Remettre en cause un système source de nombreuses souffrances quotidiennes

Présidentielle : lutter contre la vie chère en écoutant les Outre-mer

15 avril 2022, par Manuel Marchal

Comme les autres départements d’outre-mer, La Réunion est confrontée à un chômage de masse depuis des décennies. A cela s’ajoute un autre problème, celui de la vie chère. C’est là aussi la conséquence de politiques mises en œuvre depuis Paris avec des adaptations à la marge qui ne sont insuffisantes pour faire face à la situation. Cette double peine, subie en particulier par les plus démunis, nourrit l’abstentionnisme et le vote pour des candidats ayant une posture protestataire.

Hier, la FRBTP a expliqué des conséquences de la crise internationale sur ce secteur. Depuis 12 mois, le prix de l’aluminium a augmenté de 80 %, celui de l’acier de 50 %. Cette hausse a forcément un impact sur le coût de la construction, alors que des dizaines de milliers de familles ont besoin d’un logement décent, ce qui signifie des investissements dans des matériaux de construction bien plus coûteux.
Pendant ce temps, la ruée vers l’huile de tournesol se poursuit. Faute de blocage des prix, celui de ce produit de première nécessité pourrait s’envoler et pénaliser non seulement les familles, mais aussi toutes les petites entreprises de restauration.
Pour leur part, les agriculteurs sont confrontés depuis l’année dernière à une forte hausse des prix des intrants indispensables à la production locale. Ceci a un impact sur la trésorerie de nombreuses exploitations agricoles, et contribue aussi à la hausse des prix. Enfin, les carburants et le gaz ont connu d’importantes augmentations malgré un prix plafond. Ce n’est que parce que les taxes perçues par les collectivités sont moins importantes qu’en France que les prix à La Réunion n’atteignent pas les mêmes sommets.

Les conditions de la vie chère sont réunies

Depuis un demi-siècle, la succession des lois de programme, d’orientation et autres textes sur l’outre-mer décidés depuis Paris n’ont pas permis de régler le problème du chômage. Dans le même temps, l’intégration de La Réunion à l’Europe est devenue plus étroite. 75 % des importations, dont de nombreux produits de première nécessité, viennent d’Europe. Compte tenu de notre éloignement de cette source principale d’approvisionnement et du nombre réduit des acteurs, ce système pousse structurellement à des prix élevés.
De plus, l’Europe est à 10.000 kilomètres et il suffit qu’une crise déstabilise le commerce international pour que l’approvisionnement de La Réunion soit perturbé en raison des hausses des prix des matières premières et du fret maritime.
Les conditions sont donc réunies pour que le coût de la vie soit plus cher qu’en France, alors que le SMIC, les retraites et les minima sociaux sont identiques à ceux de la France, car calculés en fonction de la situation économique à 10.000 kilomètres de La Réunion. La pénurie d’emploi qui dure depuis un demi-siècle, fait dépendre une grande partie de la population de ces salaires et prestations sociales qui ne sont pas en rapport avec le coût de la vie. La grande précarité et le coût excessif de la vie nourrissent l’abstentionnisme et le vote pour des candidats ayant une posture protestataire. Le système politique français place l’élection présidentielle au centre, avec pour conséquence une division des Réunionnais entre des personnalités pour qui l’outre-mer ne peut être une priorité, à moins que le scrutin soit si serré que les anciennes colonies puissent influer sur le résultat de l’élection.

La vie chère principale cause des mouvements sociaux

Hier, la visite du Premier ministre en campagne électorale a montré que nous sommes dans ce cas de figure. C’est le moment ou jamais pour Paris d’écouter l’appel des outre-mer.

Les mouvements sociaux de 2009 et de 2017 avait la même origine : le ras-le-bol de la vie chère. Cette question des prix impose une remise à plat, ce qui suppose la transparence. Or, les résistances sont tenaces. L’Observatoire des prix et des revenus est une initiative du député Elie Hoarau en 2000, son amendement fut voté malgré l’avis négatif du gouvernement. Il a fallu ensuite attendre plusieurs années la publication du décret d’application créant cet Observatoire. Malgré un manque manifeste de moyens, chacun de ses rapports démontre d’importants abus dans la formation de prix à La Réunion, en raison de marges excessives.
A La Réunion et dans les Outre-mer, la question des prix a une importance encore plus grande qu’en France compte tenu d’un coût de la vie déjà plus élevé qu’à Paris, et d’une part beaucoup plus importante de la population contrainte de vivre avec des minima sociaux, des bas salaires ou des retraites modestes.

L’État doit être au service des victimes de la vie chère

Mais cette question est trop souvent étouffée par la prédominance de débats importés en décalage avec la situation réelle de La Réunion, avec pour conséquence la montée du sentiment d’abandon de la part des victimes de la crise. Elles considèrent que leurs problèmes n’ont pas l’attention qu’ils méritent. Pas étonnant alors que l’abstentionnisme aux élections progresse.
Devant le constat d’échec des différents textes votés à Paris pour régler cette question, pourquoi ne faire de la transparence sur les prix une priorité essentielle de l’État ? Pourquoi ne pas écouter et mettre en œuvre les propositions des victimes de cette situation ?
L’État deviendrait alors un accompagnateur de forces vives encouragées à prendre des responsabilités afin d’agir dans l’intérêt de leur peuple, un peuple dont elles connaissent la situation de crise extrême qu’il subit, et qui ne veut plus voir ses souffrances se prolonger encore 5 années supplémentaires.

M.M. 

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