Économie et social : Séminaire gouvernemental mercredi

Quelle cohésion sociale en mutilant le budget de l’outre-mer ?

17 mai 2004

Nicolas Sarkozy le voulait, Jean-Pierre Raffarin l’a lancé : un séminaire gouvernemental se réunira après-demain à Matignon pour préparer le budget 2005 et décider des économies futures à faire par les différents ministères. La priorité du gouvernement serait la “cohésion sociale”. Mais à quelle cohésion fait-il allusion, s’il mutile le budget de l’outre-mer et la loi de programme ?

Les restrictions de crédits au budget 2005 font craindre le pire outre-mer au niveau de l’emploi, du logement etc. (photo Imaz Press Réunion)

Le gel décidé pour le budget 2004 n’est pas encore connu. Quelques chiffres sont avancés, ça et là, pour certains ministères. Mais rien concernant l’outre-mer. Pourtant, on aimerait bien savoir quel sera le montant de ce gel. D’autant plus qu’à ce gel sur 2004, se greffent les menaces pour le budget 2005.
Francis Mer puis Nicolas Sarkozy nous avaient fait croire que tout pourrait s’arranger, si la croissance montrait le bout de son nez.
À en croire Jean-Pierre Raffarin, celle-ci serait de retour. Selon lui, elle "ne vient pas seulement de l’extérieur", mais sa “bonne politique” en serait une raison : 200.000 entreprises auraient été créées en 2003 en France, 300.000 logements auraient été mis en chantier au cours des douze derniers mois. Ah bon ?
Pourquoi Jean-Pierre Raffarin ne dit-il pas que l’emploi salarié en France a de nouveau reculé de 0,1% au 1er trimestre 2004, après une mauvaise année 2003 ? Pourquoi ne dit-il pas que cette année-là a été marquée par la perte de 50.000 postes ? Pourquoi ne dit-il pas que les créations d’emplois dans le tertiaire et la construction n’avaient pas alors suffit à compenser la perte d’emplois industriels ?
Si - du côté du gouvernement - on évoque cette “croissance” à grand renfort de slogans, cela n’empêche pas de vouloir prendre des mesures drastiques pour le budget 2005. "Je réunis mercredi un séminaire spécialement sur ce sujet", a déclaré le Premier ministre. "Nous voulons, comme l’an passé, faire en sorte que nous ne dépensions pas un euro de plus que ce que le Parlement a décidé, ce qui impose de faire des économies".
Où ? De partout, dans tous les ministères. Combien ? Personne ne peut le dire encore. On en saura un peu plus dans quelques jours puisque Matignon a indiqué jeudi que les lettres de cadrage du budget 2005 seraient envoyées aux ministres "entre le 20 et le 31 mai".

Cohésion et outre-mer

Mais l’Outre-mer a toutes les raisons de craindre que le budget qui lui est consacré ne reçoive un sacré coup de frein. En effet, le journal économique “Les Échos” a rappelé que le ministre de l’Économie et des Finances, Nicolas Sarkozy, entendait s’attaquer aux lois de programmation budgétaires au nom de la maîtrise des déficits publics. Seraient visées la loi de programmation militaire et les lois sur la justice et la sécurité intérieure. Et la loi programme pour l’Outre-mer.
Le gouvernement n’en est plus à une contradiction près : sa priorité serait la "cohésion sociale". Dont acte. Le coût du futur plan Borloo de cohésion sociale, défini par Jacques Chirac comme la "priorité absolue" du gouvernement, sera un paramètre majeur du budget 2005. Ce plan serait arbitré à Matignon et non à Bercy. C’était le moins que le gouvernement puisse faire.
Mais tout de même : si pour 2005, comme en 2003 et en 2004, l’objectif global est de “caler” la progression des dépenses de l’État sur l’inflation, il faudra bien trouver les fonds nécessaires pour financer le 1,5 milliard d’allégements de charges pour les restaurateurs, ou pour les 750 créations de postes d’enseignants chercheurs et personnels administratifs dans les universités. L’idée de “vendre l’or national” pour financer ce dernier poste a été émise. Cela ne suffira pas. D’autant plus que des voix de plus en plus nombreuses, notamment chez les amis d’Hervé Novelli (ultra-libéral UMP) s’élèvent pour demander une "amnistie fiscale" pour les capitaux qui se sont évadés à l’étranger, et, dans le même temps, un allégement de l’impôt sur la fortune (ISF), au motif que cela ne servirait à rien de rapatrier des capitaux si en France, les gros zozos sont taxés...
Toujours est-il qu’au nom de la “cohésion sociale”, le gouvernement va s’en prendre à ceux dont le pouvoir d’achat, le niveau de vie, le taux d’équipement, le taux d’encadrement est le plus faible : les ultra-marins. La remise en cause de la loi de programme porterait donc un coup dramatique à une économie qui, bien que florissante, ne peut à elle seule, offrir un emploi à ces milliers de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. À ces milliers de privés d’emploi. À ces femmes et ces hommes, en contrat précaire.
Et si pour le budget 2005, cela pourrait être les mesures de défiscalisation et d’allégements de charges sociales qui sont visées, on peut craindre que le gel des crédits du budget 2004 portent aussi sur les emplois dits aidés, sur le logement.

Dominique Besson


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