Autonomie financière des collectivités locales

Quelle prise en compte de l’Outre-mer ?

21 juillet 2004

Si la question du transfert de compétences soulève un fort débat, celle des compensations financières liées à ces nouvelles “responsabilités locales” est tout aussi importe ; en effet, le projet de loi fixe le montant de ces “compensations”. Celles-ci prendront-elles en compte la situation que connaît l’Outre-mer ?

Jean-Pierre Raffarin va-t-il dégainer l’arme fatale du 49-3 pour faire adopter “sa” réforme - la "mère de toutes les réformes" -, à savoir celle portant sur la décentralisation des compétences ? On devrait vraisemblablement avoir la réponse aujourd’hui mercredi, la décision pouvant être prise en conseil des ministres. Le Premier ministre indiquait lundi qu’il ne souhaitait pas "être contraint" de recourir à cet autoritaire article de la Constitution, mais il ne l’a pas formellement exclu non plus. Notamment au cas où la gauche parlementaire - qui réclame le report du texte -, se livrerait à “une guérilla parlementaire”. Le PS serait en passe de déposer... 2.000 amendements sur ce texte concernant les responsabilités locales.
Mais avant la présentation du texte devant les députés, ceux-ci auront un autre dossier, tout aussi épineux, à étudier. Celui concernant “l’autonomie financière des collectivités locales”. Autrement dit, les transferts financiers liés aux transferts de compétences.
Et il va falloir aussi s’attendre à des débats et des échanges très vifs. En effet, lors du passage au Sénat, les membres de la commission des lois ont eu des positions, traduites par des amendements allant à l’encontre de la définition du gouvernement sur la notion de “ressources propres”.
Outre cette “guerre fratricide”, il importe de souligner les implications de ce texte pour l’Outre-mer.
En effet, le mode de calcul établi ne permet pas de prendre en compte les “spécificités de l’Outre-mer”.
Au risque d’être trop schématique, disons que les montants financiers sont calculés par rapport aux montants versés les années précédentes. Mais chacun sait pertinemment que, contrairement à la France métropolitaine, l’Outre-mer a d’une part des retards d’équipements, des retards en personnel, et d’autre part, une population qui augmente, nécessitant plus d’infrastructures etc.
S’il n’y a pas, pour l’Outre-mer, de prise en compte “dynamique”, c’est-à-dire tenant compte de ces deux impératifs, si la prise en compte financière n’est que l’exacte application des mécanismes de calcul en vigueur pour la France, il est certain que dans moins de trois ans, ni le Conseil régional, ni le Conseil général, ni les communautés de communes, ni les communes n’auront les moyens de faire face à leurs nouvelles obligations concernant le logement, les routes etc.
Ce qui compromettrait tout le développement de l’île. Et pendant des années.

D. B.


L’ombre du 49-3 sur la décentralisation

Depuis deux jours, le Premier ministre, d’autres membres du gouvernement et maintenant le président du groupe des députés UMP à l’Assemblée nationale se sont accordés pour parler d’un possible recours au 49-3. Est-ce pour préparer l’opinion au passage en force que souhaitent tenter le gouvernement et l’UMP avant le départ en vacances ?

La deuxième lecture du projet de loi sur les transferts de compétences aux collectivités locales devait être inscrite mardi à l’ordre du jour de la session extraordinaire de l’Assemblée. La question des TOS et de tous les transferts financiers court le risque d’un passage en force par le biais du 49-3.
En effet à l’Assemblée, la gauche prépare une bataille d’amendements, dont le gouvernement risque de ne pouvoir se dégager sans utiliser l’arme constitutionnelle. Forts de leurs récents succès électoraux, les socialistes préparent déjà la riposte. Ils annoncent qu’ils déposeront "un poids certain" d’amendements (2.000 !) pour s’opposer au projet sur les transferts de compétences. Ils veulent à l’évidence pousser le Premier ministre à utiliser cette arme du 49-3, dont l’effet est de couper court aux débats, pour saisir l’occasion de déposer une motion de censure. "Utiliser le 49-3 sur un texte aussi controversé, ce serait un caprice personnel" de la part du premier ministre, lance Bruno Le Roux (PS), proche de François Hollande.
Le PS bénéficie dans cette bataille d’un allié de poids en la personne de Jean-Louis Debré. Le président de l’Assemblée nationale a rappelé mardi matin, sur Europe 1, qu’il n’était "pas favorable au 49-3" pour accélérer le débat sur la décentralisation et que les députés devaient "délibérer aussi longtemps que nécessaire" sur les réformes.
Au même moment, sur France Inter, Dominique Bussereau, secrétaire d’État au Budget mais surtout proche de Raffarin, a au contraire suggéré à titre personnel le recours au 49-3, car, a-t-il dit, "la décentralisation, c’est la réforme de l’État, et la réforme de l’État, il faut la faire vite".
Le Premier ministre lui-même a indiqué hier, en déplacement à Etel (Morbihan), qu’il "ne souhaitait pas" utiliser dans le prochain débat sur la décentralisation l’arme du 49-3 "qui est applicable en cas d’obstruction parlementaire, ce qui n’est pas le cas pour le moment". Mais Bruno Le Roux annonce déjà qu’il y aura bien une bataille parlementaire quand il dit : "On se relaiera dans l’hémicycle pour défendre nos amendements, et on tiendra le temps qu’il faudra".

Oppositions au sein de l’UMP

Le président de l’UDF, François Bayrou, considère pour sa part que l’utilisation du 49-3 "quand un parti dispose de la majorité absolue des voix, et qui plus est lors d’une session extraordinaire, serait un abus de procédure, qui montrerait la désinvolture avec laquelle on traite le Parlement".
La difficulté du gouvernement, c’est qu’il va aussi se heurter à des oppositions plus ou moins feutrées, au sein même de la majorité. Même si le président du groupe UMP, Bernard Accoyer, juge "inadmissible que l’opposition s’arroge le droit de peser sur l’ordre du jour par des menaces d’obstruction", les troupes de l’UMP traînent les pieds. "Les trois quarts d’entre nous ne veulent pas de cette réforme. La faire passer en force, c’est de la folie", confie un député de province. "On ne peut pas faire voter cette loi dans la précipitation. Vingt présidents de régions PS sur vingt-deux n’en veulent pas, et ce sont eux qui devront l’appliquer, c’est un fait politique", note le sarkozyste Yves Jego.
Seule certitude : il ne sera pas facile de mobiliser les députés UMP en août.


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