Les mesures annoncées pas à la hauteur de la situation

Paul Vergès lance « un cri d’alarme »

3 juillet 2013, par Céline Tabou

A l’occasion d’une conférence de presse sous le thème ’Une nouvelle étape dans l’aggravation de la crise : il faut dire la vérité et prendre ses responsabilités’, le sénateur Paul Vergès a expliqué les défis à venir pour les Réunionnais.

Paul Vergès : « il faut voir l’urgence de la situation et prendre des mesures. Celles annoncées par le gouvernement sont sans comparaison avec la situation, qui éclatera sans doute plus vite que prévu ».
(photo d’archives MM)

Dans un contexte économique et social qui s’aggrave, « les éléments de la crise que l’on connait, dans un pays sous-développé comme le nôtre  » auront un impact irréversible dans la vie des Réunionnais.

La Réunion, influencée par le monde

«  Toutes les stratégies et réflexions sur long terme  » reposent sur des phénomènes inédits, tels que la hausse démographique. D’ici 2050, la planète comptera près de 9 milliards d’individus dont il faudra répondre aux besoins : emploi, logement, alimentation, déplacement, mais aussi éducation et épanouissement. Autre élément, les changements climatiques. Ses effets sont de plus en plus visibles et « au-delà de 3°C, tous les experts disent que la situation ne sera plus maitrisable » , a expliqué Paul Vergès. À l’échelle mondiale, «  les forces productives se sont mondialisées  ».

Par le passé, «  le système institutionnel, hérité de l’Histoire, est basé sur un modèle d’Etat-Nation  » qui avait «  le pouvoir de réguler et d’encourager les forces productives à l’échelle nationale  ». Mais la mondialisation des échanges a dépourvu les Etats-Nations à maitriser leurs forces productives et donc les moyens de créer de l’activité et de l’emploi. D’ailleurs, l’évolution de la recherche et de l’innovation sont des « aspects de lutte d’influence des Etats » . En effet, «  les scandales d’espionnage n’auraient pas pu se faire sans des découvertes  » technologiques, a expliqué Paul Vergès.

Ces trois éléments (démographie, climat, recherche et innovation) sont des défis à appréhender et maitriser pour pouvoir faire face à la crise et mettre en place des politiques publiques au service de la population, a expliqué Paul Vergès. D’autant plus que la crise économique et financière débutée en 2008 s’est « étendue au monde et le gouvernement tente désespérément de surmonter le déficit, qui est plus grand que celui estimé » . En effet, selon les récentes données de la Cour des comptes, le déficit public de la France devrait approcher les 4% au lieu des 3% prévu pour répondre aux objectifs de l’Union européenne.

Des mesures en adéquation

«  En fonction de ces prévisions  » démographiques, climatiques et en matière d’innovation, « le gouvernement essaie de débattre et veut apporter des solutions à nos problèmes, mais lesquelles »  ? La hausse du taux de chômage, du nombre d’illettrés, des jeunes actifs sans emploi, «  il faut voir l’urgence de la situation et prendre des mesures. Celles annoncées par le gouvernement sont sans comparaison avec la situation, qui éclatera sans doute plus vite que prévu » , a affirmé Paul Vergès.

Ce dernier a indiqué : « Nous avons de la chance d’avoir à La Réunion, sept députés de la majorité gouvernementale qui décident de la politique. Je n’ai jamais vu de politiques aussi discrets, ils ne parlent pas, ils attendent que le gouvernement agisse, mais toujours avec insuffisance » . Paul Vergès a expliqué qu’«  on arrive à la crise d’un système mis en place dès 1946, qui a déployé des effets néfastes même durant les Trente Glorieuse. La situation s’aggrave au fur et à mesure  », en raison des trois éléments cités plus haut et des problèmes économiques et sociaux à La Réunion. (Cf. Encadrés).

Révoltes en Egypte et au Brésil

Paul Vergès a indiqué «  c’est un cri d’alarme que nous poussons, car on ne peut pas continuer ainsi. Les contradictions économiques et sociales vont finir par se combiner et leurs effets amenés une crise plus profonde  ». Le sénateur a expliqué qu’au moment des élections, « tout le monde se rend compte de la situation, s’unit, se divise. Mais on leur dit méfiance, car les élections sont des éléments essentiels de la démocratie, qui n’ont pas de stabilité, ni de longévité ». Paul Vergès a évoqué les récentes élections en Egypte et au Brésil, où après la joie du changement sont arrivées des révoltes populaires importantes.

Céline Tabou

En février dernier, des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes. Cela va se reproduire si des mesures plus adaptées à la situation ne sont pas prises.
(photo Toniox)
Un parti ne peut vivre que si les militants parlent

Cofondateur du Parti Communiste Réunionnais, Paul Vergès a rappelé les conflits du passé et notamment les divergences sur l’autonomie dès 1959. Ce dernier a expliqué qu’un «  parti ne peut vivre que si les militants parlent et disent ce qu’ils pensent, même si c’est en contradiction. Si cela ne se passe pas comme ça, le parti est mort. Que les bouches s’ouvrent et que les gens parlent  ». Expliquant qu’il existait toujours des conflits de personnes et des contentieux, l’important est que « la communauté d’analyse politique » soit fixe.
Rénovation urbaine dans l’Outre-mer

Lors de son allocution à la Guadeloupe, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé que le second plan national de rénovation urbaine sera financé et garanti. 200 quartiers seront concernés en France, dont une trentaine de quartiers « situés dans les Outre-mer » a confirmé le Premier ministre. «  Quelle sera la part de La Réunion dans ces 30 ?  » a posé Paul Vergès. Ce dernier a rappelé que La Réunion représente la plus grande population d’Outre-mer, «  la Martinique et la Guadeloupe n’atteignent pas la population totale de La Réunion  ».

