Contribution du Parti communiste réunionnais

Projet de loi Egalité Réelle – Remarques du PCR

20 août 2016, par Parti Communiste Réunionnais

Après celle publiée le 10 août, le PCR a mis en ligne hier 19 août une seconde contribution sur le site créé par le gouvernement pour une concertation sur le thème de l’égalité réelle. Voici son contenu :

La situation économique, sociale et environnementale à La Réunion décrite plus haut est telle que tout le monde s’accorde à dire qu’il faut désormais mettre en œuvre une autre politique en rupture avec celles qui ont été menées jusqu’à présent.

Le Président de La République lui-même, en mai 2015 en Guadeloupe, a déclaré qu’il fallait un nouveau modèle de développement pour les outre-mer donc pour La Réunion. C’est dans cet esprit que le Gouvernement propose un projet « de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions sociales et économiques ». Ce projet de loi vise pour les Outre-mer à atteindre dans les 10 et 20 ans à venir l’égalité réelle avec la France hexagonale.

Il reprend l’objectif de la loi du 19 mars 1946 dont les auteurs réunionnais, antillais et guyanais voulaient que ce soit une loi de liberté (rupture avec le statut colonial) et une loi d’égalité avec la France.

Or, cette situation actuelle qui prévaut à La Réunion est le résultat d’une politique menée dans le pays par les gouvernements de la France depuis le vote de cette loi.

Ce résultat fait apparaître comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi, que « l’égalité réelle avec l’hexagone demeure une réalité encore trop lointaine ».

Des préalables

Les prix

Ainsi, ce qui n’a pas été réalisé durant 70 ans, le gouvernement propose de le faire dans 10 ou 20 ans à travers ce projet de loi. Or, réaliser l’égalité réelle avec l’hexagone suppose que le gouvernement annonce pouvoir annuler en 20 ans les différences entre La Réunion et la France dans les domaines aussi divers que le chômage, les prix, le coût de la vie, les revenus, le logement, l’éducation, la santé, etc.

Cette annonce est donc un préalable si le gouvernement veut que l’on croit à l’égalité réelle avec la France.

Les salaires

Mais un autre préalable se pose. En effet, le projet de loi se propose d’atteindre non seulement l’égalité réelle entre les outre-mer et l’hexagone mais aussi au sein même de chacun des outre-mer.

Sur ce plan, au 1er janvier 1947 le Gouvernement décide de maintenir le supplément colonial aux agents de l’Etat nommés dans les outre-mer. L’argument utilisé était le coût de la vie plus élevé à La Réunion qu’en France. Mais en accordant ce supplément seulement à une catégorie de travailleurs et pas aux autres, il a crée dès le départ un apartheid social qui s’est amplifié avec la progression démographique et l’augmentation des services publics, donc du nombre de fonctionnaires bénéficiant tous de la sur-rémunération. La situation est telle aujourd’hui que l’INSEE considère que La Réunion est le département ou les inégalités sont les plus grandes.

On ne peut pas parler d’égalité réelle si on ne règle pas ces inégalités. Or, le projet de loi n’aborde pas ce problème et n’ébauche aucune solution pour régler ces inégalités criantes.

Défis à relever

Dans les autres domaines le défi à relever est de taille. Prenons quelques exemples.

Créer 13.000 emplois par an pendant 10 ans

Premièrement, en ce qui concerne le chômage. Son taux à La Réunion est de 29 % ce qui représente 180 000 personnes inscrites actuellement à Pôle Emploi. En France, le taux de chômage est de 9,9 %. Ramener le taux de La Réunion à celui de France suppose que l’on crée chaque année 13 000 emplois pendant 10 ans alors que l’on ne crée actuellement que 3000 et cela bien entendu sans compter les chômeurs supplémentaires qu’apportera l’augmentation de la population d’ici à 2020. Le gouvernement prend-il cet engagement ?

Les mêmes prix à La Réunion et en France ?

