La Chambre de Commerce et d’Industrie invite Paul Vergès

Perspectives ouvertes pour un co-développement durable

22 mars 2005

Le président Éric Magamootoo avait annoncé depuis son entrée en fonction qu’il souhaitait ouvrir à tous la Chambre de Commerce et d’Industrie de La Réunion pour en faire un lieu d’échanges, de débats, de réflexion sur le développement économique de l’île. C’est pourquoi plusieurs rencontres ont été organisées avec les députés européens, Jean-Claude Fruteau et Margie Sudre d’abord et hier Paul Vergès. Plusieurs élus de la chambre mais aussi des associations de commerçants et des chefs d’entreprises sont venus nombreux à sa rencontre. Au cœur des réflexions : le co-développement durable dans notre région et l’Europe.

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La Chambre de Commerce s’efforce de faire une politique de développement pour les vingt années à venir. Comment faire en sorte que malgré la gravité de la situation actuelle, personne ne perde jamais de vue la perspective de l’avenir ?
Paul Vergès a voulu replacer La Réunion dans un cadre général comprenant son environnement géographique, son appartenance à l’Europe et l’évolution de la situation mondiale. Le président du Conseil régional a expliqué à cet auditoire très attentif les forces permanentes qui nourrissent la réflexion de la Région pour le développement durable de notre île. Il est parti pour cela de deux données que nul ne peut ignorer dès qu’il s’agit d’aménagement du territoire et d’action pour le développement économique : les conséquences des changements climatiques et la transition démographique des îles de l’océan Indien.

Faire face aux changements climatiques et démographiques

Il expliquait que toute vision d’avenir à long terme doit tenir compte de ces deux éléments auxquels La Réunion, comme le reste du monde aura à faire face durant ce siècle qui commence. Impossible de les ignorer car ils sont à la source de ce qui va bouleverser le monde et donc notre pays. En effet, quel développement économique envisager sans prévenir les conséquences des changements climatiques et sans s’y adapter ? L’augmentation de la température que la planète va connaître en quelques décennies est supérieure à celle qui a causé la fin de l’ère glaciaire, d’ores et déjà les glaciers disparaissent et posent les problèmes cruciaux des inondations et des besoins en eau. De plus, notre région océanique va être touchée par des cyclones plus pluvieux que par le passé et aux vents de plus en plus violents. Le changement de température de l’océan cause le déplacement des poissons et peut remettre en cause le secteur de la pêche. Le prochain Schéma d’Aménagement du territoire tiendra compte de cette question. Faut-il par exemple continuer à construire des hôtels pieds dans l’eau ? La transition démographique est une autre donnée importante car si la population européenne va s’amoindrir, celle de notre région va exploser dans toutes les îles voisines et demande une attention particulière, car La Réunion peut apporter des réponses aux problèmes que ces sociétés vont connaître. Le co-développement durable est en effet une pierre angulaire de notre propre développement.

Faire face au marché unique mondial

À ces deux remarques s’ajoutent la mondialisation des échanges et la tendance d’aller vers un marché unique mondial laissant toute liberté aux transferts des capitaux, des hommes et des services en passant au-dessus des taxes et des droits de douanes. Les conséquences de cette bataille actuelle se font sentir par exemple dans le démantèlement des accords multifibres qui a menacé le miracle mauricien et causé la délocalisation des usines en Chine. La politique agricole commune et la baisse du prix du sucre en est aussi une conséquence qui porte un coup rude à La Réunion tant en termes de perte d’emploi que d’énergie et de préservation du territoire, on sait l’importance de la multifonctionnalité de la canne. Comment faire face à tous ces dangers ? "C’est en ayant cela en tête que nous devons réfléchir à comment bâtir notre politique de développement, nous devons nous protéger et jouer des atouts que nous avons", dira Paul Vergès à la fin de ce préambule.

