Un des fondateurs du PCR invité dans l’émission Devant La Réunion

Paul Vergès : « Ce que nous avions imaginé en 1959 devient encore plus nécessaire »

15 décembre 2015

Paul Vergès, un des fondateurs du Parti Communiste Réunionnais en 1959, était hier invité de Devant La Réunion, émission politique hebdomadaire de Réunion Première Radio. Le sénateur et président de l’Observatoire national sur les effets du changement climatique (ONERC) était interrogé sur les résultats des élections régionales, le prochain débat sur le changement de statut de La Réunion et l’Accord de Paris obtenu lors de la COP21.

Paul Vergès

Le résultat des élections régionales, avec l’absence du PCR dans le Conseil régional

Ce n’est pas un échec pour Paul Vergès. Il rappelle que pour le deuxième tour, des négociations ont eu lieu entre trois listes. « Nous avons été exclus des négociations et de la discussion sur les programmes. Ce n’est pas pour m’étonner, et c’est pour cela que nous n’aurons aucun élu ».

« Après le premier tour, nous avions fait un calcul simple. Face à Didier Robert, si les trois listes s’alliaient, nous avions 33 000 voix d’avance car Jean-Hugues Ratenon s’était rallié ».

« Nous avons dit que pour le succès de cette liste, la tête devait être quelqu’un qui rassemble et unisse et n’ait pas la réputation de diviser. Nous avons vérifié que nous avions raison. 33 000 voix d’avance ce sont transformées en défaite au 2e tour ».

« Les électeurs n’ont pas vu avec plaisir que nous étions exclus comme candidat et du programme. C’est nous qui avions raison ».

Paul Vergès n’a pas de regret, « nous avons eu une position de principe et nous devons nous y tenir ».

Au sujet du conflit entre Huguette Bello et le PCR

Paul Vergès rappelle le débat à l’époque d’une élection législative sur une candidature de Huguette Bello.

« Nous lui avions demandé d’aller sur une circonscription voisine où elle avait toutes les chances de gagner. Elle s’est maintenue et a multiplié les actes d’hostilité. Elle a fait voter contre nous aux sénatoriales. Aux européennes et régionales c’était la même chose. Un certain nombre d’actes de sa part ont créé cette scission. Elle nous a déclaré la guerre, nous avons pris acte et constaté qu’elle était plus marquée par l’esprit de division. »

Les enjeux du mandat des conseillers régionaux

« Dans ce mouvement politique mondial, les choses vont très vite. Nous avons des rendez-vous inévitables dans les 6 ans de mandat ».

La COP21 dit de tenir compte de l’importance des conséquences du changement climatique.

Le président de la République va déposer 2 projets : changement de statut des DOM, loi sur les inégalités.

Dans 18 mois, c’est la menace d’une crise de la canne-sucre qui va toucher 18 000 emplois, et concerner plus de 100 000 personnes.

C’est aussi la suppression programmée de l’octroi de mer, qui constitue jusqu’à 40 % budget des petites communes.

Aussi et surtout, c’est la signature des APE entre Union européenne et les groupes d’Etats d’Afrique. On abolit les taxes, on organise la libre concurrence. Que ferons-nous après cette signature ?

Aucune de ces questions n’est inscrite dans le programme de Bello avant le premier tour, et après. Une condition était qu’elle prenne position sur ces problèmes ».

L’alliance avec Patrick Lebreton

« On a misé sur l’avenir et pas suffisamment expliqué. L’avenir, c’est l’accord pour tous les rendez-vous politiques électoraux pour les 20 ans à venir. Nous avions fait ce pari sur 20 ans, sur la base de la convergence des buts d’avenir de l’un et l’autre. Il fallait expliquer, le temps n’a pas été suffisant pour mobiliser des deux côtés.

Le sort du Progrès dépend des membres du Progrès. Il y a une évidence : une fédération socialiste et deux listes aux régionales. Nous prenons acte des divergences d’orientation politique de fond entre les deux, nous verrons comment l’avenir va trancher.

Avant le premier tour, nous avons eu une rencontre entre PCR et Annette. Les déclarations d’Annette étaient encourageantes. Le lendemain on a vu dans la presse qu’il faisait une liste avec Bello. C’était une fin de non-recevoir. »

L’avenir du PCR

« La fin du PCR, c’est ce dont rêvent beaucoup de ses adversaires ». Paul Vergès rappelle que dans un grand meeting de Michel Debré à Saint-Louis, des échauffourées avaient eu lieu dans la foule. Michel Debré a alors dit : « le PCR est mort ce soir ». Cela n’a fait que renforcer le PCR.