Deuxièmement, quand on parle d’égalité réelle avec la France, de quelles égalités parle-t-on ? Veut-on dire par exemple que les prix des marchandises à La Réunion doivent être égaux à ceux de France ?

Si en France, les mêmes marchandises coûtent le même prix, quel que soit l’endroit où on se trouve dans l’hexagone, c’est en vertu du principe de la continuité territoriale. Pour être égale avec la France, cette même continuité doit donc s’appliquer à La Réunion. Qui prendra alors en charge le surcoût des marchandises ? Cela représente plusieurs milliards d’euros chaque année.

Plus de 400.000 personnes en dessous du seuil de pauvreté

Troisièmement, en ce qui concerne le niveau de vie, la Réunion compte près de 50 % de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté soit plus de 400 000 personnes. Le gouvernement a-t-il chiffré le coût que cela représenterait pour lui dans l’objectif d’amener ces 400 000 personnes au niveau de vie français ?

En finir avec le Colbertisme

A propos du niveau de vie, ou plus exactement du pouvoir d’achat, celui-ci dépend à la fois des revenus et des prix. Agir sur les prix et contre les situations de monopoles exige de mettre en place une structure d’autorité (au delà d’un simple observatoire) maîtrisant toutes les données de la formation des prix de l’usine à la gondole et pouvant dicter des règles opposables de nature à lutter contre les monopoles. Agir sur les prix exige aussi d’en finir avec le Colbertisme c’est à dire la quasi-obligation de commercer qu’avec la métropole. La Réunion importe 70 % de ses besoins de France et d’Europe.

Rétablir le chemin de fer

Quatrièmement. Rappelons que les structures économiques de l’île ont été complètement bouleversées dès le moment où l’administration a pris la décision de supprimer le chemin de fer de La Réunion qui assurait le transport des personnes et des marchandises de l’Est au Sud de l’île en passant par le Nord et l’Ouest.

Cela a été le point de départ de l’installation à La Réunion de monopoles dans les domaines des carburants et de l’automobile. Il s’en est suivi l’apparition des monopoles dans la grande distribution, l’énergie, les transports etc éliminant et remplaçant les entreprises réunionnaises qui constituent les structures économiques traditionnelles du pays.

Tous ces préalables doivent être levés, car le gouvernement doit clarifier sa définition de l’égalité réelle sinon son mot d’ordre apparaîtra plus comme un slogan pour faire rêver les Réunionnaises et les Réunionnais plutôt qu’une réponse concrète à leurs problèmes concrets.

Le projet de loi reste un projet d’intégration

Or, ce sont tous ces problèmes qui n’ont pas été résolus au cours des 70 ans passés par la politique d’intégration. Le gouvernement pourra-t-il les régler au cours des 10 à 20 ans dans la même logique de l’intégration, car le présent projet loi gouvernemental est par essence même un projet d’intégration.

Rien de nouveau

En effet, dans le projet gouvernemental il n’y rien de nouveau par rapport a ce qui se fait jusqu’à maintenant. On reste dans le même cadre Constitutionnel (La Réunion ne peut même pas mettre en œuvre des lois d’habilitation – contrairement à d’autres DOM – puisque l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution le lui interdit).

Même structure économique

On garde aussi la même structure économique (les grands groupes monopolistiques ayant remplacés les producteurs réunionnais). Or, c’est bien tout cela qui a conduit à la situation actuelle.

Poursuivre dans la même voie produira les mêmes effets avec plus d’ampleur, car la population augmente et des phénomènes planétaires ajoutent des problèmes nouveaux que notre pays devra surmonter.

Quelle sera la situation à La Réunion dans 20 ans ?

Si en 1946, l’égalité de La Réunion était possible compte tenu du peu d’habitants qu’elle comptait (246 000 en 1946) qu’en est-il aujourd’hui avec une Réunion de 850 000 habitants ? Et qu’en sera-t-il dans 20 ans avec une Réunion de 1 million d’habitants et dans un contexte mondial en pleine mutation ?

