La violence institutionnelle en pratique

Pourquoi acter la création du GIP GERRI à la Technopole ?

17 juillet 2009, par Manuel Marchal

Le choix d’acter la création du GIP GERRI à la Technopole plutôt qu’à la Région amène à se demander s’il ne s’agissait pas de créer les conditions pour rendre possible le blocus de la Région durant toute la durée du séjour du Premier ministre à La Réunion.

Dans ses précédentes éditions ("Témoignages" des 13, 15 et 16 juillet), "Témoignages" avait expliqué que le choix des rendez-vous proposés au Premier ministre lors de sa visite à La Réunion avait été élaboré dans un esprit sectaire et partisan.
Tout le monde a encore en mémoire le piège constitué par l’attaque contre les collectivités glissée dans le discours proposé au Premier ministre venu inaugurer la route des Tamarins ("Témoignages" du 13 juillet) et que ce dernier a réussi à déjouer, puis la fausse information que certains ont cru bon de faire endosser publiquement par François Fillon au Tampon sur le nombre des participants, quitte à prendre le risque de le ridiculiser ("Témoignages" du 15 juillet). Derrière ce programme sectaire et ces tentatives répétées de manipulation transparaît une rancœur, celle d’un piètre stratège qui voit tous ses plans échouer ("Témoignages" du 16 juillet).

Un remake de novembre ?

Tous les observateurs ont pu constater que le Conseil général et la Région ont été exclus du programme de François Fillon. Était-ce un oubli ou une brique dans une stratégie ?
Un fait saute aux yeux dès jeudi matin, c’est qu’au moment où François Fillon pose le pied à La Réunion, tout est prêt pour organiser le blocus de la Région.
En effet, contrairement aux règles de courtoisie républicaine jusqu’ici en usage, la rencontre avec les présidents de collectivités n’a pas été prévue dans le programme de la visite de François Fillon. La voie est libre pour quelques transporteurs menés par Joël Mongin. Et bien qu’ils aient déjà fait ce coup de force en novembre dernier, rien n’est fait pour les empêcher de bloquer la Région.
À ce moment-là, des éléments troublants prennent un nouveau relief. C’est la révélation dans la presse de ce jeudi matin qu’un hélicoptère pourrait être utilisé pour les déplacements de François Fillon (voir encadré). Cette information se confirme sur le lieu de l’inauguration de la route des Tamarins. Une partie du parking est en effet aménagée comme un héliport. Cette précaution n’est pas innocente. Elle signifie que dans l’esprit de certains, les forces de police auraient été dans l’incapacité de faire dégager quelques camions bloquant les routes. Cette précaution signifiait-elle qu’a fortiori, les policiers auraient été dans l’incapacité d’empêcher ou de faire cesser le blocus de la Région ? Sommes-nous passés près d’un remake des événements de novembre dernier, où le laisser-faire de l’autorité chargée du respect de l’ordre public a permis à quelques transporteurs de remettre en cause pendant plus de 48 heures la démocratie à La Réunion, en bloquant dans l’impunité la plus totale le Conseil régional, une institution qui est l’émanation du suffrage universel ?
La suite du programme amène en effet sérieusement à s’interroger sur cette éventualité.

