Paul Vergès appelle au rassemblement de tous face à des échéances décisives

Pour une prise de conscience de la responsabilité

13 mai 2008, par Manuel Marchal

La nécessité de rassembler tout le monde pour faire face en même temps. C’est en substance l’appel lancé hier par Paul Vergès, président de la Région, au Conseil général et à l’Association des maires. Les 14 et 15 mai prochains, les sept régions ultrapériphériques rencontrent la Commissaire européenne à la Politique régionale accompagnée de représentants de toutes les directions générales de la Commission. Ce rendez-vous s’inscrit dans une série d’échéances à court et moyen terme : loi-programme, conférence sur le co-développement, accords de partenariats économiques, négociations du nouveau régime d’octroi de mer et du prochain règlement sucrier. Dans un contexte d’aggravation et d’accélération des événements sur le plan international, il est essentiel de ne laisser aucun problème sans solution. L’heure est à la concertation afin de déboucher vers un projet capable de rassembler le plus grand nombre dans la défense de l’intérêt général.

Proximité de rendez-vous décisifs sur fond d’aggravation de la situation internationale et d’accélération des événements ayant des répercussions à La Réunion : l’heure est au rassemblement pour une analyse partagée des forces et des faiblesses du pays afin de préparer une stratégie. Paul Vergès a lancé hier un appel au Conseil Général et aux maires afin de participer à cette action qui s’inscrit dans des échéances bien précises et rapprochées, s’échelonnant entre 2008 et 2014. Ces six années vont en effet déterminer les nouvelles relations entre La Réunion et l’Europe, ainsi que l’intégration du pays dans une économie de plus en plus globalisée, où les orientations de l’OMC dictent une ouverture des marchés.
Dans une semaine, la Région a rendez-vous à Bruxelles avec la Commissaire européenne à la Politique régionale et des représentants de toutes les directions générales de la Commission. Les 14 et 15 mai, les sept RUP seront auditionnées. C’est à partir de ce rendez-vous que l’Europe va élaborer sa stratégie pour les RUP, ce qui signifie concrètement pour La Réunion l’évolution de son partenariat avec l’Europe. En effet, l’an prochain, les élections européennes déboucheront sur la nomination d’un nouveau Parlement et d’une nouvelle Commission qui vont remettre à plat deux postes importants du budget européen : la politique régionale (fonds structurels), et la politique agricole (régime sucrier donc l’avenir de la canne). Lorsque l’on connaît l’importance pour notre île de ces programmes d’investissement et de soutien, on devine l’échéance stratégique qui se dessine pour notre pays.

De profondes remises en cause

A ce rendez-vous européen s’ajoute la discussion en urgence de la loi-programme. La Région doit se prononcer le 5 juin prochain sur ce texte. Il prévoit des mesures qui seront appliquées jusqu’en 2017. Elles seront votées avant la fin de l’année. Or, le contexte économique de la France n’est pas favorable, cela a des conséquences budgétaires.
D’ici le 31 décembre doivent également être signés les Accords de partenariat économiques (APE) entre l’Union européenne et les pays ACP. Ce qui veut dire un bouleversement des relations commerciales entre La Réunion (région de l’Union européenne) et les pays voisins (ACP). Cela signifie l’ouverture du marché réunionnais sur fond de remise en cause du régime actuel de l’octroi de mer. Il prend fin en 2014 et entre en contradiction avec la liberté de commerce inscrite dans les APE. Or, de nombreuses entreprises réunionnaises dépendent de l’octroi de mer qui leur permet d’être compétitive sur le marché réunionnais par rapport aux importations. De plus, l’octroi de mer est une source importante des recettes des 24 communes. C’est dans ce contexte que sera organisé à la Région le mois prochain un séminaire des pays de la COI sur le co-développement. Il sera important pour les Réunionnais de s’entendre sur une position commune à proposer à nos partenaires de coopération.
Toujours en lien avec l’Europe, c’est la négociation du prochain règlement sucrier (voir encadré).

