Regards... des Réunionnais sur le Nouveau contrat social

4 octobre 2006

“Témoignages” ouvre aujourd’hui une nouvelle rubrique en offrant un espace de débats à propos du Nouveau contrat social que propose le PCR aux Réunionnais. Nous souhaitons que chacun s’exprime librement et apporte commentaires, critiques ou enrichissements. Car, croyons-nous, ce document - plate-forme de réflexions - doit devenir la propriété de tous les Réunionnais.

Réflexion sur le Nouveau contrat social

Le Nouveau contrat social est non seulement une exigence régionale, locale, mais il élabore un nouveau rapport entre l’Homme et ses institutions, et s’adresse par conséquent au monde.

Une loi nationale peut transcender les particularités locales pour influencer une nouvelle voie et devenir une prérogative internationale. Car, plus que jamais à l’heure où nous assistons en si peu de temps à des transformations climatiques, démographiques et économiques, l’Homme est face à son destin dans ses choix et est assigné à inventer un nouveau cadre dans lequel il peut se mouvoir collectivement de manière durable.
C’est en ce sens que le Nouveau contrat social peut être une avancée pour un humanisme planétaire. Car, le Nouveau contrat social c’est :

- exiger que les impératifs économiques soient subordonnés aux droits internationaux du travail et au respect de l’espace environnemental ;

- affirmer la primauté des droits humains et sociaux à la logique des intérêts financiers ;

- concourir à la constitution de biens publics mondiaux (la santé, l’éducation, les biens vitaux, l’énergie).

De par notre histoire unique dans un présent exacerbé par les difficultés du contexte économique et social et à mutation accélérée, La Réunion peut se constituer en laboratoire d’expérimentation où le Nouveau contrat social serait imaginé et inventé dans un mouvement démocratique et de consultation citoyenne contribuant à notre apport à l’humanité.

Le NCS s’avère nécessaire pour éviter la résignation. Il peut stimuler une résistance active et imaginative.

Krishna Damour


Quelques remarques sur la Lorraine à mes amis communistes

La question de la "préférence régionale", qu’on l’appelle "égalité collective" ou "discrimination positive", fait actuellement débat. Ce débat fondamental, parce qu’il engage la cohésion de notre société, mérite de reposer sur une argumentation rigoureuse et exemplaire. L’argumentaire du Secrétaire général du PCR dans l’émission “Face à Vous” (Télé Réunion, mercredi 27 septembre) légitimant des "mesures spécifiques" pour La Réunion par l’existence de "mesures spécifiques" dont aurait bénéficié la Lorraine en crise industrielle mérite quelques éclaircissements.

Cette région a effectivement connu depuis 1960 une véritable désindustrialisation. La seule agglomération de Longwy (Meurthe et Moselle) a perdu la totalité des 24.000 emplois sidérurgiques qui y existaient en 1955. Sur le territoire transfrontalier, dont la zone de Longwy fait partie, la Lorraine, le Luxembourg et la province du Luxembourg belge ont perdu 49.000 des 50.000 emplois sidérurgiques existants en 1960.

En 1985, le Pôle Européen de Développement( PED) est créé pour réimplanter des activités sur ce territoire transfrontalier sinistré : il s’agit d’attirer des entreprises multinationales en leur faisant valoir des facilités matérielles et financières, une main-d’œuvre bon marché et relativement qualifiée. L’objectif est de créer en une décennie, sur les friches industrielles, 8.000 emplois industriels (dont 5.500 côté français). Vingt ans après, le bilan dépasse à peine les 5.000 emplois créés. Des aides à l’investissement sont accordées à hauteur de 37% de ceux-ci, les entreprises qui s’installent bénéficient de financements liés au nombre d’emplois qu’elles proposent de créer ainsi que des primes supplémentaires lorsqu’elles embauchent des enfants de sidérurgistes au chômage ou en préretraite (crédits pris sur les fonds destinés à aider au reclassement des sidérurgistes) ou des chômeurs de longue durée : le critère retenu pour l’attribution de ces primes est un critère strictement social.

Les directeurs d’entreprises sont souvent étrangers : japonais, allemands, anglais, italiens, coréens... et s’expriment en anglais avec leurs employés. Les entreprises installées appartiennent souvent à des groupes internationaux dont les Directions sont à l’étranger. La plupart d’entre elles font savoir leur opposition à l’installation d’un syndicat dans l’entreprise. Dans les entreprises d’origine étrangère, les salariés sont soumis à des pressions de la Direction, fondées sur des comparaisons avec les pays d’origine de la firme, en termes de coût et de productivité. Les débrayages y sont rares et peu suivis, les grèves longtemps inexistantes, la syndicalisation très faible...

Ces implantations se font dans un contexte politique particulier : une construction européenne qui, à l’époque (préparation du traité de Maastricht), protège encore son marché intérieur et qui met en place des barrières tarifaires pour les productions qui ne sont pas réalisées dans son territoire. Les recherches d’investisseurs s’orientent vers le marché asiatique : JVC, Panasonic et Daewoo. Les productions de ces multinationales asiatiques relèvent uniquement de l’assemblage de pièces, sous forme de chaînes de montages employant des ouvriers souvent intérimaires ou en CDD, voire stagiaires en formation professionnelle rétribuée par l’État.

L’implantation de Daewoo illustre, par exemple, la mobilisation de l’appareil des aides financières européennes (FEDER), nationales (Prime d’aménagement du territoire), régionales (prime régionale à la création d’emploi, aide régionale à l’immobilier d’entreprise). La mise en place d’un encadrement coréen, ne parlant que coréen et reproduisant des relations de travail acceptées dans le pays d’origine, accentue les conflits dans cette entreprise : l’application des lois françaises (par exemple les 35 heures) est constamment remise en cause, les ouvriers de retour de congé de maladie passent plusieurs jours "au placard", les cotisations sociales ne sont plus payées... Un incendie à l’origine toujours non élucidée précipite la liquidation de l’entreprise en 2003 et met au chômage les 600 salariés...

Si la "reconversion" lorraine reste encore très aléatoire et représente ainsi un bien piètre modèle, force est de constater qu’aucune mesure étrangère aux dispositifs légaux en vigueur sur le territoire national n’y a été engagée. La tentative de reconversion de cette région ne peut donc en aucun cas être considérée comme un précédent justifiant le développement d’expérimentations locales dépassant le cadre commun. Pour autant, compte tenu de la gravité de notre situation locale, les progressistes ont le devoir de se rassembler et de revendiquer, pour les Réunionnais, ni plus, ni moins, que les efforts qui ont été faits pour les Lorrains.

Pascal Basse (Saint-Pierre)


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus