Paul Vergès commente la campagne électorale

« Rien ne presse... »

23 mars 2007

Quand Paul Vergès s’exprime « en simple citoyen », c’est pour mieux mettre en avant les projets dont il est le pilote et la cheville ouvrière à la Région, avec l’Alliance, sans impliquer ni l’institution ni l’organisation, pour des raisons que le contenu des propos qui vont suivre éclairera de façon évidente.

Paul Vergès a voulu hier « faire le point » sur la campagne électorale et couper court d’une part à des spéculations qui éloigneraient les électeurs réunionnais de la prise en compte de « l’intérêt général de La Réunion », et d’autre part à l’« OPA hostile » des socialistes locaux en prévision des législatives.

« Pas d’affolement »
, « pas de frénésie », « ne pas faire la boue avant la pluie »... le citoyen Paul Vergès a multiplié les appels à ne pas céder aux sirènes qui voudraient faire passer les affrontements hexagonaux - du moins tels qu’ils apparaissent dans les échos de campagne - avant la prise en compte des questions « qui sont au cœur de la situation économique et sociale de La Réunion : chômage, précarité, logement, jeunesse, coût de la vie ». « Les affrontements qui parlent d’autre chose passent à côté de l’essentiel » a-t-il dit.
On connaît le souci du leader politique communiste d’entraîner ses concitoyens à “penser en Réunionnais”, politiquement parlant, ce qui a toujours consisté pour lui à mettre les problématiques réunionnaises au cœur des relations avec les institutions et les politiques de l’Hexagone. De là a découlé sa politique du Rassemblement des forces vives et les efforts pour faire comprendre au plus grand nombre la nécessité de parler “d’une même voix”.

Comment maintenir cette ligne constante dans la cacophonie d’une campagne électorale que caractérise à ses yeux une « grande incertitude sur l’issue du scrutin » ? En demandant aux Réunionnais de considérer d’abord le programme politique élaboré par les forces vives qui dirigent la Région et d’en faire la pierre angulaire de leurs relations - très occasionnelles - avec les candidats à l’élection présidentielle. Une gymnastique qui en agace certains, qui en exaspère d’autres...
« Certains s’étonnent de la démarche et moi je m’étonne de leur étonnement. Nicolas Hulot a fait exactement comme nous ! », commente Paul Vergès en soulignant la communauté d’esprit des deux démarches, visant à faire prendre en compte par dix des douze candidats en lice, des questions qu’ils auraient “naturellement” tendance à négliger ou laisser au second plan.
A ceux qui s’offusquent : “Comment peut-on conditionner son choix à une prise de position sur un programme régional ?”, Paul Vergès répond que cette façon de poser le problème est inquiétante « quand ceux qui la posent reconnaissent généralement la spécificité et la gravité de la situation réunionnaise ». Et lorsqu’ils auraient l’occasion de mettre cette spécificité, ces problèmes particulièrement graves, au cœur d’un contrat politique - celui qui lie le premier des élus à ses mandants - ils ne le feraient pas ?

Par souci pédagogique, Paul Vergès revient sur la bataille pour l’égalité. « L’égalité sociale que nous n’avions pas eue en 40 ans, nous l’avons obtenue en 8 ans » a-t-il dit. C’était la même méthode d’interpellation des candidats avant le premier tour de 1988 ; cela a valu aux communistes réunionnais une brouille historique avec les dirigeants du PCF mais en 1996, l’esprit de la loi de 1946 était enfin respecté.
« C’est la même démarche, avec une différence fondamentale : nous demandons aux candidats de sauvegarder cette fois un acquis », poursuit Paul Vergès en détaillant les longues discussions qui ont abouti à l’accord signé en janvier dernier à Matignon. En obtenant que l’Etat s’engage pour le financement de la route littorale et du tram-train, la Région a obtenu d’abonder le volume des crédits destinés à notre île - contrat de plan et programme d’orientations européens compris, « alors qu’on envisageait un recul de 15% à 20% des fonds européens » - dans des proportions jamais atteintes précédemment : plus de 4 milliards d’euros. « C’est la base de notre développement ; c’est ce qui nous différencie des autres régions et c’est programmé sur une période (2007-2016) beaucoup plus longue que le mandat présidentiel et législatif. Pratiquement, le travail est fait, les crédits sont là ! », soutient Paul Vergès.

