Le Réseau d’Alerte sur les Inégalités et le bilan des gouvernements Raffarin - 6 -

Politique du logement : privatisation et dérégulation du logement social

3 janvier 2005

Comme nous l’avons vu depuis lundi dernier dans “Témoignages”, le Réseau d’Alerte sur les Inégalités (R.A.I.) démontre point par point l’aggravation des inégalités sociales en France et Outre-mer par la politique des divers gouvernements Raffarin. Après avoir examiné les différents aspects et méfaits de cette politique dans le domaine des droits sociaux, de l’emploi, de la fiscalité et des immigrés, nous allons voir aujourd’hui ce qu’il en est dans le secteur de l’habitat social. Un secteur qui connaît malheureusement une grave crise à La Réunion.

(Page 3)

Dans un contexte de recrudescence de la crise du logement pour les ménages modestes (flambée des loyers, augmentation du nombre des expulsions, réduction de l’offre de logements, accentuation des démolitions, résurgence des bidonvilles...), le gouvernement met en œuvre des politiques aggravantes.
Réduisant les budgets consacrés aux dépenses sociales du logement, tout en servant les intérêts des couches sociales aisées, le gouvernement entreprend de déréglementer le logement social, de réduire les allocations logement, les aides aux impayés de loyer....

Un catalogue de mesures régressives ou de poudre aux yeux

o Le Gouvernement poursuit la dévalorisation des aides personnelles au logement en 2002, 2003 et 2004 (1 milliard d’euros d’économie), malgré la hausse généralisée des loyers et l’opposition du Conseil National de l’Habitat (regroupant les acteurs du logement). Cette décision ne peut qu’entraîner un accroissement des impayés. Les aides au Fonds de solidarité logement qui doivent prévenir les expulsions pour impayé de loyer sont aussi en baisse pour 2004.
o La production de logements destinés aux ménages modestes est en baisse. En 2001, 49.000 logements sociaux de types PLA et “très social” ont été financés ; en 2002, environ 45.000 ont été produits et seulement 41.000 ont été budgétés pour 2003. Depuis le début des années 50, le pays n’en a jamais aussi peu produit. (1)
o Les expulsions locatives sont en hausse depuis 2000, à tel point que Jean-Louis Borloo a annoncé en mai 2004 son intention de réduire les expulsions pour impayés de loyer dans les HLM (environ 20% des expulsions). Mais les mesures annoncées ne sont pas toujours effectives sur le terrain.
o Le Gouvernement entend relancer le locatif privé et il dépense davantage pour accorder des crédits d’impôts aux hauts contribuables que des aides à la production de logements sociaux. L’amortissement de Robien est désormais ouvert aux investisseurs riches qui achètent un bien immobilier pour le louer à leurs enfants ou leurs parents.
o La loi Sarkozy a criminalisé les gens du voyage et les habitants des bidonvilles, qui, par nature, ne sont pas des occupants légaux. Cette mesure traduit une politique répressive plutôt que préventive, tandis que les besoins non satisfaits progressent.

Une politique du logement explosive

La politique du logement s’apparente plus à une dérégulation qu’à une construction. Une Loi Borloo adoptée en 2003 prévoit le financement de 40.000 démolitions de HLM (habitations à loyer modéré) chaque année, et autant pour les réhabilitations (ce qui en réduit le nombre de moitié). Les logements démolis sont les logements HLM les moins chers, qui logent des ménages modestes. Aucune contrainte n’existe en ce qui concerne la qualité des relogements dont doivent bénéficier les locataires, ce qui autorise les bailleurs à les reloger dans des cités encore plus périphériques ou dans la barre voisine qui sera démolie un peu plus tard dans des explosions à grand spectacle.
Les crédits de démolition (même montant que pour une réhabilitation) sont maintenant financés par le 1% patronal consacré au logement. La mise en œuvre est facilitée car l’accord préalable du Préfet a disparu.
Le logement social est quant à lui l’objet d’un traitement libéral accéléré : Jean-Louis Borloo a permis le retour de l’actionnaire majoritaire dans le secteur des SA HLM, qui concerne la moitié du parc HLM. Ainsi, le MEDEF prend le contrôle de près de la moitié des organismes (par le biais du 1% patronal), et les grandes sociétés se partagent le reste. Certains syndicats espèrent (encore) obtenir un peu plus que des strapontins aux Conseils d’administration des SA HLM ....