Le discours que refusent les sectaires

Car le lendemain, vendredi 10 juillet, le Premier ministre signe l’acte de naissance du GIP GERRI. Quelques jours auparavant, la Région a annoncé sa participation à ce GIP qui « intervient en complémentarité avec les instruments existants ». À Paris, dans les plus hautes sphères de l’État, la politique régionale en matière de développement durable a toujours été saluée, Jean-Louis Borloo allant même jusqu’à affirmer que « La Réunion a un siècle d’avance ».
Il eut été donc logique que la naissance du GIP GERRI soit actée au Conseil régional, collectivité compétente dans le secteur des énergies renouvelables. Car cet instrument est une illustration du partenariat institutionnel entre les collectivités et l’État notamment. Souvenons-nous que lorsque Nicolas Sarkozy, en tant que ministre de l’Aménagement du territoire, a contre-signé le Protocole de Matignon, la cérémonie s’était déroulée à la Région, et pas ailleurs.
Mais concernant GERRI, la signature s’est déroulée à la Technopole, et pas à la Région. À la lumière des événements de la veille, ce choix soulève des questions. La délocalisation à la Technopole de la création du GIP GERRI était-elle une précaution au cas où la Région aurait encore été assiégée par des transporteurs ? Ce qui amène à se demander si le sectarisme aurait pu conduire à souhaiter un blocus permanent de la Région durant tout le séjour de François Fillon, afin de braquer toute l’attention des médias sur cette action et de rendre marginaux les propos que le Premier ministre allait tenir ? Car tout le monde a pu constater que dans son discours, François Fillon a mis en exergue des résultats incontestables de la réussite de la politique régionale en matière de développement durable (voir encadré). C’est sans doute cela que les sectaires ne voulaient pas entendre.

(à suivre)

Manuel Marchal


« Les Réunionnais peuvent être fiers de cet exemple qu’ils offrent à la France »

Voici quelques extraits du discours prononcé par François Fillon lors de la création du GIP GERRI. Est-ce cela que les sectaires n’auraient pas voulu entendre de la part du chef du gouvernement ?

« En plaçant le développement durable au cœur de sa stratégie de développement, en choisissant de l’organiser comme un véritable projet de société, en misant sur l’intelligence et sur l’innovation, La Réunion a fait le choix de l’avenir et de la modernité. Et je crois que les Réunionnais peuvent être fiers de cet exemple qu’ils offrent à la France ». (…)

« Aujourd’hui, votre ambition c’est faire de la Réunion le premier territoire au monde d’intégration et de convergence des énergies renouvelables et du développement durable. Avec le projet GERRI, vous développez l’une des pistes les plus prometteuses du Grenelle de l’Environnement, que nous avons voulu, que nous avons réussi, et qui fait aujourd’hui de la France un des pays les plus avancés dans sa réflexion et dans la mise en œuvre de son projet de développement durable.
Depuis des années, de nombreuses initiatives de préfiguration, certaines publiques, d’autres privées, étaient menées localement, dans des domaines aussi variés que l’hydroélectricité, l’électricité produite à partir de la bagasse, les fermes éoliennes, les structures photovoltaïques, les chauffe-eau solaires, les collèges et lycées “Haute qualité environnementale”. Vous avez su saisir l’opportunité du Grenelle pour valoriser ces actions, et les amplifier dans un vrai projet de société, complet et cohérent ». (…)

« La Réunion est aujourd’hui le lieu d’un véritable foisonnement d’idées, sur lesquelles se rejoignent les élus et les industriels, pour écrire notre avenir commun. Je veux vous confirmer que le Gouvernement souhaite soutenir et accompagner ce mouvement ». (…)


Pourquoi un héliport à Plateau-Caillou ?

« L’occupation des ronds-points par les camionneurs, transporteurs et autres professionnels de la route ne rassure qu’à moitié le Préfet Maccioni. Si les promesses de ne pas occuper la chaussée venaient à ne pas être tenues… ». Voici ce qu’écrivait "Le Quotidien" du 9 juillet lorsqu’il rendait compte de la possibilité que le Premier ministre soit transporté par hélicoptère en cas de blocage. Tous les observateurs présents à Plateau-Caillou ont pu constater qu’un emplacement avait été réservé à l’atterrissage éventuel d’un hélicoptère. Cette alternative de transport par la voie aérienne signifie-t-elle qu’en cas de blocage des routes par quelques camions, l’autorité chargée du respect de l’ordre public aurait été dans l’impossibilité de faire respecter la libre-circulation, comme en novembre dernier ?

Energies renouvelablesFrançois Fillon

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