« Le PCR composé de gens de différentes couches sociales qui s’unissent sur un programme d’avenir. Dans la crise actuelle, cela créé une atmosphère différente qui met à l’épreuve les militants et les cadres. Il y a ceux qui tiennent et ceux qui se laissent appeler par des objectifs personnels. C’est la vie de tous les partis ».

La prise de position de Fabrice Hoarau

« Les conflits naissent toujours au sein des partis. Ce qui est impardonnable est qu’il ait fait état de sa responsabilité au PCR, alors qu’il a participé à des rencontres du PCR où l’analyse avait été discutée. Il a violé les principes du parti et a fait publiquement son choix d’aller vers Huguette Bello.

Il a été obnubilé par le raisonnement mathématique qui voyait Huguette Bello élue, il ne pensait pas que notre analyse était juste ».

Le rôle de Paul Vergès dans le PCR

« Je n’ai pas de responsabilité particulière au sein du PCR, je laisse aux jeunes à la direction du PCR prendre leurs responsabilités, pour devenir des dirigeants écoutés du monde politique et dévoués à leurs militants. »

Que changer dans le PCR pour qu’il ne meure pas ?

Paul Vergès revient sur « les thèmes sur lesquels nous nous sommes battus depuis 1959, notamment culturels. Les 13 camarades expulsés Ordonnance Debré, ma comparution devant Cour de sureté de l’État. On parle plus souvent créole que français à la radio. Le maloya était condamné par les autorités, aujourd’hui on l’entend partout. Nos thèmes ont été intégrés par les autres, nous devons faire un pas en avant ».

« Nous n’allons pas renoncer. Nous devons tenir compte des changements qui s’opèrent à La Réunion et dans le monde et faire que le Parti soit toujours là pour mener la bataille ».

Sur une refondation à gauche

« Il faut arriver à un vaste front avec un programme minimum. Les idées que nous avançons doivent faire l’objet de débat pour arriver à un vaste front. On est au moment de la rupture. La loi 19 mars 1946 a fait son temps. Nous avons l’espoir que le projet prévu de nouveau statut et d’un programme pour bannir les inégalités montre que le plus haut sommet de l’État a pris conscience de la nécessité de ce changement ».

Consensus sur l’évolution du statut ?

Le préalable est de « tenir compte du niveau de culture politique du monde politique très en retard ». Paul Vergès rappelle qu’il a été poursuivi devant la Cour de sureté « pour avoir demandé un changement de statut dans le respect de l’intégration ».

« À la tête d’un regroupement pour la continuité de la politique gaulliste, il y avait Pierre Lefranc. Nous avons fait la guerre ensemble. Je l’ai rencontré avant la comparution devant la Cour de sureté de l’État. J’ai dit la position sur le changement de statut dans l’intégration. Je pense que l’auteur de la Constitution me donne raison.

Le président de la République, dans l’évolution du conflit algérien, avait rendu les 4 départements algériens autonomes.

La réponse est venue 15 jours après : « oui tu as raison » ».

Et sur l’autonomie ?

Paul Vergès constate que le mot autonomie est de plus en plus repris par les autres partis politiques.

« Ce que nous avions imaginé en 59 devient encore plus nécessaire, car la situation a totalement changé. La Réunion faisait partie des 4 Vieilles colonies. Nous avons été marqués par une tradition d’intégration concrétisée par la loi du 19 mars. Mais l’évolution de La Réunion, de son environnement, de la France et de l’Europe obligent à évoluer ».

« Nous devons avoir un certain nombre de règles qui donne beaucoup plus de responsabilités dans les domaines économique, social et culturel, mais qui ne coupe pas ce lien ».

« La politique de l’intégration s’est étendue à l’Europe. Dans notre région se pose un problème d’intégration économique ».

Paul Vergès souligne que de l’Afrique du Sud au Nord du continent, un groupe de 28 Etats représentant 628 millions d’habitants s’est constitué. Il comprend notamment Madagascar et les îles voisines. Il est possible pour l’Europe de faire des accords avec ce groupe qui ne soient pas attaqués par l’OMC. La signature est proche.

« Comment faire si nous restons avec un statut de département français et nous demander d’intégrer ce bloc ? ». D’où l’importance d’ « un statut qui protège nos acquis et reconnaisse nos spécificités mais qui permettent de nous intégrer ».

