La mobilisation s’amplifie après le refus du gouvernement d’écouter la Guyane

Plus de 10.000 personnes rassemblées devant le Centre spatial guyanais

5 avril 2017, par Manuel Marchal

Les Guyanais ont apporté hier une réponse éclatante au rejet de leurs revendications par le gouvernement. Une manifestation d’une ampleur inégalée pour le pays a visé le Centre spatial guyanais (CSG), infrastructure stratégique pour l’Union européenne. Peu après 9 heures du matin, 10.000 personnes étaient déjà rassemblées à Kourou et ont commencé à marcher en direction du CSG. Rassemblés dans l’unité, les Guyanais ont amplifié le mouvement commencé voici plus de deux semaines à l’occasion de la venue de Ségolène Royal. Le gouvernement ne propose toujours pas de solution.

Avocats et 500 frères à la tête de la manifestation hier à Kourou.

Depuis plus de deux semaines, les Guyanais sont mobilisés pour faire entendre leurs revendications. Hier, au 9e jour de grève générale, ils ont répondu aux propositions issues de la réunion ministérielle extraordinaire tenue la veille à Paris. Le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, avait ainsi déclaré qu’il n’était pas question d’aller au-delà d’un plan d’urgence d’un peu plus d’un milliard d’euros, dernière proposition d’Ericka Bareigts aux représentants des Guyanais au bout de plusieurs jours de négociation.

Aide d’urgence estimée à 3 milliards d’euros

Après cette annonce, le collectif « Pou La Guyane Dekolé » et les élus se sont rencontrés. Les discussions ont duré une partie de la nuit. À l’issue de cette rencontre, « un nouveau cahier de revendication, chiffré a été rédigé conjointement afin d’être envoyé au Premier ministre », précise Guyane Première, « collectifs, maires, parlementaires et la Collectivité territoriale de Guyane demandent donc 2,112 milliards d’euros supplémentaires, à rajouter l’enveloppe d’urgence de 1,085 milliards déjà concédée par le Premier ministre Bernard Cazeneuve. Ce qui fait monter le montant total de l’aide réclamée à plus de 3 milliards d’euros ».

Et d’appeler pour ce mardi à un rassemblement au rond-point de Carapa situé à un kilomètre du Centre spatial guyanais, avec comme objectif de rencontrer la direction du CSG, port spatial de l’Union européenne. Le CSG est une richesse qui n’apporte que relativement peu de retombées à la Guyane alors qu’il permet à l’Union européenne d’être une des premières puissances spatiales du monde. La proximité de l’équateur réduit en effet la consommation en carburant nécessaire à la mise sur orbite des satellites, ce qui a fait du lanceur Ariane d’être le numéro 1 mondial, et permet à la France de louer des installations à la Russie pour faire décoller des fusées.

Elus, avocats et amérindiens en tête

L’objectif du rassemblement a été atteint, avec une mobilisation au moins aussi forte que la semaine dernière quand 10.000 personnes avaient manifesté en direction de la préfecture située à Cayenne. Cette manifestation avait alors été qualifiée de plus importante jamais organisée en Guyane.

Hier, les marcheurs ont rendu hommage à Martin Luther King, 49 ans jour pour jour après sa disparition, et à Nelson Mandela. Une statue représentant un poing levé a également fait son apparition. Elus, avocats, amérindiens et 500 frères en tête, une foule impressionnante habillée de noir et déterminée a envahi la route menant à la base de lancement des satellites. La tête de la manifestation est allée jusqu’à la barrière tenue par les gendarmes mobiles, marquant l’entrée du centre, pendant que les manifestants se concentraient au rond point situé à un kilomètre pour débuter un sit-in. Cette puissante mobilisation a permis d’obtenir une rencontre avec la direction du Centre spatial guyanais. Un échange à la barrière a débouché sur la constitution d’une délégation d’une quarantaine de personnes autorisée à entrer dans le CSG, accompagnée par des journalistes. Le but était de demander à la direction du CSG de peser de tout son poids pour que les revendications des Guyanais soient entendues.

« Vous êtes à l’intérieur de nos terres »

La réunion s’est tenue en présence de représentants de la Préfecture de Guyane. Lors des échanges, les Guyanais ont rappelé leurs attentes. « Vos fusées décollent mais notre Guyane reste au sol. Vous nous dîtes que le CSG que vous dirigez est un bien de la République. Nous vous répondons que nous sommes la République. Donc votre bien est notre bien. Vous êtes à l’intérieur de nos terres. Pour protéger votre structure, vous videz nos villes de forces de l’ordre déjà insuffisantes. Alors, aujourd’hui, nous sommes venus lancer un appel. Votre voix est très bien entendue à l’oreille des plus hautes autorités françaises », a alors déclaré Manuel Jean-Baptiste du collectif « Les Iguanes de l’Ouest », cité par Guyane Première, lors de la rencontre avec le directeur du CSG.

À la fin de la rencontre, une trentaine de membres de la délégation ont spontanément refusé de quitter le centre spatial. Parmi eux se trouvent des élus : le sénateur Antoine Karam, le député Gabriel Serville et Rodolphe Alexandre, président de la Collectivité territoriale de Guyane. Ils ne bougeront pas tant qu’ils n’auront pas de réponse du gouvernement aux revendications du mouvement social guyanais. Une demi-heure après la fin de la réunion, les 500 frères ont demandé à l’ensemble des manifestants faisant un sit-in au rond point de la Carapa de se rassembler devant la grille du Centre spatial guyanais.

Au lendemain du conseil interministériel extraordinaire débouchant sur le rejet des revendications guyanaises, la mobilisation s’est amplifiée. Le mouvement social s’intensifie, prêt à mener la lutte jusqu’à ce que le gouvernement prenne en compte les revendications des Guyanais : respect, sécurité et responsabilité.

M.M.

A la Une de l’actuResponsabilitéPrésidentielle 2017

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus