Face à l’aggravation de la situation

Paul Vergès lance un S.O.S.
Appel urgent à l’union de tous les Réunionnais

24 octobre 2008, par Manuel Marchal

Maintien des grands chantiers, accélération des projets d’investissement et relance des grands travaux suspendus, telles sont les priorités immédiates pour maintenir le niveau d’emploi dans un contexte d’aggravation de la crise, souligne Paul Vergès. L’impact de la crise financière va quant à lui amplifier les défis de la croissance démographique, du changement climatique et de la mondialisation. Face à cette situation, le président de la Région lance un « S.O.S. politique et social ». Cela rend d’autant plus urgente la nécessité de rassembler tous les Réunionnais autour de l’intérêt général du pays, au moment où La Réunion connaît un de ses tournants historiques.

Quelles seront les conséquences de la crise financière à La Réunion ? Paul Vergès rappelle les propos tenus par Jacques Chirac lors du Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002 : « le feu est dans la maison, mais vous regardez ailleurs ».
Le président de la Région constate que depuis le début de la crise se multiplient les mesures et les commentaires. Ils font référence à la crise de 1929, et le monde évolue de la crise boursière à la crise monétaire, puis vers la crise économique si l’on s’en tient aux prévisions de récession, et cela pour plusieurs années.
Ces événements extérieurs auront des conséquences pour La Réunion.
« L’économie de La Réunion est alimentée par des flux financiers en provenance de la France et de l’Union européenne », précise le président du Conseil régional. Ils financent des investissements, les prestations sociales et les salaires de la fonction publique. Si ces transferts connaissent une modification, cela aura « des conséquences directes chez nous ». Et ces conséquences pourront se faire ressentir dès le vote du Budget. Cela explique la venue des professionnels devant la préfecture, pour dire leur inquiétude face à une remise en cause de la défiscalisation, dit en substance Paul Vergès.
Concernant les investissements, le président de la Région rappelle qu’en août 2008, La Réunion a été couronnée région de France la plus dynamique sur les cinq dernières années en termes de création d’emplois et de hausse des salaires. Cela correspond à la montée en puissance du BTP : « de 11.000 emplois en 2002 à 24.000 à la fin du premier semestre de cette année ».
Alors que se profile la fin d’un premier grand chantier, la route des Tamarins, le secteur du BTP mise sur le commencement de deux autres grands travaux, le tram-train et la route du littoral, qui doubleront le chiffre d’affaires. Dans l’attente des premiers coups de pioche, tout un ensemble de projet était prêt à prendre le relais : la rocade du Tampon, le Pôle Océan, le Zénith, l’hippodrome de Cambaie, les villes nouvelles de La Montagne et de Cambaie. Tous ces chantiers représentent 450 millions d’euros. Mais ils sont remis en cause.

