55.000 emplois aidés supprimés au niveau national

Quel sera le prix de la casse à La Réunion ?

17 juillet 2007, par Manuel Marchal

Selon ’les Echos’ du 10 juillet dernier, le gouvernement propose de réduire globalement le nombre des emplois-aidés. C’est une décision qui s’appuie officiellement sur une analyse réalisée à partir d’une réalité métropolitaine. Ici, le contexte n’a rien à voir avec celui de la métropole. La Réunion sera-t-elle concernée par cette décision, et si oui, quelle sera l’ampleur de la casse ?

Un emploi-aidé sur trois sera supprimé. C’est la décision prise par le ministère des Finances. Elle est relatée dans "les Echos" du 10 juillet dernier. C’est l’équivalent du nombre de personnes employées en contrat CES à La Réunion en 2001 qui va passer à la trappe au niveau national.

Selon "les Echos", « les contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE), subventionnés jusqu’à 95% au niveau du SMIC, sont les premiers concernés. Ils devraient passer de 134.000 à 86.000 entre les deux semestres ». Quant aux Contrats d’avenir (CAv), leur baisse sera de 10.000 unités. Au total, le nombre des emplois aidés passera de 185.000 à 130.000, soit précisément 55.000 postes en moins.

Pour le ministère des Finances, « le dynamisme de l’emploi salarié ne justifie pas de consacrer autant d’efforts qu’auparavant au traitement social du chômage ». Ce constat s’appuie sur donc sur des statistiques officielles, relatives à la création d’emplois salariés. Mais des statistiques dont chacun est au moins sûr d’une chose : elles ne concernent pas La Réunion.

Des crédits insuffisants

L’autre raison invoquée par "les Echos" est paradoxalement le succès en France du dispositif CAE/CAv. Ce qui illustre l’impact de la crise de l’emploi, et entre en contradiction avec les chiffres rassurants communiqués officiellement au niveau national : « le nombre de nouveaux entrants au premier semestre est tel qu’il était difficile de maintenir le rythme pendant les six mois suivants ». D’après "les Echos", il manque « 600 millions d’euros supplémentaires » pour maintenir le rythme. 600 millions à trouver alors que la situation budgétaire est très tendue.

D’une part, la dette de l’État atteint un niveau sans précédent. D’autre part, le respect des engagements pour lesquels Nicolas Sarkozy a, en France, été largement élu, va à nouveau diminuer les recettes de l’État. Christine Lagarde estime le coût de ces mesures à 10 milliards d’euros dès l’an prochain, et à 13 milliards d’euros par an quand le "paquet fiscal" tournera à plein régime.

Par ailleurs, l’article des "Echos" suggère aussi un parti pris idéologique derrière cette décision : « Christine Lagarde, successeur de Jean-Louis Borloo à Bercy, ne semble pas aussi attachée que ce dernier au traitement social du chômage. Le Premier ministre François Fillon s’était lui-même distingué en donnant un coup de frein brutal aux contrats aidés, en 2002. Alors ministre du Travail, il avait provoqué une rupture de charge à l’origine d’une recrudescence du chômage ».

Un dangereux précédent

À La Réunion, dans un contexte qui n’a strictement rien à voir avec celui de la Métropole, les emplois-aidés ont un rôle essentiel pour maintenir la paix sociale dans une île où par exemple plus d’un jeune sur deux est privé de travail. Ils sont une soupape de sécurité qui concourt, tout comme le RMI, à maintenir une très fragile et apparente harmonie dans la société. Les emplois aidés concernent, à La Réunion, un pourcentage bien plus important de la population active.

C’est pour une très grande partie des Réunionnais le seul moyen d’espérer un jour avoir droit à un travail. Autrement dit, toute annonce touchant cette question doit appeler à la plus grande vigilance.

C’est d’ailleurs ce que montrent les faits. Car depuis 2002, une constante est observée. L’État se désengage progressivement du financement de ces emplois, laissant les collectivités se débrouiller pour régler cette question alors qu’elles n’ont pas les moyens financiers pour le faire. Conséquence : le nombre des emplois aidés ne fait que diminuer. 53.000 en 2001, 51.000 en 2002, 47.000 en 2003, 34.000 en 2004, 22.000 en 2005.

Parallèlement à cette baisse, l’État s’est désengagé progressivement du financement de ces emplois.

Dans "Témoignages" du 29 août 2006, Maurice Gironcel, maire de Sainte-Suzanne, précisait que « le taux de prise en charge (remboursement de l’Etat) qui était aux alentours de 90% en 2001 et 2002, est passé radicalement à 65% en 2003, 2004 et 2005 ». Dans sa commune, cela s’était traduit par une diminution de 82% du nombre des CES, soit 551 emplois perdus sur cinq ans du fait du désengagement de l’État.

Répondre à l’urgence de La Réunion

L’urgence à La Réunion est la mise en place de mesures pouvant créer rapidement des milliers d’emplois afin de résoudre le problème numéro un du pays : lutter contre le chômage de masse et la pénurie d’emplois.

Tout projet ayant pour effet l’aggravation de la crise de l’emploi à La Réunion doit être écarté et fermement combattu. Celui du gouvernement se situe-t-il dans la veine de ceux de ces prédécesseurs, à savoir un désengagement sur le front de l’emploi payé au prix fort par les Réunionnais, où sera-t-il adapté à la réalité de La Réunion ? Voilà qui souligne une fois de plus l’importance d’appliquer à La Réunion des mesures qui sont faites spécifiquement pour relever les défis du pays.

Manuel Marchal


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