Une intervention de haut niveau hier sur Réunion Première

Paul Vergès : Face à la gravité de la crise actuelle et à venir, trop sous-estimée, l’urgence d’un changement radical par la fin de l’apartheid social

6 septembre 2012

Hier matin, l’un des fondateur du P.C.R. et sénateur communiste réunionnais était l’invité de Réunion 1ère, où il était interrogé par le journaliste Philippe Dornier sur divers problèmes d’actualité. Puis il a répondu aux questions d’auditrices et d’auditeurs. Plusieurs lectrices et lecteurs de ’Témoignages’ nous ont fait part de leur émotion devant le haut niveau des propos tenus par Paul Vergès sur l’ampleur des défis à relever par notre peuple et sur les causes profondes de ces problèmes. Mais aussi sur les solutions radicales à mettre en œuvre nous-mêmes, tous ensemble, en citoyens libres et responsables.

Après avoir été interrogé sur sa mandature et sur les résultats du P.C.R. aux dernières législatives (voir encadré) , le responsable communiste a mis l’accent sur les liens entre la crise politique du pays et sa crise sociale : « Notre société est divisée en deux parties » ; une moitié, qui est placée sous le seuil de pauvreté, et une autre, qui profite du système mis en place après le vote de la loi de 1946. Certes, dit-il, « certaines erreurs ont été commises » par les communistes, mais « surtout nous aurions dû aller plus vite et plus loin dans la critique des inégalités de notre société réunionnaise, et cela aurait dû être le point principal de notre action ».
En effet, souligne Paul Vergès, « il ne suffit pas d’intervenir » comme le fait Mme Bello en sous-estimant la gravité de la situation et en ignorant ses causes profondes. « Nous devons prendre conscience du problème qui est au cœur de cette crise, à savoir : l’apartheid social ». C’est pourquoi, dit-il, le problème principal du pays n’est pas les polémiques de Mme Bello contre le PCR, mais « quelles mesures seront prises par l’État pour sauver les Réunionnais les plus sacrifiés ».

« C’est cela l’essentiel »

Interrogé par Cécile, de Saint-Pierre, sur les problèmes du pays, Paul Vergès a insisté sur le fait que « nous allons connaître une crise planétaire plus ample que celle des années 30 ». Dans ce contexte mondial, à La Réunion, « nous devons aller à l’essentiel, en sortant des positions politiciennes, où l’on ne dit rien de l’apartheid social que nous connaissons ; c’est cela l’essentiel ».
À ce sujet, la « vague de gauche » lors des dernières élections ne doit pas laisser les « miracles miroités sur le changement ». Ce changement passe par l’application du contrat signé par François Hollande avec le PCR, afin d’en finir avec les inégalités qui coupent notre île en deux mondes.

Une conférence à La Réunion

Hervé, de Saint-Louis, a rappelé que le PCR a proposé au gouvernement la tenue d’une conférence à La Réunion sur les questions du développement durable. Qu’en est-il ?
Paul Vergès a confirmé l’importance d’une telle conférence, qui concerne tous les Réunionnais. Ceux-ci seront invités à prendre la parole pour préparer ensemble la mise en œuvre de solutions globales concertées. « Il faut que les Réunionnais prennent leurs responsabilités, avec les syndicats, les politiques, les collectivités, etc., en prenant des décisions avec l’État. Les premières décisions concernent l’égalité et la justice dans notre société, sans stigmatiser les bénéficiaires du système injuste actuel », a notamment répondu Paul Vergès.

« Un système à bout de souffle »

Lorsque Virgil, du Port, l’a interrogé sur ce « système à bout de souffle », le dirigeant du PCR lui a confirmé que l’organisation institutionnelle du pays mise en place en 1946 « ne peut plus apporter des solutions par elle-même ; elle a épuisé ses moyens, il faut autre chose. Or, la classe politique qui en profite toujours ne fait rien pour la changer ».
Malgré les avancées qu’a permis cette réforme, de même que l’abolition de l’esclavage en 1848 ou la conquête de l’égalité sociale après la démission de Paul Vergès et d’Élie Hoarau comme députés en 1986, « il faut un changement radical. Que la classe politique prenne ses responsabilités pour changer fondamentalement la situation, qui est intolérable, avec plus de 400.000 Réunionnais sous le seuil de pauvreté », a conclu Paul Vergès.

Correspondant

An plis ke sa

• Mandat

Interrogé d’emblée par Philippe Dornier sur sa démission de sénateur avant de repasser le relai à Gélita Hoarau, Paul Vergès a confirmé que ce projet « est toujours à l’ordre du jour », dans les délais qui avaient été prévus, c’est-à-dire quand les problèmes à résoudre à La Réunion auront pu être débattus avec l’État et que de premières réformes seront mises en œuvre. En tout cas, il a confirmé qu’il n’a « pas de raison de s’accrocher à un poste de sénateur ».

• Législatives

Concernant le « revers électoral » subi par le PCR aux législatives de juin dernier, Paul Vergès a rappelé que son parti « en a connu d’autres », comme en 1953 par exemple, où il était « au plus bas » ; mais cela n’a pas empêché qu’en 1956, il obtienne la majorité absolue dans l’île et l’élection de deux députés (Raymond Mondon et lui-même). « Cette expérience va se renouveler », assure-t-il, car « les camarades y travaillent, comme on le verra le 30 septembre », lors de la conférence extraordinaire du Parti.