Sur le projet de loi relatif à l’égalité réelle

« Si le président de la République déclare qu’il fera voter ce nouveau statut et l’égalité réelle, il reconnaît l’absence d’égalité depuis 70 ans. Nous ne refusons pas l’intégration régionale, mais que l’on nous donne les moyens d’évoluer. Afrique du Sud est un pays émergent. Dans 20 ans que deviendra le Mozambique ? À Maputo, de jeunes Portugais viennent y chercher du travail. Il faut tenir compte de l’évolution du monde. Il est possible d’atteindre cet objectif à condition d’avoir un moratoire sur nos droits sociaux et économiques pendant des dizaines d’années ».

La COP21 et l’accord historique

Paul Vergès est globalement satisfait, cet accord est « la marque d’une évolution dans le monde actuel ».

« Première conclusion : le réchauffement climatique est un phénomène fondamental et la quasi-unanimité est là pour dire que c’est le fait de l’homme. Si on ne le corrige pas, c’est la catastrophe pour l’existence même des espèces. Avoir réuni 195 pays de la Chine aux îles, c’est la prise de conscience de l’ensemble de l’humanité ».

« Cette unanimité ne doit pas créer d’illusion. Si on bannit les carburants fossiles, que deviennent les États pétroliers ? Le fait qu’ils aient signé cet accord montre qu’ils sont d’accord sur la perspective ».

L’impact de l’Accord de Paris à La Réunion

À La Réunion, cet accord peut réveiller le monde politique. Car nous faisons ici le contraire de ce qui est prévu dans l’accord de Paris. On augmente les énergies fossiles. Il n’est plus question de l’autonomie énergétique de La Réunion, on bannit le tram-train électrique, on a introduit 22 400 voitures neuves cette année. Cela fait 100 000 voitures sur un mandat. Je viens de mettre une heure pour faire 25 kilomètres ».

« Ce mode de développement s’accompagne d’un autre phénomène : la transition démographique. Elle touche aujourd’hui l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine.

L’Europe perdra 70 millions d’habitants d’ici 2050, l’Afrique passera de 1,2 à 2 milliards.

En 2050, la Terre aura 2,5 milliards d’habitants de plus qu’aujourd’hui. En 1950, il y avait 2,5 milliards d’habitants sur toute la planète. En des milliers de milliers de millénaire, l’espèce humaine avait accumulé pour atteindre 2,5 milliards d’individus, nous sommes aujourd’hui à 7 milliards, et nous aurons 2,5 milliards de plus en 2050. C’est un phénomène unique dans l’histoire de l’humanité ».

« À La Réunion, il faut s’informer tous les jours. J’ai peur d’être le seul d’avoir lu le document de la COP de Paris. C’était le moment d’en parler à la population pendant la campagne électorale, mais pas un mot de ces hommes politiques. Ils sont volontairement ignorants. »

« Ceux qui se croient au pouvoir aujourd’hui, alors qu’ils ne représentent que le quart du corps électoral devront faire face au changement climatique, à l’évolution du statut, à la crise de la canne à sucre, la défiscalisation, l’octroi de mer, les APE, dans les 6 ans qui viennent. »

Au sujet de Didier Robert

« Il accumule tout ce qu’il ne faut pas faire : 22 400 voitures de plus en un an, plus de 100 000 en un mandat. Il fait la route littorale en mer alors que la conférence de Paris dit de faire attention à la montée du niveau de l’océan et des cyclones.

Que deviendront les aéroports de Gillot et Pierrefonds, les logements au bord de mer ? Il y aura des sécheresses, aucun mot dans son programme ».

Sur Thierry Robert

« Il est récemment entré dans le monde politique réunionnais. Il est au centre et M. Juppé qui va venir ces jours-ci, a comme représentant officiel à La Réunion Thierry Robert.

Quand Huguette Bello dit qu’elle est la candidate de gauche, je ne savais pas que M. Juppé était passé à gauche ».

Conclusion

« Sortez du pillage de l’environnement, des carburants fossiles. Tout ce qui est à la base du développement occidental sont des matières premières épuisables.

Nous terminons la période du néolithique. Nous sommes au début d’une ère nouvelle où l’humanité devra inventer une nouvelle civilisation, dans l’égalité entre les hommes et les peuples. Elle n’est qu’au début de ses balbutiements, je suis heureux de le voir et de le prévoir ».

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