La violence institutionnelle en pratique

Qui a tenté de manipuler le Premier ministre en lui préparant un programme sectaire et partisan, digne de Perreau-Pradier ?

13 juillet 2009, par Manuel Marchal

Chaque séjour d’un représentant du gouvernement est traditionnellement l’occasion de rencontres républicaines avec les directions des collectivités locales. Cette tendance s’est accentuée depuis l’avènement de la décentralisation où il n’y a plus de tutelle de l’État. Cette fois-ci, lors de la venue de François Fillon, les initiateurs du programme du Premier ministre n’avaient pas prévu que le chef du gouvernement rencontre la présidente du Conseil général et le président de la Région. La raison saute aux yeux : si François Fillon s’était rendu à la Région, il eut été impossible d’envoyer des transporteurs faire le blocus de cette institution de la République en insultant les élus, partenaires de l’État. Les auteurs du programme de François Fillon lui ont imposé un programme transpirant le sectarisme partisan le plus nauséabond. Au final, la manoeuvre se retourne contre eux.

Parmi les enseignements à tirer de la visite de François Fillon jeudi et vendredi dernier, on peut constater l’échec lamentable de la manœuvre de manipulation tentée par ceux qui ont concocté un programme sectaire et partisan.

Il est en effet de tradition qu’un représentant du gouvernement en visite rende une visite de courtoisie républicaine aux présidents de deux collectivités locales de La Réunion. Il est également logique que les communes visitées ne soient pas toutes dirigées par des élus du même parti que celui qui dirige le gouvernement. Or, en dehors de l’inauguration de la Route des Tamarins à Saint-Paul et de la signature du GIP GERRI, deux étapes impossibles à escamoter, qu’a-t-on vu ?

L’appareil d’État a uniquement placé sur la liste des étapes officielles Saint-Pierre, ville dirigée par le président de l’UMP-Réunion, Le Tampon, commune ayant pour maire un député UMP, et Bras-Panon, commune ayant à sa tête un élu UMP. Ces trois étapes montrent le caractère profondément sectaire et partisan du programme proposé au Premier ministre. Le remake avorté du bain de foule du général de Gaulle dans l’avenue de la Victoire à Saint-Denis est un autre exemple.

Clarification à la Route des Tamarins

Cette séquence inhabituelle était là pour remplacer les visites de courtoisie républicaine à deux partenaires institutionnels de l’État : le Conseil général et la Région. Pendant ce temps, puisque le Premier ministre n’avait pas à se rendre au Conseil régional, le blocus de la Région a pu être organisé, et Joël Mongin a été envoyé devant les caméras de télévision pour faire reposer sur les collectivités les difficultés des entreprises. Voilà le travail des artisans du programme de la visite de François Fillon à La Réunion : la violence institutionnelle en pratique. Mais leur tentative de manipulation a lamentablement échoué, et elle se retourne contre ses auteurs.

Car le Premier ministre s’est rendu compte de la grossièreté de l’opération dès son premier discours public lors de l’inauguration de la Route des Tamarins. En effet, le discours proposé à François Fillon comprenait un passage allant dans le sens de la violence institutionnelle, en affirmant qu’à la différence de l’État, les collectivités retardent les projets !

Qui avait intérêt à ce que François Fillon dise une telle chose au nom de la République au moment où il allait inaugurer une route de plus d’un milliard d’euros, financée à 84% par la Région, à 16% par l’Europe et à 0% par l’État ?
Il faut être nourri par une haine féroce contre la Région et les élus réunionnais pour proposer au chef du gouvernement d’endosser la paternité d’une telle analyse !

En sautant ce passage et en enchaînant directement avec un paragraphe mettant en exergue "le génie réunionnais" (« La Réunion peut et doit avoir confiance dans son génie »), le Premier ministre a évité de tomber dans le piège grossier qu’on lui avait tendu.

De la graine de dictature

Il n’empêche que les auteurs du programme de la visite de François Fillon à La Réunion - ceux qui lui ont proposé d’affirmer publiquement que la responsabilité de la crise repose sur les collectivités - et les organisateurs du blocus de la Région soulignent qu’il existe à La Réunion les germes d’une graine de dictature. 50 ans jour pour jour avant la visite de François Fillon, les 9 et 10 juillet 1959, les organisateurs du programme de la première d’un président de la République à La Réunion avaient pour objectif de cautionner les méthodes dictatoriales de la fraude électorale. 50 ans plus tard, ceux du programme du Premier ministre avaient comme but de mettre en pratique la violence institutionnelle contre des Réunionnais.

À la différence de leurs tristes prédécesseurs, ils n’auront pas à attendre d’être jugé par l’Histoire. La clarification a été faite publiquement dès la première prise de parole officielle du chef du gouvernement. Et maintenant, cette tentative de manipulation éclate au grand jour.

Manuel Marchal


Une manœuvre cousue de fil blanc

Les transporteurs dans le champ des caméras pendant le discours du Premier ministre

Jeudi matin, des gendarmes escortent des transporteurs qui font une opération escargot sur le viaduc de Saint-Paul. Ils sont dirigés sur l’échangeur de Plateau-Caillou, au niveau de la bretelle de sortie de la Route des Tamarins, sur la bande d’arrêt d’urgence.
Toutes les personnes présentes lors de l’inauguration ont pu noter que les camions des transporteurs étaient visibles pour tout observateur qui regardait l’orateur. Autrement dit, quand le Premier ministre s’est exprimé ce jeudi 8 juillet, les transporteurs étaient derrière lui, dans le champ des caméras. Difficile de croire que seul le hasard a pu intervenir pour soigner une telle mise en scène. Les auteurs de cette réalisation ont voulu utiliser le Premier ministre pour arriver à leurs fins.


Qui a dessiné, et qui a fait ?

Pendant deux jours, une banderole insultant les élus était déployée. Pour la clarté des débats, il serait bon de savoir qui a dessiné cette banderole et qui l’a réalisée.


Joël Mongin : un colonisé bon teint

Jeudi, les organisateurs du blocus de la Région ont montré qu’ils étaient capables de régler rapidement le problème des transporteurs. Quand ils ont appelé Joël Mongin pour qu’il lève le siège afin d’éviter l’annulation de l’inauguration de la Route des Tamarins, Joël Mongin s’est immédiatement rangé, non sans insulter à nouveau les élus. Maigre consolation ! Comme pour aller bloquer la Région, il a répondu docilement aux injonctions qui lui ont été données. Il y a des actes d’allégeance qui en disent long...

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