentants de l’équipe sortante ? Telles sont pêle-mêle certaines questions que nous avons posées à certains électrices et électeurs qui ont bien voulu y répondre. Réactions :

• Gilbert, 19 ans, étudiant :

« Dans l’avenir, ils seront obligés de compter avec nous »

Je me suis inscrit à la dernière minute. Cela me fait bizarre. J’ai l’impression de compter et que ma voix compte. En tout cas, je suis venu pour dire que "nos vies valent mieux que leurs profits". J’espère que nous serons nombreux à venir délivrer ce même message. Non, bien sûr, on ne gagnera pas, mais nos voix pèseront. Dans l’avenir, ils seront obligés de compter avec nous.

• Daisy, 37 ans, cantinière :

« Ne plus faire le lit de ces gens-là ! »

Je suis fatiguée avec tous ces gens qui sont de grands prometteurs et de petits donneurs. Je ne vais plus faire le lit de ces gens-là, j’assume mon vote, je vais voter pour le seul communiste qui se présente, vous savez, le petit facteur.

• Claude, 28 ans, assistant pédagogique :

« Poursuivre sur le chemin du "non" »

En 2005, je faisais partie de ceux qui ont envoyé un message clair au référendum. La majorité a dit "non". Aujourd’hui, ceux qui sont dans les grands partis sont ceux qui ont fait pour le "oui". Cela me motive beaucoup pour venir voter aujourd’hui. Et je souhaite que nous serons aussi nombreux à poursuivre sur le chemin du "non".

• Mylène, secrétaire médicale :

« Socialistes, droite : un même bilan »

Mon cœur penche à gauche, c’est sûr. Mais quand vous voyez le résultat de ce que les socialistes ont fait pendant deux septennats ainsi que le bilan de la droite : c’est blanc bonnet ou bonnet blanc, alors, je vote rouge, un point c’est tout.

• Johanne, 24 ans, étudiante :

« Je veux qu’on m’écoute »

C’est la première fois que je vote. J’ai pris du temps avant de me décider, les sondages disent un coup c’est lui, un coup c’est l’autre. Mais mes parents m’ont mise en garde car les sondages sont faits pour influencer. Depuis 15 jours, je regarde plus souvent les informations, et c’est là que j’ai fait mon choix. Je crois que la société peut changer. Et c’est sûr, pour moi, aller voter, c’est changer les choses, je veux qu’on m’écoute, je ne veux pas vivre le chômage à la fin de mes études. Alors je vais voter pour un vrai changement.

• André, 47 ans, grutier :

« Que les sondages prennent une grande claque ! »

Moi, il y a une chose que je voudrais voir se produire, ce soir : c’est que tous les sondages-bidons, faits pour nous influencer, prennent une grande claque ! Avec mon bulletin, j’y contribuerai, c’est sûr.

• François, 20 ans, au chômage :

« Pour moi, ce sera blanc »

Je ne travaille pas, j’habite toujours chez mes vieux. Je voterai donc pour moi-même, car, lequel d’entre eux me donnera un travail, un logement ? En tout cas, celui qui sera élu ne le sera pas grâce à moi. Cela fait longtemps que j’ai fait mon choix. Pour moi, ce sera blanc, un point c’est tout. Oui, je tiens à me déplacer et à couler une enveloppe vide.

• Giovanni, 27 ans, au chômage :

« Mon choix, c’est personne »

Je me bats pour avoir un travail, je veux m’en sortir. Cela fait longtemps que j’ai décidé, mon choix, c’est personne. Ce n’est pas la première fois que je vote, et rien ne change. Lequel pourra me donner un travail ?

• Patrick, 27 ans, contractuel :

« Un bulletin pour boug i kok in œil »

C’est vrai que c’est grave de dire cela, mais dès fois, je me demande si i fo pa fé rentre boug i cok in œil. Li di pa tro la kouillonisse. Kan ou écout a li, ou na limprésion li compren ou bann problèm. Alé, mi sa coul un bultin pou li, si sé li le changman.

