De 2018 à 2019

Renforcer le mouvement social pour construire La Réunion

31 décembre 2018, par Manuel Marchal

L’année 2018 a été marquée à La Réunion par le renforcement du mouvement social. Les syndicats et les organisations progressistes ne sont plus seules à mener le combat, elles ont été rejointes dans la lutte par un mouvement social inédit, déclenché par l’importation à La Réunion du phénomène des gilets jaunes, et qui a permis aux différentes couches de la société de se parler, de se connaître et d’agir ensemble. Eu égard à l’ampleur des revendications et aux faibles gains pour le moment obtenus, cette mobilisation ne pourra que s’amplifier.

Les Réunionnais sont toujours un peuple profondément révolté par les injustices, c’est ce qui reste un des principaux enseignements de l’année 2018 qui se termine. La politique d’Emmanuel Macron alliée à celle de la Région Réunion de Didier Robert ont en effet été la cause d’un mouvement social qualifié par les observateurs comme sans précédent depuis l’abolition du statut colonial de La Réunion en 1946.

Cette référence est en effet importante. La fin de la colonie de La Réunion s’est faite à la suite du rassemblement de plusieurs classes sociales autour d’un objectif commun : mettre fin à la misère qui faisait de La Réunion un des pays où le taux de mortalité était parmi les plus élevés au monde. Les changements opérés au cours des années 1930 en France sous l’impulsion du Front populaire ont inspiré les progressistes réunionnais. Dans notre île, le mouvement social de l’époque s’est fait autour des syndicats, principalement cégétistes, qui ont structuré leur action sur le plan politique en créant le Comité républicain d’action démocratique et sociale (CRADS). Ce front de libération a réussi à tenir l’objectif fixé : faire abolir le statut colonial pour que s’applique notamment la Sécurité sociale. Les Réunionnais ont ainsi arraché grâce à la lutte le droit de pouvoir se soigner sans hypothéquer leurs biens. Ce fut le point de départ d’une autre lutte, celle de l’égalité, afin que la seconde partie de la loi votée le 19 mars 1946 soit appliquée, c’est-à-dire l’extension à La Réunion de la totalité des conquêtes sociales existantes ou à venir en France.

La Réunion pas développée

Au lieu de soutenir l’égalité et d’accompagner les Réunionnais dans le développement de leur pays, les gouvernements français ont préféré maintenir l’île dans le non-développement. Pendant les Trente Glorieuses, La Réunion était un réservoir de main-d’œuvre bon marché pour l’industrie et les services de la France. Pour mener à bien cette politique, Paris a divisé le mouvement social victorieux en 1946 en créant de toutes pièces une nouvelle classe qui a comme spécificité celle d’avoir un supplément de revenu pour acheter la vie chère. Cela lui donna les moyens d’acquérir des produits importés d’Europe et donc de faire du modèle occidental la référence en termes de consommation. Le résultat de cette politique est la situation sociale actuelle, qualifiée de hors-norme par le Conseil général et l’INSEE en 2013 lors de la publication d’une étude dans le cadre de la visite à La Réunion du Haut-commissaire à la lutte contre la pauvreté.

Mais pour la majorité de la population, pas de prime de vie chère et, en raison du refus de développer La Réunion, pas d’emploi non plus. Les conditions d’une explosion sociale sont donc réunies, et la politique d’austérité menée depuis 2008 par Paris a fragilisé la digue que constitue l’aide sociale.

L’impact du numérique

La décision de la Région Réunion d’augmenter la taxe sur les carburants alors que rien ne l’y obligeait a été le détonateur. Son président, Didier Robert, est devenu le symbole d’une certaine classe politique rejetée par la population en raison de son inefficacité.

En France la même décision sur le prix des carburants était à l’œuvre pour le déclenchement du mouvement des gilets jaunes. L’importation de ce phénomène était donc très facile à La Réunion. Et c’est cette raison qui explique le mouvement social de grande ampleur démarré le 17 novembre dernier.

Cette mobilisation a libéré la parole de Réunionnais opprimés par le système. Des voix ont réussi à dépasser les tentatives de récupération menées par l’ancien monde attaché à un système à bout de souffle. Elles demandent la remise à plat, la transparence dans les décisions et le droit à prendre des responsabilités dans les choix qui engagent l’avenir de La Réunion. Ce mouvement construit son savoir sans passer par les médias traditionnels. Il a réussi à intégrer les apports des nouvelles technologies de communication pour s’informer et s’organiser. Il a créé sur les barrages des espaces d’échanges inédits permettant à des Réunionnais issus de différentes générations et classes sociales de se parler, de partager leurs préoccupations et leurs espoirs.

2019 année de la responsabilité

Les réponses concrètes du pouvoir ont été bien en deçà des revendications. Aussi, toutes les raisons à l’origine de la crise sociale à La Réunion ne sont toujours pas traitées. C’est pourquoi les conditions sont réunies pour que le mouvement continue et s’amplifie.

Cette mobilisation coïncide avec les célébrations du 60e anniversaire du Parti communiste réunionnais. Les revendications de responsabilité soulignent combien les idées communistes ont réussi à imprégner la société. Se revendiquer du peuple réunionnais est pour beaucoup une fierté, et c’est précisément ce droit d’être un peuple pour lequel se bat le PCR depuis sa fondation en 1959, en pleine période de répression.

Pour transformer le mouvement en avancées politiques, le PCR propose la convocation d’une Conférence territoriale élargie afin que toutes les forces vives puissent s’y exprimer et travailler ensemble à la construction d’une nouvelle Réunion. Cette solution de responsabilité rencontre toujours plus d’échos. Gageons qu’elle soit un des temps forts de l’année qui vienne, et que 2019 soit l’année de la responsabilité.

M.M.

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