Contribution de Paul Vergès aux États généraux de la Démocratie territoriale

Pour une nouvelle assemblée élue à la proportionnelle intégrale avec le respect de la parité

5 octobre 2012

Nous reproduisons ci-après le résumé de la contribution de Paul Vergès, Sénateur de La Réunion, aux États généraux de la Démocratie territoriale organisés hier et aujourd’hui au Sénat à Paris. Le sénateur propose une collectivité territoriale unique se substituant à la Région et au Département.

Pour une nouvelle assemblée élue à la proportionnelle intégrale avec le respect de la parité

« Les États généraux de la Démocratie territoriale concernent l’ensemble du territoire français. C’est-à-dire un ensemble extrêmement hétérogène.

En ce qui concerne La Réunion, nous devons tenir compte de plusieurs facteurs :

- L’Histoire de La Réunion ;

- Son implantation dans un environnement géographique en pleine évolution ;

- Son avenir, à travers les axes démographique, économique, social, environnemental, etc., et ainsi avoir une vision sur le long terme.

Concernant l’histoire de La Réunion

Terre inhabitée avant sa colonisation par la France, La Réunion a accueilli une population venant d’horizons différents (Europe, Afrique, Inde, Chine, etc.). Une caractéristique qui la différencie des autres collectivités ou Départements d’Outre-mer, et encore plus de la France continentale.

Depuis trois siècles qu’elle existe, La Réunion a toujours vécu directement sous l’administration territoriale de la France. Que ce soit au moment de l’esclavage ou à celui de « l’engagisme », La Réunion a subi une politique d’assimilation sur tous les plans — économique, social, politique et culturel, même si la population a développé des résistances à cette politique.

Cela explique que la volonté d’émancipation du régime colonial s’est traduite par un souhait d’être intégrée à la France surtout pour des aspects d’égalité sociale ; ce qui a conduit à la loi de 1946.

Ce passage du statut colonial à celui de département a provoqué un bouleversement profond de la société réunionnaise, de son économie, avec le déclin du secteur primaire (une monoculture reposant sur la canne à sucre) et l’essor du secteur tertiaire, particulièrement la fonction publique et les services.

La disparition de l’empire colonial français a également influencé le développement de La Réunion.

Les liens commerciaux avec les territoires coloniaux voisins se sont distendus pour s’établir essentiellement avec la France.

Ce centralisme étatique est particulièrement visible dans la question des revenus du secteur public comme du secteur social, l’État ayant décidé d’appliquer à l’ensemble de ses agents les avantages accordés à son personnel de direction du temps de la colonie.

La conséquence a été un transfert croissant du flux financier public créant les conditions du marché et l’apparition de situations de monopoles.

Dans le même temps, une partie croissante de la population réunionnaise n’a pas pu prétendre à un emploi et perçoit les minima sociaux. Or, l’État, distributeur de ces allocations, ne les a pas majorées comme il l’a fait pour le traitement de ses agents.

Concernant son environnement géographique

La Réunion est une région française, une région européenne ultrapériphérique, située dans l’océan Indien.

Ce qui signifie concrètement que La Réunion doit simultanément s’inscrire dans trois ensembles, la France, l’Europe et l’océan Indien ; ensembles qui n’ont pas des visions et des stratégies communes.

Historiquement, mais aussi géographiquement, La Réunion est proche de Madagascar et des îles voisines (Maurice, les Comores, les Seychelles), mais aussi de la Chine, de l’Inde, de l’Indonésie, des puissances qui émergent sur le plan économique, alors que les anciennes puissances comme l’Europe sont en crise.

La renégociation des Accords de Cotonou, à travers les Accords de Partenariat économique, pose les termes de nouvelles relations entre l’Europe et notamment les grandes régions du continent africain en voie d’intégration.

La Réunion est donc confrontée à un double défi : la poursuite de l’intégration nationale et européenne initiée avec la loi de 1946 et la recommandation européenne et mondiale d’une insertion dans notre environnement géographique d’Afrique orientale et australe et des îles de l’océan Indien.

