Face à des décisions inévitables et irréversibles

Paul Vergès : le rassemblement le plus large possible pour La Réunion

7 mai 2013, par Céline Tabou

A l’occasion d’une conférence de presse, lundi 6 mai, Paul Vergès, cofondateur du PCR et président de L’Alliance a expliqué les conséquences des crises actuelles dans les domaines social, économique, financier, politique et environnemental ainsi que l’impact des décisions du passé sur le présent et l’avenir de La Réunion.

Faire des propositions pour le développement durable, social et solidaire de La Réunion va au-delà des élections et « attend une adhésion individuelle de chacun pour le développement de La Réunion », a souligné le sénateur Paul Vergès.
(photo MM)

Paul Vergès a lancé «  un véritable cri d’alarme sur la situation à La Réunion  ». Face à la hausse démographique, à la crise économique et financière qui dure depuis 2008 et l’impact croissance des changements climatiques, le sénateur s’est alarmé de l’inconscience du monde politique réunionnais de «  l’évolution irréversible de la situation dans le monde et à La Réunion, qui correspond à ce que l’on met en garde depuis des années  ».

L’avenir immédiat et lointain de La Réunion compromis

Dans un contexte de crise de la dette souveraine dans la zone euro, La Réunion ne sera pas épargnée par les mesures d’austérité prise en Europe. «  Tout le monde a entendu que 2013 sera un tournant pour le chômage, et que le gouvernement attendra les 3%   de croissance  » imposée par Bruxelles. Cependant, les dernières données économiques mettent en évidence une stagnation de la croissance française, «  avec 0,1% et une hausse de la dette  » a expliqué Paul Vergès. Ce dernier a indiqué que face à l’impossibilité de la France de tenir 3% de croissance, «  Bruxelles a donné un sursis au pays  », mais «  on voit dans les journaux, des manifestations qui ont conduit à un isolement du gouvernement  », « des forces sociales et politiques qui soutiennent le gouvernement et sont marquées par l’extrême gauche, qui demandent une politique plus à gauche » .

Et de son côté, «  la droite fait pression  » en vue des prochaines élections municipales. D’ailleurs, «  le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, n’écarte pas l’idée d’un remaniement ministériel, en raison des pressions des deux côtés. D’ailleurs, avec les élections qui approchent, le gouvernement devra choisir tôt ou tard un changement de politique à gauche ou droite, ou il devra faire face à la défaite aux élections  » a noté Paul Vergès.

A La Réunion, le point central des politiques à venir est le facteur démographique et son augmentation dans les années à venir. «  Contrairement aux Antilles, La Réunion réunit la Guadeloupe et la Martinique  », de plus « la transition démographique ici n’est pas terminée comme aux Antilles  ». Alors que le territoire verra sa population vieillir, La Réunion devra faire face à l’arrivée d’un million d’habitants d’ici 2020. D’autant que «  la situation économique et sociale à La Réunion est bien plus grave qu’aux Antilles. Lors des évènements de 2009 en Guadeloupe, Yves Jego n’avait pas été averti, ce qui lui a coûté sa place, et la contagion s’est propagée à La Réunion et à d’autres territoires ultramarins  ». Aujourd’hui, la situation est différente, les données économiques, démographiques et sociales mettent en évidence une situation qui s’aggrave et demande des mesures audacieuses.

L’aggravation de la situation réunionnaise a des raisons internes, avec la pauvreté, le chômage, l’illettrisme, la surrémunération, le logement, mais aussi externes, avec l’avenir de la canne à sucre dépendant de l’Union européenne ou encore le montant des aides européennes. Evoquant plusieurs pistes pour sortir La Réunion de l’impasse, comme l’autosuffisance alimentaire, l’autonomie énergétique, l’enseignement du créole, la politique des revenus et la nécessité de l’unanimité dans la fonction publique (préconisations développées dans notre prochaine édition), Paul Vergès a évoqué les solutions aux problèmes réunionnais, «  La Réunion a tous les atouts pour sortir de la crise et développer durablement le pays  », a indiqué le sénateur.

L’union des Réunionnais

Face à une telle situation et aux tensions persistantes, Paul Vergès a appelé l’ensemble des acteurs politiques, économiques et associatifs à se rassembler pour débattre des solutions possibles pour l’avenir de La Réunion. A l’instar des années d’après-guerre, La Réunion subit de plein fouet une crise structurelle, avec la nécessité d’une nouvelle gouvernance et conjoncturelle, avec des difficultés économiques inquiétantes. A cette époque, le C.R.A.D.S se constitue, unissant l’ensemble des personnalités politiques et économiques réunionnaises désireuses de développer La Réunion, à partir de ses atouts.

Le 11 mars 1945, le Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale, C.R.A.D.S, est créé et alors animé par le Docteur Raymond Vergès (Président) et Léon Lépervanche. Ce comité réunissait des républicains de la gauche traditionnelle et des membres de la droite. L’objectif du C.R.A.D.S est de proposer des pistes de développement économique, social, culturel et politique pour La Réunion. Le contexte économique et social de l’île de cette époque est similaire à celui d’aujourd’hui : pauvreté, inactivité économique, inégalités.

