La liste conduite par Huguette Bello largement battue, le choix d’une tête de liste pas rassembleuse a empêché une victoire inévitable

Régionales : une victoire promise à l’union se transforme en lourde défaite

14 décembre 2015, par Manuel Marchal

Alors que toutes les conditions de la défaite de Didier Robert étaient réunies, le choix de Huguette Bello comme tête de liste et le refus d’intégrer les questions essentielles dans le programme ont coûté une victoire assurée à l’union. Les villes de Saint-Denis, dirigée par Gilbert Annette, et de Saint-Paul, dont Huguette Bello était encore maire l’an dernier, ont contribué de manière décisive à la défaite. Avec près de 53 % des suffrages, la liste Didier Robert devance celle conduite par Huguette Bello, qui recueille à peine plus de 47 % des exprimés. Quant à la participation, elle a augmenté pour atteindre 55 %.

Huguette Bello pas rassembleuse et le refus d’intégrer les enjeux importants dans le programme ont fait pencher la balance du côté de Didier Robert alors que la victoire était promise.

Le 6 décembre dernier, La Réunion faisait partie des régions ayant le plus fort taux d’abstention, avec plus de 55 %.

Hier au 2e tour, la situation était beaucoup plus claire, avec un duel de deux listes. Malgré cela, la participation a connu une modeste progression, avec un taux de 55 %. Près de la moitié des électeurs n’a pas voté. Cela signifie que près de 300.000 Réunionnais n’ont pas participé au scrutin. C’est la traduction d’un monde politique coupé de l’opinion publique.

Les données sont connues. Le taux de chômage atteint près de 30 %, 60 % des jeunes sont au chômage, et près de 180.000 Réunionnais sont inscrits à Pôle Emploi. Plus de 40 % des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté. C’est la crise du logement avec des dizaines de milliers de familles qui vivent encore dans des habitats insalubres.

Au cours du prochain mandat des élections régionales, la population augmentera de 50.000. L’île aura donc plus de 900.000 habitants.

33.000 voix d’avance après le premier tour

Concernant ces élections régionales, rappelons qu’avant le premier tour, des discussions avaient commencé pour constituer l’union. Une délégation du PCR s’était ainsi rendue au congrès de la Fédération socialiste. Le PCR a eu une réunion avec Gilbert Annette, le responsable socialiste de la campagne des élections régionales. Ce dernier a rompu en annonçant dans la presse la constitution d’une liste ayant Huguette Bello à sa tête.

Le PCR a continué à rechercher l’union. Elle s’est faite en partenariat avec le Progrès. Pour faciliter cette union, le PCR a accepté que Patrick Lebreton, président du Progrès, soit la tête de liste.

Au premier tour des élections régionales, le résultat a été le suivant.

Didier Robert est arrivé en tête avec plus de 107.000 voix, soit 40 %. Huguette Bello était en seconde position avec 23 %, Thierry Robert troisième avec plus de 20 %, Patrick Lebreton plus de 7 % et en cinquième position, Jean-Hugues Ratenon avec 1,61 %.

Les listes arrivées de la 2e à la 5e place sont des opposantes à Didier Robert. L’addition de leurs voix leur donnait 33.000 voix de plus que la liste conduite par Didier Robert.

L’avance d’une liste d’union pour le second tour était alors considérable. Elle devait se traduire par une victoire sous certaines conditions.

Le PCR exclu

Tout d’abord, la liste devait rassembler. À cette condition, Huguette Bello ne pouvait pas obtenir la tête de liste.

Ensuite, le programme devait rappeler les principaux enjeux. Tout d’abord le changement climatique, qui s’illustre par la tenue au même moment de la COP21.

Le deuxième point était la question du statut, partie du prochain projet de loi du gouvernement sur l’égalité réelle.

Le troisième point est la crise qui s’annonce à cause de la fin du quota sucrier en 2017. 18.000 emplois sont menacés.

