Pourquoi ils cassent

31 mai 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

Dans notre pays, l’opposition au changement et à la relance par les grands travaux va bien au-delà de la critique économique ou comptable. Elle prend la forme d’une véritable phobie politique, qu’on retrouve aussi bien dans l’UMP de Didier Robert que dans les prises de positions de Michel Vergoz. Conséquence : La Réunion est la seule Région de France où l’on fait campagne pour refuser des crédits et supprimer des grandes réalisations technologiques, culturelles et architecturales. Incompréhensibles en apparence, ces attitudes trouvent leur origine dans l’histoire longue de notre pays.

A peine devenu maire, Didier Robert avait purement et simplement supprimé le grand ouvrage de la Rocade du Tampon. Cet investissement considérable - 100 millions d’euros - visait à soulager la population et l’économie tamponnaises, prisonnières d’interminables embouteillages quotidiens. Le revirement de Didier Robert n’a pas seulement condamné le Tampon à la paralysie : il a aussi fait plonger ouvriers et entrepreneurs du BTP, les privant brutalement d’un ouvrage majeur au moment même où et le chômage explosait.

Didier Robert relance la crise

Décision lourde de conséquences : de l’avis des professionnels, la suppression de la rocade a marqué le point de départ d’un engrenage infernal d’endettement, de faillites et de chômage, aggravant la crise que subissait déjà le secteur. Pour justifier cette décision, l’édile UMP s’est contenté de répondre que la rocade aurait « divisé la ville en deux ». Un "coupe pa nou" en miniature qui a l’allure d’une excuse bricolée à la dernière minute.
Devenu président de la Région, Didier Robert casse désormais à bien plus grande échelle. Avec l’offensive contre le Tram-train, ce ne sont plus 150 millions d’euros mais 1 milliard et demi qui vont être ôtés des caisses. Plusieurs centaines de millions qui n’iront pas aux travailleurs et aux PME du bâtiment…ni d’ailleurs aux « 2.000 bus » auxquels Didier Robert lui-même ne croit pas.

Michel Vergoz prend le progrès en otage

Le nouveau président de la Région n’a pas le monopole de cette orientation : de troublants parallèles apparaissent dans le parcours de Michel Vergoz, conseiller régional socialiste. Premier adjoint du maire PCR de Sainte-Rose, Ary Payet, au début de sa carrière, Michel Vergoz a constamment savonné la planche à ce dernier, s’opposant sans raisons valables aux projets communaux… jusqu’à pouvoir prendre sa place.
Il franchit un nouveau pas en 2000, rejoignant Jean-Paul Virapoullé dans la campagne "coupe pas nou" contre la bidépartementalisation. Ce faisant, il allait directement à l’encontre du Gouvernement socialiste d’alors et de la direction réunionnaise du PS. Un comportement qui lui valut alors d’être qualifié de « traitre » par Jean-Claude Fruteau, secrétaire de la fédération socialiste réunionnaise. Au cours de la dernière mandature, Michel Vergoz a maintenu le cap : barrages contre la route des Tamarins, refus du Protocole de Matignon (Tram-train et route du Littoral)… le conseiller PS a constamment tenté d’imprimer une ligne hostile au développement technique et moral à son courant politique.

Campagnes contre le progrès : pourquoi ?

De dehors, la situation paraît probablement incompréhensible : dans l’ensemble de la République, les représentants élus se battent pour arracher investissements, crédits et chantiers. A La Réunion, un président de Région – député de surcroît - a fait campagne pour ôter des financements, annuler des travaux publics, faire tomber des projets de relance.
Plus étonnant encore : il est fidèlement secondé par un conseiller général étiqueté socialiste, parvenu à force d’intrigues, d’outrances et de démagogie à devenir la figure de proue du PS… alors que nombre de militants ce parti sont loin de partager ses orientations.

Pour ou contre le développement : le véritable clivage politique

Pourquoi cassent-ils ? Le contexte politique de la période 1998-2010 offre une première explication. Politiques sans programmes ni perspectives, Didier Robert et Michel Vergoz pouvaient-ils exister dans leurs partis et dans les média autrement qu’en attaquant les réalisations de la Région et la personne de Paul Vergès ?
Mais sans doute la phobie des grands projets de développement commune aux deux élus a-t-elle des racines plus profondes. Un regard à l’histoire réunionnaise montre une opposition constante entre le projet d’un développement fait par et pour les Réunionnais, et ceux pour lesquels le destin de notre île ne peut aller au-delà d’un rapport d’assistance et de dépendance envers la Métropole.
Rien de surprenant, dès lors, si l’UMP au pouvoir vise ensemble le Tram-train, Air Austral, la MCUR… en un mot, tout ce qui peut changer le visage de La Réunion et la faire émerger. Michel Vergoz n’est que l’autre face de cette médaille.

Geoffroy Géraud-Legros

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