«  Tout le monde se dit que le Premier ministre viendra à La Réunion avec autant de ministres et de personnalités, pour annoncer le nombre de quartiers rénovés » a ironisé Paul Vergès. Avec plus de 800.000 habitants, « dont la majorité de la population se trouve dans les villes avec des problèmes d’urbanisation désordonnées, La Réunion possède des spécificités novatrices. Les autorités passées ont eu une telle prescience de la croissance démographique et de l’organisation, que tous les services de l’Etat se trouvent en banlieue » , a indiqué le sénateur. Ce dernier se demande combien de centres seront rénovés, « on est dans l’attente » .
Fuite de la valeur ajoutée de La Réunion

« Quelle réponse globale va donner le gouvernement pour répondre à la crise dans tous les secteurs ? » a demandé Paul Vergés. En effet, les principaux secteurs d’activités comme les usines sucrières, le parc automobile ou encore les entreprises Caillé appartiennent à des sociétés étrangères. Dernièrement, les résultats financiers de Tereos mettent en évidence un bénéfice annuel en hausse de plus de 30% soutenu par les cours du sucre. « Ces bénéfices qui sont considérables sont une part importante de la valeur ajoutée créée aujourd’hui à La Réunion. Cette valeur ajoutée quitte La Réunion » , pour le Brésil, où se situe le siège social. Il en va de même pour Foucque automobiles, racheté par la Compagnie française de l’Afrique occidentale (CFAO), appartenant en partie à Toyota Tsuho.
La défiscalisation, le «  nouveau roman  »

Paul Vergès a relevé que l’expérimentation d’un crédit d’impôt pour certaines entreprises et les organismes de logement social, accompagnant le dispositif de défiscalisation, aura un impact sur les 8.000 entreprises dont les dettes fiscales et sociales s’élèvent à plus d’un milliard d’euros. « Quelle banque va autoriser un prêt à ces entreprises » pour pouvoir payer l’impôt, a expliqué Paul Vergès. Ce dernier a ajouté que « chaque secteur est touché par la crise et aucune annonce ne donne des pistes de sortie de crise. Tout le monde attend les mesures d’application » . «  La défiscalisation n’est pas une seconde surrémunération, mais une bonne affaire pour les investisseurs et entrepreneurs de l’extérieur, ça a un coût pour l’Etat qui se compte en milliards. Le gouvernement en a un fait un élément essentiel du développement à La Réunion, il faut donc une alternative à ce dispositif avant de le supprimer  », a expliqué Paul Vergès.
Le coût de la vie, un « sujet tabou »

« Comment tous les gouvernements successifs ont pu maintenir un système aberrant pour La Réunion qui est supérieur à celui de la France ? » «  Le gouvernement accorde 40% de coût de la vie à ses fonctionnaires d’Etat, tout en connaissant le problème, car Victorin Lurel, lui-même, est un fonctionnaire. A La Réunion, c’est 53,5% de surrémunération  », a expliqué Paul Vergès. «  Le gouvernement a établi une surrémunération dès 1947, dès le vote de la loi de départementalisation  », concernant l’égalité sociale, «  le gouvernement nous a fait attendre plus d’un demi-siècle pour les prestations sociales, c’était déjà la mise en place des inégalités sociales à La Réunion ».

Dénonçant les propos du Medef qui souhaite une rediscussion des salaires, car jugés trop élevés, alors que le SMIC n’est pas à 53% de plus. Pendant un demi-siècle, «  on a engendré des luttes dans les services  ». Suite à cela, la surrémunération a été étendue à d’autres secteurs comme les banques, les médias officiels, l’électricité. De fait «  tout le système social de La Réunion est basé sur ce recyclage de ces 53%  ».

«  Ces 53% sont la base de la construction des monopoles. Le gouvernement a créé cette situation et dit aujourd’hui vouloir la combattre. Et comme ce n’est pas assez, des élus locaux décident de supprimer des projets de développement  » a indiqué Paul Vergès. Mettant en avant l’évolution des ressources des 20% plus riches de l’île et des 20% plus pauvres, Paul Vergès a dénoncé des mesures gouvernementales, qui ne sont pas à la hauteur de la situation. Il y a «  moins de création de logements, emplois et d’activités. Au contraire, tout augmente  », le chômage, la pauvreté, les demandes de logement.
« Prendre conscience que la crise va exploser »

Lors de ce point presse, Paul Vergès a évoqué le fait que « Témoignages est celui qui parle le moins de l’autonomie » , bien que l’ensemble des médias de l’île l’ait fait. « Changer la politique actuelle veut dire qu’aujourd’hui, il y a un désordre politique qui est la conséquence de la crise économique, sociale et politique découlant de l’erreur de base de la loi de 1946, créatrice des inégalités des revenus » . Comme disait Platon, « l’erreur est une ignorance doublée d’une illusion. L’illusion aujourd’hui c’est de croire que les contrats aides sont les solutions au problème de fond, mais cette situation n’est plus possible. » Face au « désert politique » à La Réunion, Paul Vergès a indiqué qu’il était important de trouver des alternatives à la surrémunération à travers notamment un Fonds de développement, mais aussi au RSTA, à la défiscalisation. Pour conclure, le sénateur a appelé à une prise de conscience, car « la crise va exploser » .
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