Paris doit écouter l’outre-mer et faire confiance

Présidentielle : les projets des peuples d’outre-mer base d’une nouvelle politique

16 avril 2022, par Manuel Marchal

L’abstention massive outre-mer et le succès électoral chez les votants de candidats ayant une posture protestataire est le résultat de l’application d’une succession de loi qui n’ont pas permis d’empêcher la crise économique, sociale et politique de s’amplifier. Ces lois ont en commun une approche : l’élaboration se fait à Paris, et les peuples concernés sont au mieux consultés. La Conférence territoriale élargie aux forces vives proposée par le PCR inverse cette approche. Tout doit partir des propositions des Réunionnais formulées dans un projet de rassemblement. Il reviendra alors au gouvernement d’inscrire dans la loi les propositions de ce projet réunionnais, c’est-à-dire d’accompagner sa mise en œuvre sur les plans législatif et financier.

Depuis le début des années 1960, plusieurs lois spécifiques aux outre-mer ont été votées à Paris. Mis à part quelques exceptions comme les textes sur la Kanaky-Nouvelle Calédonie, ces lois ont considéré les outre-mer comme un ensemble homogène, différencié seulement par le statut : départements d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution, territoires autonomes relevant de l’article 74 de la Constitution. Cette approche rappelle que l’essentiel de l’élaboration de ces textes s’est fait à Paris, où les Outre-mer, peuplés d’à peine 2 millions d’habitants vivant à des milliers de kilomètres du continent européen, ne peuvent être le centre des intérêts des forces politiques d’un pays de 65 millions d’habitants situé en Europe.
Dans ce cadre, élus et forces vives des territoires concernés sont au mieux invités à donner leur avis sur les textes. Ces derniers sont avant tout construits à partir d’arbitrages budgétaires qu’impose un gouvernement.

Chronique d’un échec annoncé

Cette prédominance des intérêts parisiens sur ceux des peuples des outre-mer eut un acte fondateur : l’application de la loi du 19 mars 1946. A la différence des lois ultérieures, ce texte est issu d’une revendication du mouvement social en Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion. Ces forces vives estimaient que pour sortir leurs pays de la misère, il fallait mettre fin au régime colonial et donner aux peuples de ces territoires les mêmes droits sociaux qu’aux citoyens vivant en France. La négociation avait permis d’aboutir à un compromis : la loi était promulguée le 19 mars 1946, mais l’égalité ne s’appliquait que le 1er janvier 1947. Or, Paris mit ensuite en avant des contraintes budgétaires pour refuser d’appliquer l’égalité. Il fallut 50 ans de luttes, et la démission en 1987 des députés PCR Paul Vergès et Elie Hoarau, pour qu’enfin l’égalité soit obtenue pour le SMIC et la plupart des prestations sociales.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les lois de programme ou d’orientation qui se sont succédé n’aient pas permis d’enrayer la montée du chômage de masse, de la pauvreté, du mal-logement. Car au fond, il s’agit jusqu’à présent d’acheter la paix sociale au moindre coût. Le résultat de cette politique se traduit par le résultat du premier tour de l’élection présidentielle : une abstention massive dans les Outre-mer, et les votants qui placent des candidats ayant une posture protestataire en tête de leurs suffrages. C’est la crise de confiance.

Conférence territoriale élargie

Pour rétablir cette confiance, Paris doit justement faire confiance aux peuples concernés par les textes spécifiques aux Outre-mer qui sont votés. Mettre fin au chômage de masse et au sous-développement des Outre-mer passe par des mesures structurelles qui devront être inscrites dans la loi. Qui d’autres que les personnes vivant quotidiennement les conséquences de cette situation sont-elles les mieux placées pour proposer et mettre en œuvre les mesures nécessaires ?
C’est le sens de la proposition du PCR : une Conférence territoriale élargie à toutes les forces vives. Cette instance de concertation doit permettre d’entendre toutes celles et ceux qui ont des propositions pour faire avancer La Réunion, et de créer les conditions pour que toutes ces forces puissent travailler ensemble à élaborer un projet de développement pour notre pays.
Il reviendra alors au gouvernement d’inscrire dans la loi les propositions de ce projet réunionnais, c’est-à-dire d’accompagner sa mise en œuvre sur les plans législatif et financier.
Le second tour de l’élection présidentielle s’annonce serré. Le risque d’un retour au pouvoir de l’extrême droite en France n’est pas exclu. Les outre-mer pourraient décider du résultat de cette élection. Dans ces conditions, il est plus que temps que Paris prenne conscience de la nécessité de changer de politique et donne les moyens aux peuples d’outre-mer de résoudre eux-mêmes les défis auxquels ils sont confrontés.

M.M.

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Messages

  • Dès le lendemain de son élection en 2017, Le président Macron nous a promis de supprimer de la constitution l’amendement Virapoulé qui nous empêche d’adapter les lois votées par le parlement à notre situation spécifique . 5 ans sont passés et la constitution a été modifiée mais l’amendement Virapoulé à l’article 73 - 3 est toujours en vigueur .
    Le nombre de de chômeur est toujours aussi important et le pourcentage des gens vivant au dessous du seuil de pauvreté n ’a pas baissé . il faut comparer le nombre de fermetures d’entreprise , de faillites et de licenciements au moment de son arrivée au pouvoir à ce que nous avons actuellement .
    La situation économique et sociale de notre région Réunion ne s’est pas améliorée mais s’est dégradée . Les minimas sociaux ne permettent plus de vivre décemment compte tenus de la baisse du pouvoir d’achat . La délinquance et la criminalité est en augmentation etcet ... mais le nombre de policiers et de magistrat n’a pas suivi.
    Les programmes de construction et de réhabilitation des logements sociaux se sont pas à la hauteur des besoin et la continuité territoriale est en train de disparaitre .
    Dans ces conditions , il ne faut pas s’étonner que les réunionnais mais aussi les citoyens des autres régions d’outre mer qui sont dans la même situation que nous ait protesté . Mais vu le taux d’abstention très élevé et le nombre d’électeurs qui ont choisi jean Luc Mélenchon ou Marine le Pen , lors du premier tour de l’élection présidentielle , ils n’ont pas seulement protesté par leur vote , je pense qu’ils ont également montré qu’ils veulent autre chose que le président macron et sa majorité parlementaire n’ont pas voulu leur donner . Si bien que l’on peut douter de sa victoire le 24 avril prochain mais aussi pour les prochaines législatives malgré les appels en sa faveur de la plus part de candidats qui ont perdu.


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