L’impact des événements extérieurs

Par ailleurs, la fin de la défiscalisation dans le logement privé pourrait donner un coup d’arrêt à un autre secteur du BTP. 3.000 emplois sont menacés à la rentrée des congés du Bâtiment, et entre 7.000 et 9.000 d’ici trois ans si les chantiers intermédiaires entre la route des Tamarins et le tram-train sont abandonnés. Ce sont tous les efforts faits pour créer 13.000 emplois en cinq ans qui risquent d’être anéantis, constate Paul Vergès, ce qui veut dire « la plus grande catastrophe sociale des dix dernières années ».
C’est dans ce contexte qu’arrive une crise comparée à celle de 1929, mais au déroulement plus rapide.
Or, la France et l’Europe, source des flux financiers sont menacés par une récession de plusieurs années. Et plusieurs rendez-vous essentiels se profilent pendant cette période.
C’est tout d’abord la discussion de la prochaine programmation des fonds structurels européens pour l’après 2013. « Dans une situation de récession, peut-on imaginer recevoir de l’Europe les mêmes dotations ? », interroge Paul Vergès.
C’est ensuite la signature de l’Accord de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays voisins. L’Europe a déjà signé avec la Caraïbe, en passant « par dessus les objections de la Guadeloupe et de la Martinique ». Dans notre région, le COMESA et la SADC, soit 300 millions d’habitants, sont sur la ligne d’un accord global. Ces pays travaillent à créer une union douanière, avec une monnaie unique. Dans un contexte de récession, comment la France pourra-t-elle défendre l’octroi de mer alors que l’Europe souhaite, à travers la signature d’un APE, créer une zone de libre-échange avec 300 millions d’habitants dont les négociateurs demandent la suppression de l’octroi de mer ? D’autant plus que cette défense est desservie par des commentaires locaux qui demandent la suppression de cette taxe essentielle pour notre économie et les budgets de nos collectivités territoriales.
C’est également la fin du règlement sucrier provisoire en 2013, avec la menace sur les subventions qui représentent 44% du prix de la canne. Or, le prix découlant de celui du sucre est inférieur de moitié à celui de l’enfouissement d’une tonne d’ordures (voir encadré). Face à tous ces événements, le président de la Région constate qu’à La Réunion, « on sous-estime le danger qui est à notre porte ».

Anticiper de nouveaux chantiers

En anticipant sur les conséquences de la crise, quelles sont les marges de manoeuvre pour La Réunion ?
La première priorité est le maintien des grands chantiers. Mais le président de la Région met en garde contre les pertes de temps dues à des remises en cause du tracé, en particulier à Saint-Denis.
Dans l’urgence, il est également essentiel de reprendre les chantiers intermédiaires, qui représentent 450 millions d’euros. Et d’interroger ceux qui ont décidé de les suspendre : « les responsables se rendent-ils compte des conséquences sociales de leurs initiatives ? Quels sont les chantiers de substitution qu’ils proposent ? ».
L’autre aspect est de surseoir à la remise en cause de la défiscalisation, sous peine de voir un secteur économique s’effondrer. Paul Vergès plaide pour la recherche de solutions équivalentes en termes de volume de travail et d’emploi avant toute décision.
Pour sa part, la Région anticipe sur l’étape suivante du tram-train, à savoir les extensions de Sainte-Marie à Saint-Benoît et de Saint-Paul à Saint-Joseph. Paul Vergès rappelle également le prolongement de la route des Tamarins vers Les Lianes. L’achèvement de ces travaux est prévu pour 2025, ce qui veut dire que les grands chantiers seront « le moteur de l’activité » au cours des 20 prochaines années.
La Région veut également accélérer la construction de trois lycées pour permettre d’atténuer le trou d’air entre la fin de la route des Tamarins et le début du chantier du premier tronçon du tram-train.

« Pas possible de rester passif »

« Maintenir les grands chantiers, éviter tout retard et rechercher des chantiers de remplacement dans les communes » sont les maîtres mots de cette stratégie.
A plus long terme, le président de la Région constate que toute l’importance d’ouvrir de nouvelles filières, car « les destinées économiques de La Réunion vont tourner le dos » aux mutations que nous connaissons depuis 50 ans dans notre pays. Ce sont la pêche, les énergies renouvelables qui ne seront pas touchées par la récession, et en particulier le photovoltaïque avec la garantie du rachat d’énergie par EDF au-delà de la durée d’amortissement de l’équipement. Paul Vergès plaide également pour le développement de l’emploi dans l’environnement : traitement des déchets, création d’infrastructures d’assainissement adaptées à la réalité insulaire. Cela signifie changer le mode d’utilisation des crédits.
« La base de l’union des Réunionnais est de voir comment utiliser les conditions concrètes de La Réunion pour trouver des solutions », poursuit le président de la Région qui plaide pour que chacun prenne conscience de l’importance de « faire l’unanimité réunionnaise sur l’essentiel ». Car « il n’est pas possible de rester passif alors que La Réunion connaît un de ses tournants historiques ».
Paul Vergès conclut en lançant un « S.O.S. politique et social » afin de « s’unir le plus vite possible ». Parler ensemble d’une même voix, c’est la voie de la responsabilité pour faire avancer l’intérêt général du pays à un moment décisif de l’Histoire de La Réunion.

