La Réunion et les Accords de partenariat économique

Paul Vergès appelle à la levée en masse pour préserver nos intérêts

23 novembre 2007, par Manuel Marchal

Paul Vergès appelle à la mobilisation générale de tous les socioprofessionnels et des élus pour défendre ensemble les positions de La Réunion dans les négociations commerciales entre l’Union européenne et les pays ACP.

C’est aujourd’hui que la Commission européenne doit parapher un accord transitoire reconduisant pendant un an l’aspect commercial des Accords de Cotonou dans l’attente de la signature d’un Accord de Partenariat Économique (APE). Cette décision prend acte de la difficulté de l’Union européenne à signer un accord avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (voir encadré).
Prenant acte de ses difficultés, et devant la menace pesant sur les exportations de deux secteurs clé de leurs économies, Maurice et les Seychelles ont convoqué les pays de la COI pour tenter d’aboutir à un accord séparé avec l’Union européenne. Présidant cette rencontre, les Seychelles ont invité La Réunion en tant qu’observateur. Quatre pays ACP ont donc invité une région de l’Union européenne à participer aux débats. Ils ont permis d’aboutir à une position commune, elle préserve l’intérêt général de La Réunion : c’est la Déclaration de Mahé du 10 octobre dernier. Elle s’est prolongée par une réunion à Maurice. Les cinq pays de la COI travaillent à définir des listes de produits à protéger.

Convaincre

A cette liste de produit s’ajoute une clause de sauvegarde visant à protéger les intérêts économiques fondamentaux de chacun. La Commission européenne a dit son accord pour le maintien de l’octroi de mer et pour la clause de sauvegarde.
Toutes ces propositions sont intégrées à l’accord intermédiaire que doit parapher aujourd’hui la Commission européenne. Mais pour entrer en vigueur, cet accord intermédiaire doit être adopté par le Conseil des 27 pays de l’Union européenne qui se réunit le 10 décembre prochain. Or, les régions ultrapériphériques ne concernent aujourd’hui que trois Etats-membres sur 27. Il est donc essentiel que le gouvernement français et la Commission européenne puissent réussir à convaincre les réticences des dirigeants d’Etats-membres qui se sentent peu concernés par la défense des intérêts des RUP dans la mise en place d’un vaste marché englobant l’Europe, l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique. Et pour donner les meilleurs arguments à ceux qui auront la responsabilité de parler pour La Réunion, il est essentiel de se mobiliser et de parler d’une même voix pour préserver les conditions minimales du développement de La Réunion.
Ces négociations commerciales suscitent des inquiétudes qui s’expriment à La Réunion.
La position des Chambres d’Agriculture de l’Outre-mer, même si elle semble difficilement applicable car elle vise à exclure totalement les DOM des accords, montre une véritable crainte.
Les syndicats font également part de leurs inquiétudes. En effet, si la liste de produits proposée par La Réunion est refusée, se profile alors le risque de la mise en concurrence des travailleurs de la région. Conséquence : des délocalisations au détriment de La Réunion, avec le démantèlement des industries et la hausse du chômage.

Pour la survie de La Réunion

La question du maintien de l’octroi de mer est un exemple révélateur des dangers.
Le Président de la Région rappelle la constance des attaques contre l’octroi de mer. Dans sa forme actuelle, il est en vigueur jusqu’en 2013. Cela pose un problème de lisibilité pour les investisseurs. Que se passera-t-il dans six ans ?
Car pour les pays admis récemment dans l’Union européenne, la question de l’octroi de mer peut être identifiée comme un obstacle à la concrétisation d’un accord commercial avec plus de 70 pays. Ne pensent-ils pas que le sacrifice de l’octroi de mer vaut la peine s’il permet à ces pays d’exporter plus facilement leurs marchandises vers les pays ACP ?
Or, l’octroi de mer est une taxe qui participe pour une grande partie au budget des communes. A l’heure où se tient en France le Congrès des maires, cette préoccupation doit être dans les esprits.
« Pouvons-nous faire la levée en masse pour dire que le compromis avec les pays de la région sont les conditions minimales pour la survie de La Réunion ? », interroge Paul Vergès.
Il importe d’être offensif et de proposer une possibilité originale d’intégration, préservant les chances de progrès des différents partenaires quelque soit la diversité de leur niveau de développement actuelle. C’est l’appel à une politique de co-développement entre les pays de la région, dans le but de préparer à l’horizon 2030 un espace de solidarité entre les îles de l’Océan Indien.