La Réunion et l’Europe

Notre appartenance à l’Europe est un atout principal, encore faut-il que le Parlement européen tienne compte, au nom de la cohésion, de nos handicaps permanents. Comment compenser l’éloignement des Régions ultra périphériques dont nous faisons partie ? Le PIB doit-il être le seul indicateur de développement et de culture ? L’élargissement de l’Europe en faisant chuter la moyenne de cet indicateur expulse déjà plusieurs RUP (Canaries et Madère) du droit aux fonds structurels. Au sein d’une Europe plus large, les États ont moins la possibilité de peser sur les décisions communautaires. Pour Paul Vergès, "il faut contester le critère du PIB comme critère de développement et apprécier nos spécificités". C’est grâce aux RUP que l’Europe est présente dans le monde entier. C’est grâce à Kourou que la fusée Ariane est compétitive. C’est grâce aux régions d’Outre-mer que la France est la deuxième puissance maritime au monde... Tout cela n’est pas pris en compte dans l’évaluation de nos spécificités. Et cette reconnaissance c’est le combat mené par le député européen. Les conditions de notre développement durable dépendent en grande partie des décisions qui seront prises cette année pour le budget européen. Les États accepteront-ils l’augmentation de leur cotisation pour la communauté ? Pour La Réunion comme pour la CCIR, cette décision et celle portant sur le régime sucrier seront décisives. La préservation de la filière canne est un enjeu historique mais c’est aussi la lutte d’un David contre un Goliath démesuré.

S’ouvrir au monde

Les élus de la Chambre de Commerce ont voulu savoir quels étaient pour Paul Vergès les atouts que possède La Réunion. Pour lui notre niveau de scolarisation et de formation n’a pas d’équivalent dans un rayon de 5.000 km. Il ajoutait que les pays de la zone sont demandeurs dans tous les domaines (agriculture, irrigation, aquaculture, enseignement, santé...). C’est pourquoi La Réunion doit s’ouvrir au monde et devenir l’interface entre l’occident et l’océan Indien, en ce sens le développement de l’université et la création d’un CHU sont nécessaires. Il évoque un autre atout indéniable : la tolérance et la richesse de notre société multiculturelle et du dialogue inter religieux que nous avons réussi.
Un chef d’entreprise se félicitait de l’initiative de la CCIR d’inviter la Région et formulait le vœu de voir le Conseil régional inviter à son tour la CCIR pour "réduire l’écart entre les chefs d’entreprises et les hommes politiques". Il souhaitait que le débat sur le co-développement durable dans la zone océan Indien se poursuive, que "les sujets de La Réunion soient abordés avec tous les Réunionnais".
Paul Vergès convenait que La Réunion a commis l’erreur de ne penser son désenclavement que vers Paris, contrairement à Maurice qui elle, est reliée à toutes les grandes capitales du monde. Il était aussi d’accord pour dire que "la faiblesse de La Réunion, c’est que les hommes politiques ne s’intéressent pas à la vie des entreprises et que les entreprises ne s’intéressent pas à la vie politique". Or, si l’homme politique ne s’imprègne pas des difficultés que rencontre une entreprise pour prospérer, il ne sert à rien et inversement. Le développement de l’entreprise, c’est celui de l’emploi et de la richesse du pays. Pour Paul Vergès, il faut aussi "reconquérir notre marché intérieur, le progrès social doit bénéficier aux investisseurs réunionnais".

Répondre aux inquiétudes

Un élu de la Chambre s’inquiétait de savoir si les résultats du référendum sur la Constitution européenne pouvaient apporter des représailles financières. Pour le député européen, il n’y aurait pas de conséquence directe à un “oui” ou à un “non”. Un chef d’entreprise se demandait si La Réunion était suffisamment organisée pour et se faire connaître et faire entendre sa voix à l’Europe. Paul Vergès lui répondait que c’était un combat constant et que la meilleure des solutions serait que les RUP françaises ouvrent un bureau permanent à Bruxelles pour pouvoir compter sur une présence physique permanente. Un commerçant de proximité voulait savoir si la Région allait mener une action spécifique en leur direction. Paul Vergès, soulignant l’importance sociale de leur rôle, indiquait que la Région était celle qui contribuait le plus aux rénovations des centres-villes et que la question était inséparable de celle des transports, et qu’elle relevait en priorité de la responsabilité des maires. Le pôle océan n’a pas été vraiment abordé et les entretiens se sont ensuite poursuivis autour d’un repas.

Eiffel


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