• Carburants

Au sujet des prix des carburants et du comportement de la Région, Paul Vergès a fait remarquer que Didier Robert a des positions contradictoires en fonction du pouvoir parisien et qu’il faut une discussion la plus large possible entre tous les acteurs concernés par ce problème. « Nous ne sommes qu’au début de ce problème et nous avions déjà lancé des solutions alternatives, mais elles ont été supprimées ».

• Vie chère

À propos du projet de loi sur la vie chère que devait présenter hier le ministre de l’Outre-mer, Paul Vergès a déclaré : « il manque l’essentiel ; il n’y a pas seulement le problème des coûts, mais aussi celui des revenus et du pouvoir d’achat de toute la population ». Sur ce plan, le gouvernement doit assumer ses responsabilités puisque c’est lui qui décide les revenus pour les plus riches et pour les plus pauvres, tout en se demandant pourquoi la vie est beaucoup plus chère ici qu’en France.

• Contrats d’avenir

À propos des contrats d’avenir évoqués par Georges, de Saint-Denis, Paul Vergès a déclaré que les mesures d’urgence sociale pour corriger les problèmes les plus graves sont utiles, mais pas suffisantes. « Il faut s’attaquer au fond du problème par un plan de développement qui nous permet de sortir de l’apartheid social ».


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Messages

  • Paul Vergès a souligné la présence de deux sociétés à La Réunion. Il semble pourtant qu’il en existe 3.

    1°) Les pauvres, les smicards et saisonniers, ceux qui font partie des 52% vivant en dessous du seuil de pauvreté.

    2°) La classe moyenne, ceux qui travaillent,employés, fonctionnaires B et C, artisans, commerçants, petites entreprises, qui payent leurs impôts.

    3°) Les riches, cadres A de sociétés privées, importateurs, qui défiscalisent, qui gagnent des salaires et des primes exorbitantes.

    Stigmatiser la société à plusieurs vitesses, sans mentionner la 3e, peut risquer de monter une catégorie (1) contre une autre, la (2), alors que la lutte contre les privilèges de la 3 serait évitée.
    D’ailleurs, celle-ci n’a-t-elle pas intérêt à propager cette manipulation ?

    Ceci dit, il faut engager l’Etat à prendre en compte globalement les primes octroyées à ses fonctionnaires outremer et mettre à plat les inégalités entre les différentes administrations.

    • La classe moyenne n’existe pas à La Réunion, c’est ce que démontre une étude de l’INSEE sur le patrimoine : http://www.temoignages.re/existe-t-il-une-classe-moyenne-a-la-reunion,53283.html
      extrait :

      « Classe moyenne en France, mais pas à La Réunion

      L’enquête de l’INSEE met le doigt sur une particularité de la structure de la société réunionnaise : un patrimoine bien plus élevé chez les professions intermédiaires à La Réunion qu’en France.

      Le patrimoine brut global des professions intermédiaires à La Réunion est de 276.500 euros, contre 208.400 en France, avec une médiane se situant à 215.600 euros à La Réunion, contre 177.200 en France.

      Les employés, les ouvriers et les cadres ont un patrimoine brut global moyen légèrement plus élevés qu’en France, tandis que celui des artisans, commerçants et industriels est plus faible à La Réunion qu’en France.
      Les professions intermédiaires à La Réunion ont un patrimoine médian deux fois plus important que le patrimoine médian de tous les ménages. En France, le patrimoine médian des professions intermédiaires se situe juste au-dessus du patrimoine médian de tous les ménages.

      Cela signifie qu’à La Réunion, les professions intermédiaires ne font pas partie de la classe moyenne mais sont dans un autre monde. »

      Donc ce sont bien deux sociétés, ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté, ceux qui n’ont pas droit à un travail durable et les autres...

    • L’INSEE ne prend pas en compte la catégotie de riches qui payent l’impôt sur la fortune dont le taux est bien plus important que celui de la France.
      Pour quelles raisons les salariés sont mêlés aux nantis ?
      La majorité de cette catégorie, bien mieux lotie que leurs homologues métros, ne sera pas convaincue de cette présentation de la répartition des richesses.

    • Les grosses fortunes seront ravies d’apprendre que l’INSEE les intègre avec l’autre catégorie de salariés aux revenus bien inférieurs, toutefois, possédant un niveau de vie supérieur à l’ensemble des salariés métropolitains.
      Dans la perspective d’une explosion sociale, elles seront confondues à la masse de gens privilégiés qui travaillent, possédant, au moins, une maison et une voiture. Ouf !
      Quand aux chiffres présentés par l’INSEE, en intégrant les gros salaires et primes tels que ceux octroyés aux PDG et cadres des SEM, ou, par exemple à Air Austral, nous arrivons à cette différence normale de 276.500 € contre 208.400 en France. N’est-ce pas la une manipulation ?
      De désigner des professions intermédiaires, n’est-ce pas reconnaître une troisième catégorie ?


Témoignages - 80e année


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