D’autres points sont également à l’ordre du jour : octroi de mer, défiscalisation, accords de partenariat économique.

Après le premier tour, il n’y a pas eu de discussion sur la représentation du PCR sur la liste d’union. Le PCR a été aussi exclu des discussions sur le programme.

La victoire de l’union face à la liste de Didier Robert était inévitable. Mais du fait de la situation créée par le choix de la tête de liste, et à cause du programme, les chances de succès étaient compromises pour le second tour.

Au premier tour, Didier Robert avait l’appui de 14 maires dont 8 étaient sur la liste, tout comme le président de la Chambre de commerce et celui de la Chambre des métiers, sans oublier la présidente du Conseil départemental.

Didier Robert avait donc le soutien de toutes les institutions de La Réunion, mais au premier tour il n’a fait que 40 %.

Avec plus de 30.000 voix d’avance, 53 % des suffrages contre 40 %, la possibilité de battre Didier Robert existait.

Le désastre du second tour

Mais la liste conduite par Huguette Bello a subit hier un désastre. Elle a recueilli hier 18.000 voix de moins que celle de Didier Robert au lieu des plus de 30.000 d’avance prévues. On a jamais vu une défaite pareille. De 53 % au premier tour, la fusion des listes et ses soutiens n’a obtenu que 47 %, une chute de 6 points.

Pour sa part, la liste de Didier Robert progresse de 40 % à 53 %.

La démonstration est faite que Huguette Bello ne rassemble pas. Au contraire, le choix de la placer en tête de liste a fait reculer l’union.

Huguette Bello et Gilbert Annette sont les premiers responsables de la défaite. Les résultats de Saint-Denis, dirigée par Gilbert Annette, et de Saint-Paul, qui avait comme maire Huguette Bello jusqu’à l’an dernier, ont été décisifs : 8.400 voix d’écart à Saint-Denis et plus de 5.000 à Saint-Paul. Cela fait une différence de 13.000 voix en faveur de Didier Robert dans des communes qui auraient dû accorder une avance à l’union.

Ceux qui ont accepté l’union conduite par Huguette Bello partagent à un degré moindre la défaite.

Les élus au pied du mur

Au lendemain des élections régionales, la situation est la suivante. Dans quelques semaines, le débat sur le changement de statut sera à l’ordre du jour alors que Huguette Bello et Didier Robert n’en ont pas parlé pendant la campagne.

Les autres sujets essentiels ont été oubliés : pas un mot sur la canne à sucre, sur l’octroi de mer, sur la défiscalisation, sur les APE, sur le changement climatique.

Maintenant, les nouveaux élus sont au pied du mur. Ils devront gouverner dans un contexte de restriction budgétaire, avec un nouveau développement de la crise sociale.

Si la liste opposée à Didier Robert était conduite par une personne rassembleuse, et si elle avait eu un programme qui tenait compte des enjeux, alors la victoire aurait été possible.

Ce second tour des élections régionales montre l’écrasante responsabilité de ceux qui ont transformé une victoire assurée en une défaite incroyable. C’est un gâchis que les Réunionnais vont payer pendant des années.

Résultat global à La Réunion

{{}} Premier tour (cumul des 4 listes) Second tour Variation
Listes Voix % Voix % Voix %
Liste Bello-Annette-Thierry Robert-Lebreton soutenue par JH Ratenon 140650 53% 155896 47% 15246 -6%
Liste Didier Robert 107281 40% 173592 53% 66311 + 13%

NDLR : trois listes séparées au premier tour - Bello-Annette, Thierry Robert et Lebreton - ont fusionné en une seule au second tour. Elles étaient soutenue par JH Ratenon, tête de liste au premier tour qui n’a pu atteindre la barre des 5% nécessaire pour fusionner.
Le score du premier tour est donc l’addition des voix obtenues par chacune de ses 4 listes. Autrement dit, la somme des suffrages portés sur ces 4 listes représentait au premier tour 53% des exprimés.

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