Manuel Marchal


Enterrer une tonne d’ordures coûte deux fois le prix d’une tonne de cannes

La CIVIS a demandé une expertise sur le prix de l’enfouissement d’une tonne de déchets. La conclusion est un prix de 72 euros la tonne.
Cela signifie qu’enterrer une tonne d’ordure coûte deux fois le prix que reçoit le planteur de l’usinier pour une tonne de canne, c’est-à-dire 39 euros.
Cette donnée est révélatrice de la crise que traverse La Réunion, ainsi que des menaces qui pèsent sur des milliers de planteurs si le prochain règlement sucrier équivaut à la fin des subventions qui permettent de compléter le revenu de ces travailleurs à un niveau décent.


Rétablir le chantier de la rocade du Tampon pour l’intérêt général du Sud

Lorsque Didier Robert était conseiller municipal et adjoint au maire du Tampon, il a toujours voté pour la construction de la rocade.
Cela a débouché sur un chantier de 125 millions d’euros prêt à démarrer. Mais la décision de Didier Robert, devenu maire, d’annuler le chantier est une des raisons qui explique la crise que connaît le BTP.
Face à la gravité de la situation que connaît notre île, et dans le contexte d’aggravation dû à la crise internationale, le président de la Région demande à Didier Robert de rétablir le chantier. Cela serait « un signal fort » pour tous les acteurs économiques du Sud, et la garantie pour notre île de bénéficier d’un investissement de 125 millions d’euros.


L’avenir est notre océan

Paul Vergès rappelle les propos de Danüta Hubner, Commissaire européenne à la Politique régionale, de Christian Estrosi et de Yves Jégo, successivement secrétaire d’Etat à l’Outre-mer. Tous convergent pour dire que l’avenir de La Réunion se situe sur la mer.
« 97% des prises sont le fait de pays non riverains, alors que les peuples de l’océan Indien vont connaître la plus importante croissance démographique », note Paul Vergès.
Peut-on imaginer qu’avec 43 millions d’habitants en 2050, Madagascar ne développera pas de flotte de pêche ?
Le président de la Région précise que la superficie des zones économiques exclusives des Comores, de La Réunion, de Madagascar, de Maurice et des Seychelles représente l’équivalent de la Méditerranée et de la Baltique réunies.
Sur les bords de la Méditerranée existe une industrie de la pêche qui emploie de très nombreux travailleurs, alors que les ZEE des pays de la COI comportent plus de richesses que la Méditerranée.
C’est une nouvelle perspective qui s’ouvre pour nos pays.


Assainissement : le lagunage

Avec la mise aux normes européennes des réseaux d’assainissement, les communes sont mises en demeure de se conformer à cette directive sous peine de poursuites.
Pourquoi faire des stations d’épuration comme en Europe, dit en substance Paul Vergès, alors que d’autres solutions existent.
Le président de la Région fait état du lagunage, qu’il a vu fonctionner dans une commune de l’Hérault. Ceci a l’avantage de créer des emplois, et de faire l’économie de dépenses liées à l’application mécanique à La Réunion d’une solution qui ne tient pas compte de la réalité topographique et démographique du pays.
Dans le même ordre d’idée, Paul Vergès plaide pour une autre vision du traitement des déchets. Il constate que l’importation dans notre île d’un modèle promouvant la concentration du traitement dans un centre ne correspond pas au contexte insulaire, et alourdit la facture financière et environnementale du fait du coût du transport.
Sur la base de ce constat, le président de la Région propose de réfléchir à un modèle décentralisé, avec des installations de tri de proximité susceptible de créer de nombreux emplois.

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