Croissance en berne, investissement à l’arrêt, PIB par habitant 37 % inférieur à la France...

Pas de développement de La Réunion possible dans le cadre actuel

11 juin 2019, par Manuel Marchal

Le bilan économique 2018 de La Réunion présenté jeudi par l’INSEE décrit une croissance en berne et un investissement à l’arrêt. Ceci confirme l’impossibilité de sortir de la crise dans le cadre actuel, avec un PIB par habitant qui représente 63 % de celui de la France, plus de 70 ans après que La Réunion ait été intégrée dans la France en tant que département. Ce différentiel de PIB par habitant pourrait être une base de calcul pour la contribution de l’État au projet de Fonds régional de développement proposé par le PCR, dans le contexte d’un nouveau cadre avec plus de responsabilité pour les Réunionnais.

Sans pouvoir d’adaptation, impossible de mettre en oeuvre des mesures spécifiques pour lutter contre la pauvreté à La Réunion si le Parlement ne l’a pas inscrit dans la loi. (photo Toniox)

Le PIB par habitant est un indicateur souvent utilisé. C’est parce que celui de La Réunion est inférieur à 75 % de la moyenne des régions de l’Union européenne que notre île est éligible à l’Objectif convergence. Cela permet de bénéficier ainsi d’environ 2 milliards d’euros de fonds européens sur une période de 7 ans, en tant que région prioritaire en retard de développement.
Jeudi dernier, le bilan économique 2018 de l’INSEE a évalué le PIB par habitant à La Réunion à 22100 euros, soit 63 % de la moyenne des régions de France. Il manque donc 37 points pour que sur ce plan, les Réunionnais soient à égalité avec la moyenne de l’État dans lequel ils sont intégrés.

Choix du non-développement

Cette intégration remonte à la loi du 19 mars 1946. Ce texte abolissait le statut colonial, et prévoyait que l’ensemble de la législation existant en France à cette date soit appliquée à compter du 1er janvier 1947. Mais les gouvernements qui se succédèrent alors ont dévoyé cette mesure, retardant toujours l’extension aux Réunionnais des lois sociales existant en France. Cette volonté de ne pas développer La Réunion s’est également manifestée dans la manière dont les gouvernements ont géré la croissance démographique de l’île, passée de 250.000 habitants en 1946 à près de 900.000 aujourd’hui. Plutôt que d’accompagner le développement de l’économie réunionnaise, Paris a préféré organisé l’exil de la jeunesse pour répondre aux besoins de l’industrie et des services en France. Paris a aussi couvert une politique d’avortements et de stérilisations forcés, sans oublier le trafic d’enfants à destination de départements français souffrant de dépeuplement.
Une telle politique ne pouvait que mener à la catastrophe. Elle a aboutit à la situation actuelle. Le chômage de masse date des années 1970, il n’a fait que s’aggraver.

Limite du « rattrapage »

Malgré toutes les mesures de défiscalisation, l’implication de l’État dans le financement de dizaines de milliers d’emplois aidés chaque année, ainsi que l’arrivée massive de fonds européens dépensés notamment dans la formation, La Réunion n’a pas décollé.
Durant de nombreuses années, il était question d’être dans une logique de rattrapage. Notre île avait alors un taux de croissance bien supérieur à celui de la France.
Un premier coup d’arrêt eut lieu en 2010, notamment en raison de la casse des grands projets devant prendre la suite de la route des Tamarins. La croissance à La Réunion était alors inférieure à celle de la France cette année là.
2018 donne le même résultat. L’INSEE précise dans son commentaire que le chômage est reparti à la hausse, avec un taux de 24 % selon ses critères, ce qui est quasiment identique au taux relevé dans une étude du Conseil général en date de 1974. L’accentuation de la pénurie d’emplois pèse négativement sur la consommation, principal moteur de la croissance à La Réunion depuis la casse des grands chantiers. L’INSEE relève d’ailleurs que dans ce domaine, la diminution des emplois aidés co-financés par l’État produit ses effets déjà.

Quelle égalité réelle ?

En 2017, l’ancien gouvernement avait fait adopter une loi dite « égalité réelle », dont le nom prenait acte de l’échec de 70 ans de politiques publiques dans les départements d’outre-mer. Ceci montrait bien qu’au-delà de l’égalité sociale arrachée par 50 ans de luttes des peuples des anciennes colonies transformées en département, il restait une égalité collective à parachever. Et avec un PIB par habitant égal à 63 % de la moyenne française, il apparaît que ce chantier est encore considérable. Ceci souligne aussi qu’au bout de plus de 70 ans de politiques menées par Paris, le différentiel est de 37 points au détriment des Réunionnais.

Source de financement du Fonds régional de développement

Comment croire qu’en gardant toujours le cadre qui fait stagner aujourd’hui le PIB par habitant à deux tiers de celui de la France, il soit possible de réussir un rattrapage ?
Pour que l’égalité réelle ne soit pas un vain mot, alors il est nécessaire d’envisager autre chose.
Pour sa part, le PCR a proposé de prendre comme référence le retard en matière de PIB par habitant, et d’en faire la base de la contribution de la France au Fonds régional de développement géré par les Réunionnais à La Réunion pour financer des investissements dans notre île. Ceci représente une somme d’environ 8 milliards d’euros qui pourrait être versée de manière échelonnée chaque année dans le Fonds.
Cette proposition repose sur plus de responsabilité pour plus d’autonomie des Réunionnais, avec notamment la création d’une collectivité dotée de larges compétences, dont celle de la gestion du Fonds régional de développement.

M.M.

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