Remise en cause de la mixité sociale

Une mesure intégrée en amendement dans la loi de décentralisation met en place “le conventionnement global de patrimoine” : chaque bailleur classe son patrimoine par catégorie, en fonction de la qualité de l’emplacement et autres critères non définis. Il fixe de nouveaux loyers, sans dépasser la masse des loyers en vigueur lors de la première convention. S’il monte les loyers dans un programme, il doit les baisser dans un autre, sauf lorsque des “travaux d’amélioration” ont été effectués, ou lorsque le bailleur est déficitaire.
Cette disposition revient à renforcer la spécialisation sociale dans chaque immeuble, en contradiction avec la notion de mixité sociale. Elle revient à faire peser les coûts de réhabilitation lourdes (prises en charge jusque là par l’Etat) sur les quittances de loyer, ainsi que les erreurs de gestion.
Elle aura pour conséquences lourdes d’évincer les plus modestes des logements où les hausses seront importantes : logements bien classés et ceux ayant fait l’objet de travaux d’amélioration.

Les ménages pauvres perdants

L’État trouve dans ce dispositif un moyen efficace de faire des économies sur les réhabilitations, les aides globales au logement social (baisse des taux d’intérêts, allongement des prêts, aides directes...), et les allocations logement, car lorsque les loyers baissent, les allocations baissent ; ce qui n’est pas le cas dans le sens inverse.
La même loi prévoit de déléguer les financements du logement aux collectivités territoriales et leur laisse arbitrer l’implantation de telle ou telle catégorie de logement social et des démolitions de HLM. Les ménages pauvres seront sans doute les perdants.
Les maires, par l’intermédiaire des communautés d’agglomération, héritent du “contingent préfectoral” (25% des attributions de HLM), qui lorsqu’il est employé, notamment en Ile de France, permet de loger les immigrés et les plus modestes. L’arbitraire et le clientélisme font un retour remarquable.

(à suivre)

(1) Voir “Témoignages” du 22 novembre 2004 sur les chiffres réunionnais de cette crise et les numéros de “Témoignages” des 15, 16, 18, 21, 22 et 23 décembre 2004.


Des annonces inquiétantes

La privatisation gangrène les têtes d’un grand nombre de nos technocrates, qui ne cessent de démanteler les instruments de politiques économiques publiques. Gérée par la Caisse d’épargne et la Poste, la collecte du livret A, centralisée par la Caisse des Dépôts permet de financer le logement social.
À l’heure actuelle, 42 millions d’individus possèdent un livret A et 9 millions de personnes sont logées en HLM. 
Dans des déclarations datant de janvier, Francis Mer et Jean Arthuis estiment, l’un que l’épargne populaire est "stérile", l’autre que la gestion publique "n’est plus opportune", et d’en déduire qu’il faut privatiser les organismes financiers publics et réorienter l’épargne dans le financement des entreprises et la création d’une épargne-retraite. Le logement social pourrait donc être remis entre les mains des banques privées.
Après avoir depuis 20 ans laissé les lois du marché fixer les loyers dans le privé, soit 30% des résidences principales, le logement social est directement visé, menaçant de jeter ou de laisser sur le pavé les ménages les plus modestes.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année

La pès kabo

5 juillet, par Christian Fontaine

Kan i ariv Novanm-Désanm-Zanvié, domoun i réziste pi ek la salèr. Zène-zan i mars dann somin, zène-fi i roul an dékolté ; sétaki i rod in manir po (…)


+ Lus