Manuel Marchal


Trois ans et demi d’efforts de la Région

Le Président de la Région a rappelé les différentes interventions de la collectivité afin d’alerter sur la question des Accords de partenariat économiques.
La première initiative date de juin 2003. Il s’agit d’une étude sur l’impact de l’élargissement de l’Union européenne à 27 pays, et sur les conséquences des négociations commerciales visant à trouver de nouvelles règles remplaçant celles de la convention de Cotonou, qui prend fin le 31 décembre 2007.
Ce sont également des échanges de courrier avec Pascal Lamy, à l’époque où le directeur de l’Organisation mondiale du commerce était Commissaire européen. Ce sont aussi des séminaires et des rencontres en Europe.
Cela veut dire trois ans et demi d’efforts.
Des efforts qui pourront emporter un premier succès si le compromis intégrant les propositions des pays de l’océan Indien est approuvé par le Conseil de l’Union européenne le 10 décembre prochain.


Opposer le co-développement au libre-échange

Les oppositions au contenu actuel des Accords de partenariat économique (APE), devant succéder à ceux de Cotonou, viennent notamment d’Afrique. Le Président sénégalais Abdullah Wade propose notamment des dispositions visant à faire des APE un accord de co-développement entre l’Europe et l’Afrique. Car grandes sont les craintes dans les pays du Sud de voir ces accords de libre-échange, même si la réciprocité intégrale aura lieu au bout d’un délai à négocier, ruiner les économies les plus fragiles.
Le Président sénégalais milite pour un accord qui préserve les intérêts africains autant que ceux des Européens, en garantissant au continent du Sud des moyens pour se développer.
« Si l’Europe ne veut pas ou ne peut pas le faire, les Chinois le feront plus vite, et moins cher », avertit-il.
Les anciennes puissances coloniales membres de l’Union européenne ne sont plus les seuls interlocuteurs commerciaux de l’Afrique. Les États-Unis et la Chine sont de plus en plus présents sur le continent.


Maurice Cérisola et Jean-Raymond Mondon

Mobilisation générale pour « parler d’une même voix »

Le représentant de La Réunion économique a souligné est revenu sur un contexte tendu marqué par la hausse des matières premières et du fret maritime.
« Il n’y a pas assez de bateaux et les grandes lignes maritimes passent bien plus au Nord », indique-t-il, ce qui veut dire qu’il faut envisager d’amener la marchandise à exporter jusqu’à Dubaï et d’aller chercher les intrants au même endroit.
La hausse des matières premières, c’est une menace sur les filières d’élevages, soulignent-ils.
Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de décréter la mobilisation générale de l’État, des collectivités et de tous les professionnels pour faire aboutir l’intérêt de La Réunion au sein des Accords de partenariat économique.
Il faut que la population comprenne vraiment ce qui arrive, affirme l’industriel.
Constat partagé par Jean-Raymond Mondon, Président du CESR : « Il faut s’organiser pour parler d’une même voix, et tenir le même langage à La Réunion et à Paris ».


Convaincre les dirigeants de 27 pays européens

L’intégration de la France dans l’Union européenne se traduit par un abandon progressif de souveraineté. Par exemple, impossible pour le gouvernement français de diminuer le taux de la TVA dans l’hôtellerie et la restauration car la fiscalité est une compétence de l’Union européenne.
Ce qui veut dire que dans le domaine commercial, ce n’est plus le gouvernement français qui décide. Il doit se faire l’interprète auprès des 26 autres pays de l’Union européenne des revendications de La Réunion.
Or, pour le moment, trois Etats-membres - le Royaume-Uni, la Suède et l’Autriche - ne sont pas d’accord avec le compromis présenté qui intègre les propositions des pays de la COI. Des propositions qui permettent de préserver l’intérêt général de La Réunion.
Face à cette situation, il est plus que jamais nécessaire de parler d’une même voix pour que Paris et Bruxelles soient les portes-paroles de La Réunion et des autres pays de la COI.

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