« Quelle est la responsabilité d’un élu ? »

23 janvier 2009

J’ai rencontré mon ami Guy Ethève. Il a exercé des responsabilités politiques avec honnêteté. Il a été admiré de tous. A la retraite, il médite sur la politique de son pays. Je ne lui ai posé qu’une question :
« Quelle est la responsabilité d’un élu ? », et voici sa réponse :

« La responsabilité n’incombe pas seulement aux élus. Elle pèse d’un poids énorme sur les épaules de tous les citoyens. Elle est, il est vrai, exceptionnelle quand il s’agit d’un élu, parce que dans la société, il se trouve situé sur un échelon que l’on considère comme supérieur à celui du plus grand nombre.
Ceci étant dit : je me souviens d’une réflexion qui, avant tout, exprimait l’immense déception d’un maire sortant battu à une élection municipale. S’approchant du candidat challenger devenu le champion de la consultation, il lui dit avec émotion : « Oté mounoir, ou va oir, être maire là lé pa un sucre d’orge dans la bouche tous les jours ».

Cette remarque de désenchantement qui était le fruit de son expérience m’est revenue comme un boomerang un soir de juin 1995, quand les résultats du scrutin me propulsaient à la responsabilité de maire de Saint-Louis.
Cette charge, j’ose le croire, je l’ai assumée avec conscience et de façon pleine et entière. C’est ce qui m’a permis de mesurer l’étendue de la difficulté à concilier les rôles du citoyen qui s’imagine que tout est possible de celui de l’humain confronté à l’implacable réalité, qui découvre un vaste champ de pouvoir décisionnel à risques permanents, doublé d’une responsabilité à multiples facettes.

En effet, la responsabilité de l’élu est pour le moins gravée dans le marbre avec des lettres indélébiles. Elle est morale, civile et pénale.
S’agissant de la responsabilité pénale, elle peut être engagée, à juste titre, dans tous les cas d’infraction intentionnelle, mais aussi à la suite d’une infraction non intentionnelle du type de méconnaissance des textes, d’imprudence, ou de négligence avérée.
La responsabilité civile, en général, est couverte par une assurance, mais il y a des dommages moraux qui sont irréparables et d’autres qui sont exclus des polices d’assurances. Si la faute est reconnue comme lourde et qu’elle concerne notamment les marchés publics, le droit social, le droit administratif ou les actions récursoires, c’est l’élu qui est civilement responsable et qui devra ouvrir son portefeuille.
La plus délicate de toutes les responsabilités est bien celle qui touche à la morale. C’est un problème de conscience. Cette responsabilité-là n’est pas encadrée par des textes et des règlements. Elle est la conséquence d’un résultat de consultation populaire qui peut un soir propulser au devant de la scène, à la magistrature communale, le citoyen le plus convaincant peut-être, mais pas toujours le plus compétent. “Kapable ou Pa Kapable” une fois élu, il devra assumer et traduire dans les faits ses engagements parfois difficiles à tenir, de disponibilité, de respect, d’écoute et d’amélioration des conditions de vie de ses concitoyens.
C’est cette responsabilité, si l’élu porte en lui les valeurs de sincérité et d’honnêteté, qui lui vaudra soucis, inquiétude et quelques nuits blanches ».

Merci Guy.

Marc Kichenapanaïdou


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