18.000 journaliers communaux sans statut, des jeunes Réunionnais au chômage ou contraints d’émigrer

Proposition du PCR pour régler le problème de fond de l’inégalité

16 octobre 2012, par Manuel Marchal

Pour mettre fin au clientélisme électoral et permettre aux Réunionnais d’occuper plus facilement des postes dans la fonction publique à La Réunion, tout dépend d’une décision de l’État : il doit assurer l’égalité de traitement dans la fonction publique. C’est là que se situe la base de toutes les inégalités. Dans un contexte de crise aggravée en Europe, les salaires des fonctionnaires sont très souvent la première source d’économie des plans de rigueur. Quelle serait la solidarité si ce problème se posait à La Réunion ?

En février dernier, les émeutes urbaines. Voici ce qui pourrait survenir beaucoup plus souvent si le système actuel continuait à résister au changement. (photo d’archives Imaz Press Réunion)

Personne n’ignore que l’Europe est prise dans une très grave crise. Pour en sortir, les gouvernements de l’Union européenne veulent limiter l’évolution de la dette publique. Ils ont donc décidé de s’imposer des mesures drastiques : c’est le traité budgétaire européen.

À 10.000 kilomètres d’ici, ce type de méthode obtient l’adhésion des deux principaux partis, les conservateurs et les socialistes. Car là-bas, les plans d’austérité n’ont pas de couleur politique. Ils sont appliqués aussi bien par la droite que par la gauche. En France, le gouvernement socialiste a fait voter le traité budgétaire négocié par Sarkozy et s’apprête à appliquer la règle d’or dans le prochain budget. Les responsables du Parti socialiste français sont clairs. D’une part, le budget 2013 sera un des plus restrictifs depuis 40 ans, d’autre part les spécificités dont nous bénéficions à La Réunion sont dans le collimateur. La défiscalisation est la première visée. Jusqu’où cela peut-il aller ?

Un regard sur les décisions prises par d’autres gouvernements européens apporte un éclairage. Aussi bien en Grèce qu’en Espagne ou au Portugal, ce sont les fonctionnaires et les retraités qui ont été les premiers visés. En Grèce, les agents de l’État ont vu leurs salaires diminuer. Une fois le coup porté contre les fonctionnaires, le plan d’austérité s’attaque aux salariés du privé, avec la remise en cause des conventions collectives.

C’est dans ce contexte qu’en Europe s’apprécie cette spécificité ultramarine : le gouvernement français donne une prime de vie chère aux agents de l’État. À La Réunion, la combinaison de deux dispositifs garantit une surrémunération de 53%. C’est sans doute un cas unique dans toute l’Union européenne, mais pour combien de temps ?

Un pays bloqué

Cette inégalité de traitement imposée par l’État a des effets sur l’emploi. Les Réunionnais en connaissent bien au moins trois : la précarité dans la fonction publique territoriale, l’importation de cadres venus de France et l’émigration de jeunes Réunionnais diplômés. Ces trois effets sont autant de menaces qui pèsent sur la cohésion sociale, car ils génèrent de la frustration et un sentiment d’injustice. L’obligation de verser une surrémunération est un argument invoqué par les collectivités pour refuser de titulariser tout le personnel. De fait, des travailleurs restent à la merci des caprices d’un élu parce qu’ils n’ont pas la sécurité de l’emploi. Les Réunionnais n’ont pas droit à l’application du principe fondamental d’une fonction publique impartiale, au service de tous les citoyens, libérée des pressions politiques.

L’attrait des primes héritées du système colonial ne peut que créer un appel d’air faisant venir dans notre île des fonctionnaires français à la recherche d’un meilleur revenu et d’un autre statut social. Car de la classe moyenne française, ils sont brutalement propulsés dans celle des privilégiés à La Réunion car ils font automatiquement partie des 10% les plus riches du pays. Conséquence, la fonction publique attire aussi des jeunes diplômés Réunionnais qui pourraient aller enrichir d’autres secteurs si les règles étaient différentes. Du fait de règles de recrutement au niveau de la République, ces jeunes fonctionnaires doivent souvent partir sans garantie de revenir au bout de quelques années.

Voilà comment la décision d’un gouvernement peut bloquer un pays et aggraver les inégalités.

Sauvons les fonctionnaires et La Réunion

La situation en Europe rend chaque jour plus difficile au gouvernement sa capacité à assumer cette contradiction : pourquoi donner 53% à une partie de la population au prétexte de la vie chère et refuser la même majoration aux Réunionnais qui ont les revenus les plus faibles, versés par l’État ?

Dans le contexte d’austérité, qui peut croire que Paris versera 53% de plus à tout le monde ? Par contre, les précédents de la Grèce et de l’Espagne font craindre des restrictions pour les bénéficiaires des 53%.

La semaine dernière en France, des milliers de retraités ont manifesté contre la menace d’une baisse de leur pouvoir d’achat imposée par le plan d’austérité. Ce sont justement les retraités qui ont été aussi les victimes des restrictions en Grèce et en Espagne, avec les fonctionnaires.

Pour sauver les fonctionnaires et régler le problème de fond de l’inégalité, le PCR propose au gouvernement de sortir de la crise par le haut. C’est la création d’un fond d’épargne abondé par le versement des sur-rémunérations, qui représentent chaque année 600 millions d’euros par an. Voilà qui pourrait amorcer la Banque publique d’investissement voulue par le gouvernement.

L’application de l’égalité dans la fonction publique libérera sans doute des postes pour les jeunes Réunionnais. Et surtout, elle rendra possible la titularisation des 18.000 journaliers communaux.

Ainsi seront renforcées la cohésion sociale et la démocratie à La Réunion, tout en préservant les intérêts d’une partie de la population qui deviendra alors le fer de lance du développement du pays.

Manuel Marchal

L’objectif politique de la surrémunération : la division du mouvement revendicatif


Aux origines de ce traitement différencié, il y avait la revendication d’égalité. Le 19 mars 1946, les Réunionnais obtiennent l’abolition du régime colonial. Ils demandent donc l’application de la loi d’égalité, l’unité des Réunionnais se maintient avec des syndicats puissants dirigés par les fonctionnaires. Cela permet la conquête de plusieurs droits : assurance maladie et retraite des vieux travailleurs.

En 1949, une grève générale est lancée avec comme mot d’ordre l’intégration des fonctionnaires. Le gouvernement réussit alors à diviser le mouvement des travailleurs en accordant aux fonctionnaires réunionnais des avantages sans commune mesure avec leurs collègues de France. Du jour au lendemain, leur salaire était aligné sur le régime des expatriés en poste à La Réunion, avec le supplément colonial de traitement.

La dynamique pour l’application de l’égalité pour tous était cassée. Quant aux fonctionnaires qui militaient encore pour leurs camarades du privé, le gouvernement fit peser sur leur tête la menace de l’Ordonnance du 15 octobre 1960, dite Ordonnance Debré : le choix entre l’exil en France ou la démission.

Au moment où l’égalité pouvait être obtenue, la dynamique revendicative a été brisée parce que des Réunionnais ont accepté d’abandonner leurs camarades de lutte en pleine bataille en échange d’un gros plat de lentilles.

Il a fallu alors plus de 50 ans de luttes pour obtenir ce qui était à portée de main à la fin des années 1940. Entre temps, un fossé s’était creusé entre deux catégories de Réunionnais : ceux qui ont droit à des salaires plus élevés qu’en France et les autres. Comment restaurer cette cohésion sociale ?


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