Commémoration du 10 mai

Pour réparer les inégalités liées à l’histoire, soutenez l’Appel de l’Ermitage

10 mai 2013, par Manuel Marchal

Aujourd’hui a lieu à l’Ermitage, la troisième réunion du comité de l’appel de l’Ermitage. Cette réunion rappelle que l’abolition de l’esclavage, puis de la colonie, n’ont pas réglé le problème de la grande pauvreté. Or, une grande partie des Réunionnais touchés par ce fléau sont des descendants d’esclave.

C’est aujourd’hui que la France célèbre la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. Proposée par Comité pour la mémoire de l’esclavage puis acceptée par le président de la République en 2006, cette date fait référence à l’adoption définitive et à l’unanimité de la loi tendant à reconnaître l’esclavage et la traite en tant que crimes contre l’humanité.

Le 10 mai s’inscrit dans une démarche qui a fait évoluer la France. Que de chemin parcouru en effet depuis l’époque où la France avait légalisé l’esclavage, c’était le Code noir de 1685. Le 10 mai 2001, l’esclavage a été reconnu par la France en tant que crime contre l’humanité, à la suite de la mobilisation des Outre-mer relayée par leurs parlementaires.

Une moitié sous le seuil de pauvreté

À La Réunion, l’esclavage prit fin le 20 décembre 1848. L’autre grande date de notre histoire, c’est le 19 mars 1946. Une revendication portée par les Réunionnais demande l’abolition du statut colonial pour lutter contre la grande pauvreté.

Aujourd’hui, des progrès importants ont été accomplis depuis le 19 mars. Grâce à l’égalité obtenue par un demi-siècle de luttes, les plus pauvres sont actuellement préservés de la famine, de la mortalité infantile de masse, des maladies liées à la malnutrition notamment. Mais il reste toujours une moitié de la population en dessous du seuil de pauvreté. Son reste à vivre, une fois payées toutes les factures, dépasse rarement 5 euros par jour. C’est dans ces 5 euros qu’il faut puiser pour payer sa nourriture, son gaz et ses déplacements. Autant dire que pour la culture et l’accès à la connaissance, il ne reste rien. Et ce reste à vivre n’est même pas suffisant pour assurer la nourriture pour un mois entier. C’est ce que rappelle le nombre de familles dépendant de l’aide alimentaire à La Réunion : plus de 30.000.

La réparation n’a pas eu lieu

Force est de constater que parmi les pauvres, beaucoup sont des descendants d’esclave. C’est bien la preuve que la réparation n’a pas eu lieu. C’est la persistance dans notre société d’une inégalité liée à l’histoire. Le 18 décembre 2012, à l’initiative de la section PCR de Saint-Paul, une rencontre a eu lieu à l’Ermitage. Des personnes touchées par la grande pauvreté ont pu témoigner de leurs conditions de vie. Elles ont décidé de lancer un appel pour l’abolition de la grande pauvreté à La Réunion en 2015. C’est en effet à cette date que la France, conformément à son engagement, devra avoir appliqué les Objectifs du millénaire du développement, qui exigent en particulier l’éradication de la pauvreté. L’appel demande notamment la garantie d’un reste à vivre de 10 euros par jour, soit 300 euros par mois.

Le 19 mars 2013, une délégation du Comité de l’appel de l’Ermitage a adressé une lettre au président de la République, remise ce jour-là au préfet.

Aujourd’hui, ce sera la troisième réunion du Comité de l’appel de l’Ermitage.

M.M. 

Du Code noir au 10 mai

-- 1685 : promulgation du Code noir : la France légalise et codifie l’esclavage.

-- 1724 : un Code noir s’applique à Maurice et à La Réunion, appelées alors île de France et île Bourbon.

-- 1789 : l’abolition de l’esclavage ne s’applique qu’en France et pas dans les colonies.

-- 1794 : la Convention décrète l’abolition de l’esclavage dans les colonies. Cela ne sera pas effectif à La Réunion.

-- 1802 : Bonaparte, mis au pouvoir après un coup d’État, rétablit l’esclavage.

-- 1815 : huit pays européens, dont la France, interdisent officiellement la traite.

-- 1848 : la loi du 27 avril abolit définitivement l’esclavage. Elle sera appliquée le 20 décembre 1848 à La Réunion, qui ne s’appellera plus jamais Bourbon.

-- 19 mars 1946 : le statut colonial est aboli à La Réunion. Les descendants d’esclaves et d’esclavagistes deviennent en droit les égaux des citoyens français.

-- 30 juin 1983 : une loi légalise le 20 décembre.

-- 22 décembre 1998 : dépôt de la proposition de loi "tendant à la reconnaissance de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité", et prévoyant la question de la réparation.

-- 10 mai 2001 : adoption définitive de la loi "tendant à la reconnaissance de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité", sans que la question de la réparation n’apparaisse dans le texte.

-- Janvier 2004 : création du Comité pour la mémoire de l’esclavage qui deviendra le Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage. Présidé successivement par Maryse Condé et Françoise Vergès, ce comité avait pour mission de proposer au chef de l’État une date annuelle de commémoration de l’abolition de l’esclavage en France.

-- 20 janvier 2006 : le 10 mai devient officiellement la date de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions.

Elle fait l’objet d’une commémoration nationale, à laquelle participe le président de la République.
Le CRAN va assigner en justice la Caisse des Dépôts

Selon La1ere.fr, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) va assigner aujourd’hui en justice la Caisse des Dépôts et Consignations. Le CRAN estime que la CDC a bénéficié de l’esclavage. C’est elle qui a perçu la rançon imposée à Haïti pour son indépendance, dit le président du CRAN.

« Les réparations sont le véritable enjeu de ce 10 mai 2013 », souligne un communiqué du CRAN.  « Sollicité par le CRAN et par une délégation associative le 8 octobre 2012, Jean-Marc Ayrault s’était engagé à mettre en place une politique de réparation, dont le contenu devait être précisé à l’occasion d’une réunion interministérielle, qui devait se tenir avant le 8 novembre 2012. »

« Malheureusement, depuis lors, Matignon a refusé tout dialogue sur ce sujet. En outre, le premier ministre a refusé de soutenir une enquête qui aurait permis de retracer les flux financiers issus de la traite négrière », déplore l’organisation, citée par La1ere.fr.
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