Après de récentes décisions annoncées par la commune de Saint-Paul

Quel rôle pour un maire ?

31 janvier 2005

Le premier magistrat communal doit-il être un ’amortisseur social’ ou un ’animateur du développement économique’ ? Doit-il privilégier une fonction sociale ou plutôt celle d’une meilleure efficacité dans la création d’emplois pérennes ? Le débat mérite d’être ouvert.

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Le Conseil municipal de Saint-Paul de jeudi dernier était consacré aux orientations budgétaires pour 2005. Le maire de la commune a profité de l’occasion pour faire l’annonce de deux mesures : une prise en charge partielle par la commune du prix du billet d’avion Réunion-Paris pour les jeunes chômeurs de 18 à 25 ans, et la mise en place d’un service de transports pour les personnes handicapées.
Au-delà de leur bien-fondé ou pas, de leur légitimité ou de leur efficacité, ces mesures - la première ayant un arrière-goût de clientélisme - sont la traduction d’une tendance lourde chez une majorité de maires et d’élus : celle consistant à multiplier les interventions de caractère social et à les mettre en avant.

Faire du social

Lorsqu’il apporte un soutien significatif à l’USST (Union sportive stade tamponnaise), le maire du Tampon se justifie en expliquant qu’il achète une certaine paix sociale. Le maire de Saint-André, lui, justifiait ses embauches excessives de CES par sa volonté de faire du social.
La demande quasi-unanime des édiles municipaux de conserver un fort quota de contrats aidés est justifiée par la préoccupation de faire face à la pression sociale. Tel adjoint mesure son poids au sein de l’équipe municipale au nombre de CES qu’il est chargé d’attribuer. Mme Nadia Ramassamy, lorsqu’elle était conseillère générale, justifiait sa rupture avec la majorité départementale en expliquant qu’elle n’avait pas eu les moyens de ses responsabilités. Entendez par là qu’elle n’a pas eu suffisamment de contrats aidés à redistribuer.
L’intervention “sociale” des maires ne résulte pas de leur seule volonté. Une grande partie des politiques dites de traitement social du chômage transite par eux. Dans les années 70, ils distribuaient les “quinzaines de chômage”. Des dispositifs comme les TUC (Travaux d’utilité collective) et toute la panoplie des emplois dits aidés qui ont eu cours ces dernières années ont nécessité leur concours pour leur mise en œuvre.
Dans le Plan Borloo de cohésion sociale, les maires seront sollicités encore un peu pour faire du social. Ils prendront une part active dans la mise en œuvre des futurs contrats d’avenir. Incapable de régler la question de l’emploi - cela est de sa compétence - l’État transfère une partie de ses responsabilités aux communes.

Retour de bâton

Cela n’est pas sans conséquences : ce sont les maires qui se retrouvent en première ligne. Certains donnent des bâtons pour les frapper : lorsque sont apparus les CES, il y eu une sorte d’émulation entre communes pour savoir laquelle embaucherait le plus. Il s’en est suivi une multitude de manifestations de chômeurs dans toute l’île, réclamant aux maires des CES.
En prenant la décision de financer le prix d’un billet pour tout jeune chômeur désirant se rendre en Métropole, il court le risque de la critique et du retour de bâton. On comprend où il veut en venir : en faisant partir de jeunes chômeurs, il ne les aura pas sur le dos pendant plusieurs mois. Un peu comme le faisait le service militaire, il les éloigne pendant un certain temps du marché saint-paulois de l’emploi. Ceux qui partent seront autant de jeunes en moins qui viendront le supplier de leur offrir un travail.
Mais le financement de la mesure repose sur un apport fait par le Conseil général à la commune dans le cadre d’un contrat de développement. Le Département ayant lui-même ses propres difficultés reconduira-t-il ce type de contrat ? Saint-Paul pourra-t-elle faire face à toutes les demandes ?
On ne manquera pas sans doute de faire remarquer à son maire qu’il y a dans la commune d’autres priorités : l’intégration des journaliers communaux, la rénovation des écoles, l’achat de matériel scolaire pour le primaire, etc.
Mais au-delà se repose un débat : quel est le rôle exact d’un maire ?

Poser le débat

En avril 2004, à l’occasion de la séance plénière de la rentrée de la Chambre régionale des Comptes, son président, Jean Mottes, notait que le personnel communal réunionnais présentait un aspect de sureffectif par rapport à son homologue métropolitain. Cette analyse devrait sans doute être relativisée, mais pour le magistrat elle manifeste la volonté des édiles locaux de privilégier "la fonction sociale sur la fonction administrative".
Le choix pour un maire, toujours selon les termes utilisés par Jean Mottes, serait d’opter entre un rôle d’"amortisseur social" et celui d’"animateur du développement économique". La seconde des deux alternatives consisterait à faire de la collectivité communale, en concertation avec les assemblées locales et l’État, un moteur du développement économique. Celle-ci doit jouer sur son aménagement, sa fiscalité ou sa politique foncière. Une telle orientation entraînerait une véritable mutation amenant la commune à externaliser certaines de ses missions et à réorganiser toute la grille de son personnel.
Mais pour se concentrer sur un tel objectif, le maire en a-t-il les moyens dans le cadre spécifique de La Réunion ? Les conditions historiques, sociales, économiques, politiques, juridiques, financières, etc... lui permettent-elles de jouer réellement un rôle d’animateur du développement social ?
Ou alors, comme ne manqueront pas de dire certains, la ligne juste serait le juste milieu : un peu de social et un peu de développement économique. Globalement, le sujet ne mériterait-il pas un débat ?

J. M.


Continuité territoriale : les critères de Bruxelles

En prenant une initiative dans le domaine de la continuité territoriale, le maire de Saint-Paul va sans doute relancer le débat sur le sujet.
Il est bon de rappeler ici le rôle prépondérant joué par la Commission de Bruxelles pour à la fois fixer les principes de mise en œuvre de la continuité territoriale et pour vérifier si ces principes sont bien appliqués.
En se reportant à deux décisions rendues par la Commission de Bruxelles en 2000 et 2001 (1), on note que celle-ci est d’avis que les mesures prises dans le cadre de la continuité territoriale constituent des régimes d’aides de l’État.
Toujours selon Bruxelles, les aides accordées doivent présenter un caractère social et doivent être réservées à des catégories particulières de passagers dont la situation doit justifier d’une aide sur le plan social.
Par d’autres décisions (2) , la Commission considère que le fait de résider dans une île éloignée du continent peut être regardé comme un handicap social justifiant l’octroi d’une aide au transport. La Commission, dans une vision européo-centriste, reconnaît que les personnes habitant une île appartenant à l’ensemble européen, souffrent d’un avantage permanent en termes de transport. Aussi l’aide au transport est réservée aux “résidents” et non, par exemple aux “originaires”. Une telle disposition oblige à déterminer qui sont les résidents et, dans le cadre de la dotation de continuité territoriale, écarte de la mesure les Réunionnais travaillant en France.

(1) SG 2001D/286575 et SG 2000D/102051.
(2) Décision du 29 juillet 1998 concernant les Canaries et les Baléares ; décision du 27 août 1998 concernant Madère, du 3 septembre 1999 concernant plusieurs îles de la Sicile et décision du 1er mars 2000 concernant plusieurs ports de Corse.


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