En effet, La Réunion dans les années à venir aura en plus des problèmes actuels à régler d’autres défis à relever.

  • La crise sucrière met en danger toute l’économie et menacera 18 000 emplois directs et indirects. Le projet de loi n’en parle pas.
  • Les changements climatiques s’intensifient et s’accélèrent causant des dégâts à la planète et aux populations (nous en avons journellement des exemples)
    ce qui nécessite des moyens financiers et législatifs supplémentaires pour mettre en place des mesures d’adaptation et d’atténuation. Ce qui n’existe pas dans le projet de loi.
  • Les Accords de Partenariat Economique signés entre l’Union européenne et les pays voisins de la Réunion, (conséquence de la mondialisation économique) mettront en danger tout le tissu productif de l’île. Le projet de loi ne nous donne aucun moyen de nous protéger.

D’une manière générale, le projet de loi du gouvernement n’arme pas La Réunion pour faire face à cet environnement en pleine mutation.

Il faut des moyens législatifs et réglementaires

Or, La Réunion doit disposer d’outils nécessaires pour accentuer le co-développement et ses échanges économiques avec les pays voisins. Pour cela il lui faut des moyens législatifs et réglementaires (possibilité de passer des accords commerciaux, possibilité d’avoir une fiscalité propre) qui n’existent pas dans le projet de loi.

Quelle insertion de La Réunion dans son environnement ?

D’une manière plus générale l’environnement géo économique de La Réunion n’a plus rien à voir avec ce qu’il était en 1946. Si à cette époque il n’avait pas été pris en compte lors du vote de la loi du 19 mars il ne peut plus en être de même aujourd’hui.

L’évolution démographique des pays voisins, la proximité des grandes puissances (Chine, Inde) qui entendent jouer un rôle majeur dans la zone, le regroupement de 26 États d’Afrique représentant plus de 600 millions d’habitants pour un accord de libre échange pose dès maintenant le problème de l’insertion de La Réunion dans son environnement sous peine d’être exclu des échanges avec ces pays et d’être complètement isolé.

Démographie, changement climatique et mondialisation ignorées dans le projet de loi

Le projet de loi ignore les phénomènes mondiaux évoqués plus avant qui vont peser sur tous les pays, donc sur La Réunion, et ne permet pas de répondre à la question : comment concilier d’une part une intégration à la France et à l’Europe pour sauvegarder les acquis arrachés depuis 1946 et d’autre part une insertion dans une zone géo-économique en pleine évolution et en profond bouleversement afin de développer le co-développement solidaire et les échanges commerciaux avec les pays voisins ?

Ainsi, qu’il s’agisse de la démographie, des changements climatiques, de la mondialisation des échanges, des effets de la recherche et de l’innovation qui vont conditionner l’avenir du monde et de La Réunion aucun de ces problèmes n’est pris en compte dans ce projet de loi.

La crise du modèle intégrationniste

Pour toutes ces raisons le projet de loi n’est pas à la mesure des enjeux auxquels est confronté notre île. Le projet de loi maintient La Réunion dans la continuité historique des politiques menée jusqu’à présent que sont l’intégration et l’assimilation à une métropole située à 10 000 km.

Or, ces politiques ont échoué, on en a fait l’expérience pendant 70 ans. Ne se pose-t-il pas alors la question de la crise du modèle intégrationniste ? Pas seulement pour La Réunion mais aussi pour les autres pays.

Aux Réunionnais d’élaborer eux-mêmes leur propre loi de développement

Il est désormais de la responsabilité des Réunionnaises et des Réunionnais d’élaborer eux-mêmes dans la plus grande concertation possible leur propre loi de développement durable, solidaire et responsable.

Le cadre le plus approprié étant pour nous la mise en place d’une Assemblée Unique élue à la proportionnelle intégrale et paritaire où chacune et chacun pourra apporter sa contribution et s’exprimer pour l’avenir de son pays.

D’ores et déjà, le PCR appelle au rassemblement et apporte la sienne au débat.

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