Un contexte difficile

Or, ces rendez-vous ont lieu dans un contexte d’aggravation générale de la situation dans le monde, avec des impacts sur La Réunion. La situation insulaire du pays fait en effet dépendre de l’extérieur pour l’ouverture au monde. Avec la hausse des prix des matières premières, notamment le pétrole, c’est une hausse des prix généralisée.
Paul Vergès rappelle les trois facteurs structurels qui contribuent à cette aggravation : démographie, changements climatiques et mondialisation ultra-libérale.
Isolément, ils déclenchent des phénomènes inconnus. C’est par exemple un accroissement de la population mondiale de 80 millions d’habitants par an au cours des quarante prochaines années. Ce sont également une intensification des cyclones et des tornades, comme vient de le rappeler la récente tragédie en Birmanie.
Ils interagissent pour aboutir à des conséquences telles que la hausse continue du pétrole, qui flirte aujourd’hui avec les 125 dollars le baril, soit un doublement en moins d’un an. Leur combinaison conduit à la hausse spectaculaire des matières premières, qui a des répercussions dans les grands chantiers indispensables à l’avenir du pays.
Les perspectives économiques mondiales sont un ralentissement de la croissance, provoqué par une quasi-récession aux Etats-Unis, avec d’importantes répercussions en Europe. D’où un taux d’inflation plus important chez nos principaux fournisseurs de produits manufacturés.
En effet, à cela s’ajoute pour La Réunion l’héritage du passé au moment où le monde s’inscrit dans la mondialisation des échanges. Notre pays importe chaque année plus de trois millions de tonnes de marchandises, dont 65% provient d’Europe, et une grande partie du solde de Singapour sous forme de produits pétroliers. Avec la hausse de l’inflation en Europe, des prix des hydrocarbures, ainsi que celle du fret maritime, la situation s’aggrave.
Il est donc essentiel de déterminer quelles sont les marges de manoeuvre de La Réunion dans ce contexte.
L’élaboration de cette stratégie a besoin d’une analyse partagée par le plus grand nombre. En effet, tout le monde est concerné par ces rendez-vous, à tous les niveaux. « Concertons nous, ne laissons aucun problème sans solution », souligne Paul Vergès qui indique que chacun doit participer, quelle que soit sa tendance politique.
« Démontrons que nous avons pris conscience de notre responsabilité », conclut le Président de la Région.

Manuel Marchal


Régime sucrier : quel débat pour quelles propositions ?

L’actuel OCM sucre est un régime provisoire qui prévoit au final une baisse de prix de 36% en 2013. Qu’adviendra-t-il à la fin de ce régime provisoire ?
L’Europe et la France versent une compensation pour maintenir un prix fixe. Or, si ce prix n’augmente pas, les charges sont en hausse. C’est par exemple le cas des intrants (engrais...) et du coût du transport.
Cette hausse des charges nuit à la productivité. Le planteur n’a plus les moyens d’acheter suffisamment d’engrais, ce qui ne peut qu’avoir une influence négative sur le résultat de la campagne sucrière, et donc sur ses revenus liés à son travail.
Et après 2013, la logique est d’aller à la rencontre du prix du marché, c’est-à-dire les prix pratiqués par le Brésil, l’Inde ou l’Australie.
Cela amène à s’interroger. Les dernières campagnes ont-elles montré que les gains de productivité sont suffisants pour compenser la fin éventuelle des subventions ?
Cela devrait être un grand débat sur une spéculation qui concerne la moitié de la production agricole réunionnaise, constate Paul Vergès. Or, les acteurs de la profession n’évoquent pas cette échéance. Ils ne disent pas ce qu’il pourrait se passer dans cinq ans.


Conjonction de la démographie, des changements climatiques et de la mondialisation ultra-libérale

Les émeutes de la faim

La hausse des prix des produits alimentaires de première nécessité illustre la conjonction de trois facteurs structurels : la démographie, les changements climatiques et la mondialisation ultra-libérale.
L’élévation du niveau de vie dans les pays émergents amène un changement de l’alimentation. Si cela concerne 30% de la population de l’Inde et de la Chine, cela représente davantage que la population de l’Union européenne.
Les sécheresses successives en Australie illustrent l’impact des changements climatiques. Or, l’Australie est un important pays exportateur dans l’agriculture. L’intensification et la hausse de la fréquence de ce type de phénomènes va accroître les tensions sur les produits alimentaires.
Enfin, il est à noter que les fonds d’investissement se déportent sur les cultures alimentaires. Ils spéculent sur la hausse des prix pour rentabiliser la mise de leurs actionnaires.
Ces trois facteurs se conjuguent pour tirer les prix vers le haut. Il ne suffit alors que d’une étincelle pour déclencher les émeutes de la faim.


Déchets et assainissement : l’urgence

La Réunion produit chaque année plus de 470.000 tonnes de déchets, c’est largement plus que la production sucrière. Comment traiter ce problème ?
Paul Vergès rappelle que la commune de Naples a été sanctionnée par l’Union européenne parce qu’elle ne l’a pas réglé. La balle est dans le camp des autorités compétentes, notamment les mairies et les intercommunalités. Si plus personne ne veut plus, avec raison, d’un incinérateur, quelle solution proposer dès maintenant ?
Même question pour l’assainissement. Les communes réunionnaises risquent d’être sous le coup d’importantes amendes si elles ne se mettent pas en conformité avec les normes européennes. Le chantier est considérable, comment le mener à bien ?
Ces deux dossiers démontrent l’importance de rechercher un partenariat entre tous les acteurs concernés afin de proposer rapidement une solution respectant les compétences de chacun. Là aussi, l’heure de la concertation a sonné, pour proposer un projet capable d’apporter une réponse aux attentes de la population et à la réglementation européenne.

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