• Jenny, 44 ans, Assistante maternelle :

« Nou lé pas encor libre »

Mi abit là mèm, mi travay la méri, pour ki ou croi mi sa voté ? Ma pa besoin avoir traca demin dan mon travay, sirtou gard koman ou lé survéyé. Ah oui, monsieur, mèm si lé dan l’isoloir, kan i décomte, banna i rode kisa la pa voté. Sa i prouve nou lé pa ancor libre, mé mi souhèt tou mon cœur, boug la va perd... Ah, la, mwin va bien ri.

• Gaétan, Sonia, Eddy, Lucas, Thomas, Angélique et Prisca, un groupe de jeunes de 20 à 25 ans :

Si nous sommes venus voter ? Non, plutôt regarder. Oui, tous nous sommes inscrits, mais seulement deux d’entre nous sont allés voter. Nous, on ne sait toujours pas. Si c’est pour prendre les mêmes et recommencer, on ne voit pas trop l’intérêt. Dans ce cas, il vaut mieux voter franchement pour un candidat extrêmiste : droite ou gauche.

• Alain, 50 ans, licencié depuis 7 ans :

« Ma voix, je me la garde »

Cela fait 7 ans que j’ai été licencié, l’entreprise dans laquelle je travaillais a fermé. Dans la vie, c’est marche ou crève, alors c’est ce que j’ai envie de dire à tous ces candidats qui osent encore se représenter devant nous, rien que pour leurs ambitions personnelles... Perdue pour perdue, je préfère garder ma voix pour moi.

• Priscilla, 36 ans, mère au foyer :

« Ma décision se forgera peut-être dans le secret de l’isoloir »

Je vais voter, mais pas en mon âme et conscience. Quand je vois que d’après les sondages, Sarkozy et Royal vont arriver en tête, je me dis, dans ce cas, il vaut mieux que je donne ma voix tout de suite à la candidate du PS. Mais je vous avoue que je serais tentée de voter pour Olivier Besancenot. Je ne sais pas : dans le secret de l’isoloir, peut-être ma décision se forgera-t-elle...

• Margareth, 63 ans :

« Na quand même un jour i appelle demain »

Avan, nou té obligé voté pour un tel ou un tel. La fini ce temps-là. Ni Sarkozy, ni le madame socialiste là va fé un n’afère pour La Réunion. Zot i vien voir à nou rien pour gagne nout bultin. Na in la pa ni voir à nou, et rien que pour ça, mi sa vote pou li. Ou coné kisa li lé ? Cé le ti bonhomme lé facteur, li lé jeune é mi pense nou peu avoir confiance en li. Li lé un marmaille le peuple. Li gagnera pas zordi, li gagnera pa demin, mé na kan mèm un jour i apèl "demain".

• Henri-Paul, 40 ans, Sans Domicile Fixe :

« Mi souhaite tout banna va perde ! »
Mi lé SDF. A partir de là, moin la poin le droi voté parce que i di la boutique solidarité, ça lé pas un l’adresse ; Tanpi pour moin, tanpi pou zot osi. Mi souhaite zot tout va perde. Lé pa possible ? Dommage.

• Mathieu, 20 ans, élève Bac-Pro :

« N’a poin un seul i mérite mon déplacement »

Droite, gauche, tout lé parèy. Banna lé pa là èk nou. Pourkoi mi sra là èk zot, zordi-là ? Na poin person i veu la situation i change. Au contraire : ça i arange à zot, com ça i gagne manipul domoune. Si ou esay pa ansorte aou, ou nora rien, pa mèm in ti coud’pouce. Alor, oui, mi lé inscri. Mé non, mi déplasra pa moin. Na poin un i mérite mon déplacement.

• Cédric, 19 ans, apprenti :

« Mon candidat se situe à l’extrême sur l’échiquier politique »

Oui, j’ai voté. C’était la première fois. Aucun des principaux candidats n’a eu droit à ma voix.
J’ai voulu exprimer mon ras-le-bol de cette classe politique du passé et en même temps mon adhésion à un langage que tient un candidat se situant à un extrême sur l’échqiuer politique... Lequel ? Devinez.

Propos recueillis par Manuel Marchal


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