C’est à nous, Réunionnais, d’inventer un nouveau système d’intégration, dans ces deux sphères apparemment contradictoires.

Concernant l’avenir de La Réunion

La Réunion comptera 1 million d’habitants à l’horizon 2025.

Aux difficultés structurelles de la crise réunionnaise s’ajoutent les problèmes de la crise économique et financière touchant la France, l’Europe et le monde. Une crise dont personne ne peut prévoir la fin.

Mais si l’on prend une échéance de court terme, la fin du mandat présidentiel, en 2017, La Réunion comptera près de 900.000 habitants.

Cinq ans plus tard, en 2022, elle accueillera près d’un million de Réunionnais. Et dans le même temps, la Chine sera la 1ère puissance économique mondiale ; l’Inde la 3ème, l’Indonésie la 6ème. Et l’Afrique du Sud sera un nouveau pays émergent. Et tous auront connu une progression démographique considérable.

Notre environnement immédiat sera différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Nous devons impérativement en tenir compte.

Dans ce contexte, il est évident que la voie à suivre, pour La Réunion, est celle du co-développement avec les îles voisines, celle de la COI (Commission de l’océan Indien).

L’élément d’une vie historique commune et de la francophonie montre que La Réunion doit mettre en avant l’une de ses forces comme donnée commune : la formation de ses jeunes et le transfert de ses expériences et compétences, que ce soit dans le domaine économique, agricole, de la communication, de la santé, ou celle, vitale, de l’énergie.

Un objectif réalisable, certes, mais qui se heurte à un fait que La Réunion connaît depuis le début de son histoire une extrême centralisation des décisions.

Une nouvelle assemblée pour un changement qualitatif

Aujourd’hui, La Réunion doit procéder à un changement qualitatif important.

En 1981, l’idée d’une assemblée unique pour « les 4 vieilles » avait été soutenue par le président de la République François Mitterrand et votée par le Parlement.

Le projet n’a pu aboutir, suite à une erreur d’interprétation du droit constitutionnel. La conséquence a été un retard de plus de 30 ans dans notre développement !

Au fil des évolutions législatives et des réformes de la Constitution, nous avons aujourd’hui la possibilité de sortir de cette contradiction que l’on nous a imposée : la création d’une Région regroupant plusieurs départements, La Réunion étant une région monodépartementale !

Sur la base de l’article 72 de la Constitution, La Réunion, à l’instar de la Martinique et de la Guyane, a la possibilité de se prononcer pour une nouvelle collectivité territoriale unique, se substituant à la Région et au Département.

Il nous faut sortir de la contradiction qui s’imposait à nous et qui était de faire introduire, par la réforme, une région rassemblant plusieurs départements.

Or, La Réunion est une région monodépartementale. C’est la contradiction évidente.

Pour La Réunion, il nous faut donc faire comme en Martinique et en Guyane, qui ont opté pour une collectivité territoriale unique.

Enfin, il nous faut désormais tenir compte de la nouvelle Région Ultrapériphérique qu’est Mayotte, tant sur plan européen que sur le plan français !

Compte tenu de l’étroitesse de notre territoire et de la modestie relative de notre population, nous émettons la proposition, telle que préconisée par François Mitterrand en 1981, d’une assemblée élue à la proportionnelle intégrale, avec, aujourd’hui, le respect de la parité.

Les raisons fondamentales évoquées en 1981 restent toujours pertinentes : étroitesse de notre territoire, prise en compte des aspects spécifiques, impératifs du développement ; elles sont à même, par l’épuisement des possibilités du cadre de région monodépartementale actuel, à répondre aux défis nouveaux.

1848 a sonné l’heure de la Liberté, 1946 a sonné celle de l’égalité. 2012 doit sonner celle de la responsabilité.

Lors de sa visite à La Réunion en avril dernier, François Hollande s’est clairement exprimé en ce sens : « Je ne crains rien au nom de la République qu’un territoire comme le vôtre veuille déterminer son avenir… l’unité de la République n’est jamais en cause quand un territoire se donne une responsabilité supplémentaire ; vous cherchez à définir votre avenir, vous le pouvez dans la République telle que je la conçois ».

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