Dépassant les clivages politiques, le C.R.A.D.S avait pour vocation de développer La Réunion, c’est pour cette raison que Paul Vergès appelle à une concertation de l’ensemble de la population réunionnaise sur les propositions évoquées. « Le rassemblement de la population est inévitable pour éviter le pire. Il est indispensable d’avoir une adhésion générale des Réunionnais, car il s’agit d’une œuvre collective pour La Réunion  ». En effet, l’objectif est de faire des propositions pour le développement durable, social et solidaire de La Réunion. Cette question va au-delà des élections et « attend une adhésion individuelle de chacun pour le développement de La Réunion  », a expliqué Paul Vergès.

Ce dernier a précisé que les propositions faites « devaient être débattues. Si on n’est pas d’accord, il faut le dire et trouver d’autres alternatives. Si les gens ont des propositions, mettons-les ensemble ». Pour Paul Vergès l’important est la concertation la plus large possible pour sortir de l’impasse. Mais surtout « inviter tous les Réunionnais à s’exprimer ».

Céline Tabou



Autonomie énergétique

« La Réunion possède tous les atouts »

Face à la hausse des prix du carburant et du gaz, une évidence s’est faite : l’utilisation des énergies renouvelables comme alternative à des énergies fossiles qui s’appauvrissent d’année en année, a expliqué Paul Vergès. Encensé pendant des années pour son innovation environnementale, La Réunion est aujourd’hui à la traîne suite à la remise en cause de projets environnementaux tels que la géothermie, l’énergie de la houle. En effet, l’île contient l’ensemble des énergies renouvelables : maritime, solaire, éolien, biodiversité.

L’utilisation de ces énergies renouvelables permettrait l’économie de près de 600 millions d’euros, dépensés en énergie fossile. Cet argent pourrait alors servir le Fond de développement réunionnais, proposé par Paul Vergès qui permettrait alors des investissements massifs de La Réunion.

Autosuffisance alimentaire

« Répondre aux besoins de la population »

Autre mesure proposée par Paul Vergès, l’autosuffisance alimentaire. En organisant les acteurs économiques et sociaux de La Réunion, « on pourrait répondre aux besoins des populations réunionnaises et voisines », mais également développer des coopératives de production locale et de commercialisation. Cette mesure pourrait alors redonner de l’activité aux filières énergétiques et agricoles. Au-delà de relancer la production réunionnaise, l’autosuffisance alimentaire de La Réunion pourrait également répondre aux besoins de nos voisins, comme la Somalie, où 258.000 personnes sont mortes de faim en six mois.



Lutter contre ce qui mine notre cohésion sociale

Un chômage qui s’accentue

La Réunion est la région de la République la plus touchée par le chômage. Selon les dernières statistiques de la DIECCTE et du Pôle Emploi Réunion-Mayotte, La Réunion compte 150.390 chômeurs, toute catégories A, B et C. Ce chiffre comprend 132.110 demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A (en recherche active disponible et sans emploi), soit une hausse de 8,1% en un an. Les plus touchés par le chômage sont les seniors, avec une augmentation des inscriptions de 21,2% en un an et les jeunes de moins de 25 ans. Ces derniers sont 22.400 à rechercher un emploi. La récession économique de La Réunion ne permet pas de créer de l’activité, d’autant plus que le nombre de créations d’entreprises à La Réunion est en baisse et que des milliers d’emplois disponibles à La Réunion échappent aux Réunionnais.

Le chômage de longue durée concerne 80.840 Réunionnais inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an. Sur un an, le nombre de chômeurs longue durée progresse fortement, de11,9%. Selon les derniers chiffres, La Réunion comptait en mars 60.074 allocataires du RSA (revenu de solidarité active), soit +0,3% par rapport à février. 41.782 demandeurs d’emploi sont allocataires de l’assurance chômage (+3,3% sur un an) et 18 063 d’entre eux touchent l’allocation spécifique solidarité (+10,9% sur un an). L’aggravation de la situation persiste avec la crise, mais également avec les contraintes rencontrées par le Pôle Emploi, où seules 2.270 offres ont été proposées, soit une baisse de 9,4% par rapport au trimestre précédent.



Eradiquer un obstacle au développement

Illettrisme, un mal récurrent

Selon une estimation réalisée par la DR-INSEE Réunion en 2007, plus de 21% de la population réunionnaise est en situation d’illettrisme, contre 9% pour la France hexagonale. Les institutions dénombrent 100.000 "illettrés", 7.000 "analphabètes" et 4.000 profils "FLE". Près de 15,5% des 16-25 ans ont des difficultés graves à l’écrit, contre 42% chez les 56-65 ans. D’après l’Insee, près de 45% des personnes en situation d’illettrisme ont fréquenté l’école pendant une durée inférieure à 10 ans, voire 5 ans (octobre 2008).

L’une des raisons de cette situation, l’enseignement du créole à l’école. Paul Vergès a expliqué que si « on ne règle pas le problème de l’illettrisme on n’aura pas de développement durable à La Réunion. Plus de 110.000 personnes sortent de l’école pour tous et gratuite sans savoir ni lire, ni écrire », parce que certains « ont combattu le créole ». Contrairement aux autres langues régionales, le créole réunionnais est la plus parlée de France et surtout la plus vivante, à partir de là, « il est urgent d’intégrer le bilinguisme français/créole dans l’enseignement ».

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