La mobilisation se poursuit

Quelle réponse Jean-Pierre Raffarin apportera-t-il aux demandes des R.O.M. ?

21 avril 2004

L’ensemble des présidents des Conseils régionaux de France et d’Outre-mer ont demandé lundi au Premier ministre de retirer le transfert des personnels techniques et ouvriers de services (T.O.S.) l’Éducation nationale vers les Régions. Jean-Pierre Raffarin leur a dit : “il faut attendre mai”, la décision sera annoncée lors d’une prochaine rencontre.
Les quatre présidents des Régions d’outre-mer, eux, ont décidé, unanimement de poursuivre leur offensive, en rédigeant un mémoire expliquant au gouvernement les raisons objectives que rencontrent leurs pays : retards en équipement et encadrement, et risques accrus de voir ces retards s’amplifier si la décentralisation, telle qu’aujourd’hui définie, venait à s’appliquer.

Au centre des discussions entre les vingt-six présidents de région et le chef de gouvernement UMP lundi dernier à Paris : le projet de loi sur la décentralisation qui doit faire prochainement l’objet d’une deuxième lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Les élus de gauche avaient fait du retrait du transfert des personnels techniques et ouvriers de l’Éducation nationale (TOS) un "préalable" à la poursuite des discussions.
Jean-Pierre Raffarin a refusé d’y renoncer mais s’est dit prêt à en discuter "les modalités", réaffirmant d’une part sa volonté d’appliquer la réforme de la décentralisation courant 2005, et d’autre part, de poursuivre les "consultations" pour "améliorer" le texte. Le Premier ministre a proposé une nouvelle rencontre avec les présidents de régions en mai prochain.

"Moratoire fiscal"

Jean-Pierre Raffarin n’a pas donné suite à la volonté des socialistes d’obtenir un audit financier sur toutes les compétences qui vont être transférées aux Régions.
Et sur le plan des ressources financières, le Premier ministre a, par ailleurs, confirmé le transfert aux Régions "d’une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, une taxe modulable qui pourra s’élever au-delà de trois milliards d’euros" pour couvrir les dépenses nouvelles "à l’euro près".
Mais cela ne sera pas suffisant, estiment unanimement les présidents de Région. En effet, quelle sera leur marge de manœuvre ?
Elle est faible. D’autant plus qu’aucun ne souhaite voir les impôts locaux connaître une hausse conséquente. Et la TIPP est un impôt très peu dynamique. En 2003, son “rendement” n’a, en effet, augmenté que de 1,4%... Soit moins que l’inflation.
Jean-Pierre Raffarin s’est donc totalement défaussé de ses responsabilités, et a demandé aux présidents de Région d’appliquer "un moratoire fiscal pendant les trois premières années de leur mandat".
Autrement dit, pas d’augmentation des impôts locaux durant cette période.
Mais Pierre Méhaignerie, le président UMP de la Commission des finances de l’Assemblée nationale pose, pour “Libération”, le problème différemment.
Pour lui, l’un des enjeux de la décentralisation est celui-ci : "Faire des gains de productivité à l’occasion des transferts vers les collectivités locales". Ce qui permettrait de baisser les impôts de l’État.
L’État joue les vertueux en baissant l’impôt, et dans le même temps, verse le minimum aux Régions : à elles de “se débrouiller” sans augmenter les impôts.
Jean-Pierre Raffarin avertit même : les Régions sont obligées de respecter "leurs droits et leurs devoirs (...). Elles doivent respecter les lois de la République", notamment celle concernant la décentralisation.
Question : tiendra-t-il le même langage jeudi, à l’Association des maires de France (AMF) ? Puis, la semaine prochaine, aux présidents des Départements ?

Mémoire des R.O.M.

Pour continuer la bataille, les présidents des quatre régions d’outre-mer - Antoine Karam (Guyane), Victorin Lurel (Guadeloupe), Alfred Marie-Jeanne (Martinique) et Paul Vergès (La Réunion) - ont, d’un commun accord, décidé de rédiger un mémoire sur la situation des Régions d’outre-mer (R.O.M.). Une situation très particulière, qui appelle donc un "traitement particulier". Lequel devra donc être défini par la loi.
Se pose donc une question : ce “mémoire” rédigé par les présidents des exécutifs régionaux d’outre-mer sera adressé à Jean-Pierre Raffarin. Quel sort va-t-il lui réserver ? Pourra-t-il aller jusqu’à accepter de ne pas transférer les TOS aux collectivités ultra-marines ?
S’il entend les revendications et les explications légitimes des présidents de région, on peut aussi se demander quelle va être l’attitude des parlementaires réunionnais de l’UMP (ainsi que les apparentés et les versatiles) ? Vont-ils, à leur tour, défendre les positions prises par les exécutifs régionaux ? Vont-ils jouer les abonnés absents ? Ou vont-ils s’engager dans la bataille ? Et comment ?

Dominique Besson


Dans le flou

Le financement de la décentralisation avancé du côté du gouvernement n’est toujours pas clair. La loi organique sur l’autonomie financière des collectivités locales ne figure pas encore à l’agenda du Parlement, alors que, selon le Premier ministre, elle doit être examinée avant la deuxième lecture de la seconde loi de décentralisation. Le projet Raffarin s’enlise donc fortement.
Par ailleurs, s’il devait y avoir “un collectif budgétaire”, cela compliquerait encore plus la situation.


Jean-Pierre Raffarin s’explique dans “Les Échos”

"Je suis déterminé à faire aboutir ce texte"

Au lendemain de sa rencontre avec les présidents des conseils régionaux, le premier ministre a donné sa vision du dossier de la décentralisation dans “Les Échos”. Extraits.

"Il est normal qu’après le vote de la première lecture, le texte soit amélioré là où simplification et clarification sont encore nécessaires. Je n’ai pas voulu passer en force, j’ai choisi la pédagogie (...).
Je suis déterminé à faire aboutir ce texte, qui, tout au long de la discussion parlementaire, est resté fidèle aux équilibres que le président de la République avait proposés à Rouen, et qui reprenaient eux-mêmes très largement les conclusions des rapports et des travaux d’experts sur le sujet. (...)
Je suis persuadé que l’on reconnaîtra les mérites de cette loi dans le temps. (...) On ne peut pas raisonnablement prétendre défendre le service public et être contre la décentralisation. (...)
Je veux également rassurer les personnels : la fonction publique territoriale est tout aussi noble et tout aussi stable que les autres fonctions publiques ! (...)
J’ai la conviction que la décentralisation fera baisser les impôts. Il y a des doublons, dans notre organisation centralisée. La décentralisation va permettre de simplifier. Les élus feront des économies mieux que l’État et pourront consacrer cet argent aux nouveaux besoins.
Nous savons tous que l’État peine à réallouer ses moyens. Jusqu’à ce que j’y mette un terme, depuis deux ans, les dépenses de l’État ont toujours augmenté parce qu’on a sédimenté les dispositifs. (...)
En maintenant le cap sur la décentralisation, comme j’ai maintenu le cap sur les retraites, je suis sûr de servir notre pays. C’est ce qui compte à mes yeux. C’est ce qui me fait avancer".


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