Le projet de loi de cohésion sociale examiné par le Conseil général

Plan Borloo : un texte dangereux

17 septembre 2004

Graziella Leveneur, élue de Saint-Pierre, s’est exprimée au nom de l’Alliance, et appelle à la vigilance face à un texte qui a été approuvé par la majorité des conseillers généraux.

Mercredi, la Commission permanente a étudié le projet de loi de cohésion sociale du gouvernement. Un projet approuvé par la majorité alors que l’Alliance et le groupe socialiste se sont abstenus. De plus, la majorité demande que "l’ensemble du dispositif soit applicable à La Réunion" et souhaite "une déclinaison départementale de ce plan".
Intervenue au nom de l’Alliance, Graziella Leveneur appelle à la vigilance. L’élue de Saint-Pierre précise que "le Conseil général a demandé la mise en application d’un texte qui contient des mesures dangereuses, en particulier pour les plus démunis". Nous reproduisons ci-après des extraits de son intervention.

"C’est bien parce que je partage les constats du gouvernement lorsqu’il affirme que les inégalités s’accumulent et s’aggravent que je considère, qu’en l’état, le projet de loi ne répond pas à l’exigence ni à l’ampleur des enjeux
Pour moi, maintenir la cohésion sociale, c’est en effet respecter l’égale dignité de tous, indépendamment de l’âge, la situation géographique, sociale, professionnelle... Les Réunionnais(es) attendent leur part des dispositifs proposés ici : logement, emploi, accès de tous aux services, au savoir.
La lutte contre les inégalités relève avant tout de l’action gouvernementale. Or, les restrictions budgétaires (...) mettent à mal la cohésion sociale. Si la prévention de la précarité pour assurer la cohésion sociale est pour de bon une priorité gouvernementale, que le gouvernement abroge les mesures récentes de baisse des aides aux familles !
Dernière remarque avant que je ne souligne les insuffisances du projet de loi présenté et n’émette des critiques : je regrette que le gouvernement n’ait pas pris en compte toutes les mesures arrêtées par le Comité interministériel de lutte contre l’exclusion (CILE)

Les chômeurs culpabilisés

- Certaines des dispositions du plan Borloo visent à culpabiliser les gens les plus fragilisés, alors qu’il faudrait les aider. La notion “d’assistance” insérée dans le projet de loi jette le discrédit sur ceux dont les conditions de vie sont particulièrement difficiles. Je préfère la notion de solidarité.

- A propos de l’obligation de recherche active d’emploi, le renforcement des sanctions est inacceptable. (...) [Notre groupe] estime par ailleurs que les mesures visant à favoriser une recherche active d’emploi ne devraient pas aboutir à une déqualification des salariés en recherche d’emploi, avec pour corollaire une baisse de la rémunération. (...)

- Dans les dispositions pour l’insertion professionnelle, la notion de “retour à l’activité” pour distribuer ici et là une activité, “aussi modeste soit-elle”, va ouvrir une extension de l’emploi dérégulé. (...) Notre groupe réaffirme sa volonté de recherche d’emploi de qualité.

- La mise en place d’un accompagnement vers l’emploi des jeunes les plus marginalisés (...) est intéressante. Notre groupe regrette cependant que la dimension du Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) correspondant à l’engagement des jeunes dans des activités d’utilité sociale soit supprimée du nouveau dispositif. Il s’interroge par ailleurs sur les moyens financiers et humains alloués qui risquent d’être insuffisants pour répondre aux objectifs fixés...

- Le projet de signature d’une convention pluriannuelle tripartite entre l’État, l’ANPE et l’UNEDIC déclinant les objectifs nationaux fixés par le comité supérieur de l’emploi m’interpelle. (...) À travers l’appel à des opérateurs privés dans le service public de l’emploi, les critères de rentabilité risquent d’être pris en compte, ce qui entraînerait des sélections visant à pénalisant les personnes les plus éloignées de l’emploi. (...) Nous réaffirmons que le principe de l’obligation de gratuité des services aux demandeurs d’emploi est essentiel.

“Contrat miracle” peu adapté

- Le remplacement des Contrat emploi solidarité (CES) et Contrat emploi consolidé (CEC) par un Contrat unique d’accompagnement dans l’emploi (CAE) pourrait simplifier les choses (...). En revanche, s’agissant du Contrat unique marchand (CUM) , les actions d’orientation et de formation (dont la rémunération apparaît indispensable) devraient, comme dans le cas du CAE, être obligatoires.

- Plus généralement, la question décisive de l’accompagnement renforcé et durable des adultes de plus de 25 ans vers la qualification et l’emploi demeure entièrement posée.

Le Contrat d’activité (assorti d’une formation qui doit également être rémunérée) ne saurait devenir un passage obligé pour l’ensemble des allocataires de certains minima sociaux, pour lesquels l’accès à un CUM apparaîtrait plus adapté. Il en est de même du contrat d’insertion du Revenu minimum d’activité (CI-RMA). Afin d’inciter les intéressés à la reprise du travail, la mise en place d’une allocation compensatrice de revenu décroissante par rapport au salaire et s’annulant au niveau du SMIC mensuel pourrait être envisagée. (...)

