Les enjeux réunionnais des élections européennes — 2 —

Quel avenir pour des milliers de planteurs ?

14 mai 2009, par Risham Badroudine

Après l’octroi de mer, un autre enjeu majeur des élections européennes du 7 juin 2009 est la filière canne et agricole en général. Le secteur primaire (agriculture…) est en danger dans les Outre-mer. Les filières canne à La Réunion et banane aux Antilles ont bénéficié jusqu’à présent de quotas et de prix garantis, dans le cadre d’Organisations Communautaires de Marché (OCM) de l’Union européenne. Or, l’Union européenne s’intègre chaque jour davantage dans la mondialisation des échanges commerciaux. Elle doit donc s’adapter aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Celle-ci exige de plus en plus la suppression des quotas, des prix garantis et des aides publiques dans le cadre d’une économie libérale. De ce fait, de sérieuses menaces pèsent sur la profession à La Réunion. Nous devons défendre les intérêts de nos planteurs auprès de l’Europe et développer notre filière agricole en se fixant pour objectif l’autosuffisance alimentaire.

L’OMC a déjà imposé à l’Union européenne des modifications importantes de son marché sucre et banane.
Par exemple, c’est en effet pour répondre aux exigences de l’OMC que l’Union européenne a décidé en 2006 de baisser le prix du sucre de 36%. Cette décision a entraîné une baisse de revenu pour notre filière canne-sucre. D’où la décision de l’Union Européenne et du gouvernement français de venir en aide par des subventions. Ces aides sont assurées jusqu’en 2014. Mais l’OMC continue sa pression sur l’Europe et le gouvernement français pour qu’après 2014, ces subventions soient définitivement supprimées. L’Europe et la France céderont-elles ?
Aujourd’hui, le régime sucrier européen est condamné par l’OMC depuis plusieurs années. L’Union Européenne doit se mettre en conformité sous peine de sanction, donc ouvrir son marché à des sucres produits par des pays ayant un coût de production très inférieur à La Réunion en diminuant les taxes. Résultat : le sucre réunionnais est voué à entrer en concurrence avec le sucre brésilien, indien... là où, rappelons-le, les coûts de production sont nettement inférieurs.
L’UE a certes la possibilité de déroger, mais elle doit pour cela faire des concessions aux autres membres de l’OMC. Cela veut dire, par exemple, accepter que des produits industriels européens soient taxés dans les autres pays, alors que ceux de ces derniers pourront entrer sans taxe sur le marché européen.

De sérieuses menaces pèsent sur la profession

Le prix de la tonne de cannes est déterminé à partir du prix du sucre. Du fait de la compensation versée par l’Europe et l’Etat, le prix du sucre est maintenu. Mais le prix de la tonne de cannes est le même, soit 39,09 euros pour une richesse de 13,8. Et il n’a pas changé depuis 20 ans. C’est ce qu’on appelle le prix usine, versé par l’usinier.
Sur la base d’une richesse de 13,8, un planteur reçoit de l’usinier 39,09 euros par tonne. A cela s’ajoutent 21,40 euros de l’Etat (aide à la production) s’il livre moins de 700 tonnes, ce qui est le cas de plus de 75% des planteurs.
Cela fait donc au total 60,49 euros plus 1,80 euro de prime bagasse du fait d’une “aide exceptionnelle” des industriels. Au total, le planteur percevra 62,29 euros.
Mais pour ce prix usine, l’usinier reçoit une aide forfaitaire de l’Europe qui, en 2007, représentait environ 18,91 euros par tonne de cannes. Si on retire cette aide de l’Europe du prix usine (39,09 euros), il reste à peine 20,18 euros la tonne, auxquels s’ajoute la prime bagasse (1,80 euro). Tel est le prix réel de la tonne de cannes.
En résumé, sans les aides qui s’élèvent à environ 40 euros, le planteur n’aurait perçu qu’environ 20 euros pour sa tonne de cannes. Le règlement sucrier actuel durera jusqu’en 2014. Après cette date, un nouveau règlement sera négocié (ou imposé ?). Sans dérogation, la filière canne à La Réunion est en danger. Quel sera le prix de base ? Sera-t-il établi à partir du cours mondial du sucre ?
Le prochain règlement sucrier entrera en vigueur en 2014, c’est-à-dire dans 3 ans et demi (autant dire demain).
Qui oserait prétendre que ces questions sont superflues ? Que représente aujourd’hui la filière agricole à La Réunion ?

Préserver les emplois

En termes d’emploi, La Réunion compte 6.900 exploitants agricoles en 2007. Concernant la filière canne, on compte aujourd’hui 3.680 livreurs. (Voir graphique “Évolution du nombre de livreurs de cannes”).
Or, comment vont réagir l’Union Européenne et la France face aux injonctions de l’OMC ? Vont-elles reculer en supprimant les aides, comme elles l’ont déjà fait, en 2006, en fixant au règlement sucrier une baisse du prix du sucre de 36% ?
Il faut aujourd’hui préserver notre secteur agricole et le renforcer pour pouvoir atteindre l’autosuffisance alimentaire primordiale face au contexte mondial de crise.

Risham Badroudine


L’autosuffisance alimentaire

Dans le cadre du développement durable, l’agriculture a notamment pour but de garantir un revenu suffisant pour les agriculteurs, de donner des possibilités à La Réunion d’être moins dépendante des fluctuations des marchés extérieurs tout en préservant pour les générations à venir le cadre de vie nécessaire à leur épanouissement. Ce développement doit également prendre en compte un milieu fragile et une biodiversité riche qu’il convient de préserver.
L’objectif pour La Réunion est d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Les cultures maraîchères, légumières et fruitières ainsi que la production de certaines viandes doivent permettre aussi à l’agriculture réunionnaise de couvrir une bonne partie de la consommation locale. Il faut l’encourager dans ce sens.

Taux de couverture dans le secteur agricole à La Réunion

Taux de couverture
Viande bovine 32%
Viande porcine 49%
Volailles 48%
Légume 52%
Fruit 67%


La reprise de l’expérimentation de la culture du riz est un devoir, surtout si les cours mondiaux des céréales continuent leur progression actuelle : 280 euros la tonne de riz en novembre 2007, plus de 780 euros aujourd’hui.

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