Quelle gestion des Maisons de l’Emploi ?

- Concernant la création (ou labellisation) de 300 Maisons de l’Emploi des précisions sont nécessaires. Combien pour la Réunion ?
Le regroupement au sein des Maisons de l’Emploi de tous les acteurs devrait favoriser leur développement. Les plus en difficulté manquent en effet aujourd’hui d’un point d’entrée bien identifié. (...
Il faudra cependant s’assurer :

- que les formations déclenchées par la Maison de l’Emploi à partir des besoins identifiés sur le bassin d’emploi ne se limitent pas aux formations professionnelles, mais prennent en compte qu’il est possible pour certains adultes de se remettre à niveau sur les savoirs de base.

- Que les partenaires sociaux, acteurs incontournables de l’accès des moins qualifiés à un emploi stable, aient toute leur place au sein des Maisons de l’Emploi. (...)

Les Maisons de l’Emploi ne doivent pas être seulement le lieu de mise en œuvre de mesures prédéfinies mais aussi un lieu d’initiative, un support (...) au développement de projets pour l’accès à la qualification et à l’emploi des moins qualifiés.
En même temps, les textes actuels du ministre ne précisent pas la gestion de ces Maisons et le rôle que joueront les acteurs sociaux. (...)

Logement : le flou

Le plan fixe des objectifs (...) de production de logements locatifs sociaux. Cependant, ils ne permettront pas de compenser les retards accumulés depuis des décennies.
Il manque non seulement d’ambition pour une politique du logement audacieuse mais aussi de lisibilité sur le niveau et la nature des financements prévus, singulièrement par l’État qui est le garant du droit au logement. (...) La priorité d’accès au logement social prévue devrait libérer 10.000 places. Combien à la Réunion ? (...)
Développer les structures d’accueil et l’hébergement d’urgence, certes indispensables, ne peut être érigé en politique de substitution de logements de qualité. C’est pourtant l’impression forte que laisse le plan (...). Nous proposons de créer un grand service public de l’habitat, adossé à un pôle public de financement, organisant les partenariats entre les pouvoirs publics, le mouvement HLM, les partenaires sociaux et les habitants".


"Insuffisant pour combattre les inégalités"

Dans son intervention, Graziella Leveneur a apporté un éclairage sur la méthode gouvernementale de lutte contre les inégalités.

"Ce troisième pilier du plan de cohésion sociale (l’égalité des chances - NDLR) est très nettement insuffisant pour combattre les inégalités.
Les inégalités sociales n’ont en aucun cas un caractère conjoncturel.
Notre groupe réfute la notion d’égalités des chances qui renvoie au mérite individuel, à l’aptitude personnelle, aux capacités, à la chance. (...)
Les mesures prévues pour l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ne suffiront à l’évidence pas (...). À cet égard, la formule de l’"ingénierie familiale intégrée" risque de cantonner les femmes dans les activités domestiques traditionnelles.
Les propositions formulées dans le plan de cohésion sociale ne permettront pas de lutter contre l’échec scolaire et la déscolarisation. (...)
Rien ne se réglera en gérant l’échec scolaire par la création de classes d’initiations pré-professionnelles et de classes de préapprentissage, ni par la création d’internats de réussite éducative sensés régler des problèmes de comportements. (...)
Notre groupe s’interroge sur le lien et l’articulation entre la loi de cohésion sociale et la la future loi d’orientation sur l’école et le plans régional de lutte contre l’illettrisme. (...)
En ce qui concerne l’égalité des chances entre territoires, (...) le plan prévoit de redéployer la DSU (dotation de solidarité urbaine), (mais déjà faut-il que la ville en bénéficie !) ce ne sont pas des moyens supplémentaires, mais une partie de la DGF (dotation globale de fonctionnement) destinée à l’intercommunalité serait désormais affectée à la DSU".


An plis ke sa

Dans le dos de la communauté éducative
Le texte proposé par le gouvernement comprend plusieurs mesures concernant l’enseignement. Il évoque des classes pré-professionnelles qui vont se traduire par une orientation précoce, des “classes de réussite”. Or, précise Graziella Leveneur, en novembre est prévu le compte-rendu du débat sur l’école et la loi d’orientation doit être discutée l’an prochain. Une nouvelle fois, le gouvernement veut passer en force, sans attendre le résultat de la concertation. Dans de telles conditions, "comment peut-on adopter de telles mesures ? Il fallait attendre", déplore la conseillère générale de l’Alliance.

Contrat d’avenir : un nouveau “contrat miracle”
Depuis 2002, la politique du gouvernement en matière de contrats dits “aidés” n’est guère brillante. Il a supprimé les emplois-jeunes, prétendant les remplacer par le CIVIS, il veut réformer le RMI en annonçant le RMA. Or, alors qu’à La Réunion plusieurs milliers d’emplois-jeunes avaient été créés, le CIVIS et le RMA ne marchent pas du tout. Mais le gouvernement persiste et ressort du chapeau un nouveau “contrat miracle”, c’est le contrat d’avenir. Réglera-t-il tous les problèmes ? On peut en douter.


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