Pourquoi demander l’appui des candidats dès maintenant ?
Pour ne pas répéter le précédent de 1981, glisse Paul Vergès. « A l’alternance, le ministre de l’économie et des finances (Jacques Delors et Laurent Fabius au Budget - Ndlr) a été tenté de ne pas respecter l’engagement pris par Raymond Barre, sur les 481 millions promis à l’extention du port Est ».
Or, devant l’accord de janvier, tant les déclarations de Jean-Paul Virapoullé parlant « d’accord foireux », puis « bidon », que celles de Gilbert Annette impliquant la candidate socialiste - dont il est ici le représentant - dans une surenchère incertaine, montrent qu’un engagement précis de chaque candidat sur le respect de la continuité de l’Etat n’est pas un luxe.
Entre les deux, la versatilité de l’UMP-UDF Jean-Paul Virapoullé et le peu de crédit dont il jouit hors des cantons saint-andréens semblent moins préoccuper Paul Vergès que l’attitude de Gilbert Annette. « Si le représentant de la candidate socialiste parle de “tour de passe-passe”, où est la garantie que les engagements seront tenus ? » demande Paul Vergès, qui attend des dirigeants socialistes nationaux - Ségolène Royal ou François Hollande - une réponse claire. « Gilbert Annette ne peut pas dire à la fois que c’est un mauvais contrat, et que sa candidate augmentera la part de l’Etat si elle est élue », a dit Paul Vergès en rappelant la polémique sur le péage et la nécessité d’une clarification entre la candidate socialiste et son représentant à l’île de La Réunion (voir encadré).

Au final, ce qui ressort des mises au point de Paul Vergès est que la seule référence vraiment importante pour La Réunion, dans une campagne électorale par ailleurs assez morne, c’est le “socle du développement” que constitue l’ensemble des Propositions pour la nouvelle étape du Développement. Préparées par la majorité régionale (Alliance), elles ont été adoptées à une très large majorité - 32 élus sur 45 - le 13 février dernier, soit deux jours après le soutien public que leur avaient apporté les quelque 3.500 personnes rassemblées à Saint-Denis.
Dans la lettre que l’Alliance a adressée à chacun des dix candidats avec les Propositions..., ces dernières sont présentées comme constituant « les éléments du contrat qui pourrait être noué entre les Réunionnais et le futur président de la République », contrat dont « la base fondamentale » reste les trois documents contractuels évoqués plus haut.
« Nous ferons connaître partout qui a répondu oui au programme de l’Alliance. Cela ne vaudra pas pour appel au vote ». Et cependant, il faudra bien voter... Le non-dit de cette attitude est de renvoyer chacun(e) à des préférences que le leader communiste souhaite voir subordonnées aux priorités réunionnaises.
Pour le reste, Paul Vergès donne rendez-vous « le soir du 1er tour, à ceux qui le pressent » pour un commentaire circonstancié « sur le résultat de nos consignes ». C’est sans surprise. Il en est déjà persuadé : « la grande gagnante, ce sera l’Alliance » ! Ou comment remporter une élection sans se présenter...

P. David


Le “cas” socialiste

« Les OPA hostiles, ça ne passe pas en politique ! »

Le principal souci du leader politique de l’Alliance est de n’accepter aucune attitude qui viserait à « obliger l’Alliance à se plier à n’importe quoi ». Et de ce point de vue, les agressions permanentes des dirigeants socialistes locaux sont préoccupantes, aux yeux de Paul Vergès, parce qu’elles compromettent les chances de la candidate socialiste. « Mme Ségolène Royal est victime aujourd’hui de la position sectaire des socialistes de La Réunion », a-t-il dit hier en qualifiant cette position « d’erreur d’analyse stratégique fondamentale ».
Parce qu’il y a trois mois, la candidate socialiste était donnée par un sondage à 70% à La Réunion, les socialistes locaux en ont déduit qu’ils n’avaient « besoin de personne au 1er tour ». En filigrane ressort la vieille querelle hégémonique que les socialistes locaux font au PCR depuis au moins 25 ans.
Selon Paul Vergès, les attaques des socialistes réunionnais contre la Région, contre l’accord de janvier ou contre la moindre de ses décisions, « sont dictées par cette analyse ». Cela le laisse imperturbable, alors même que le projet de tram-train ne cesse de progresser, y compris parmi les maires UMP du Sud. « Il n’y a qu’un maire qui refuse, c’est celui de Saint-Joseph, où le tram-train pourrait arriver un an avant la route littorale sécurisée » note Paul Vergès.
Le projet régional non plus n’a pas été voté par les socialistes, qui soit étaient absents soit n’ont pas pris part au vote.
« Pourquoi une telle hostilité ? Tout ça pour un bénéfice politique qui est en train de s’évaporer : il n’y aura pas de tsunami Ségolène Royal, et pas non plus de raz de marée socialiste aux législatives » ajoute-t-il.
« N’importe quel citoyen votant Ségolène Royal ne votera pas nécessairement pour Annette, Fruteau ou Lebreton aux Législatives. Les OPA hostiles, ça se voit en Bourse. Ça ne passe pas en politique ! »
D’autant que les arguments socialistes dans la campagne sont à géométrie variable : quand ils ne pensent pas n’avoir “besoin de personne” au 1er tour, ils n’hésiteraient pas à dire aux électeurs « Ça va être très serré, oubliez vos convictions ! » Un argument que Paul Vergès trouve « malhonnête » et « déloyal ».


François Bayrou à La Réunion

« S’il a fait le plein, il aura perdu son pari »

François Bayrou, le candidat « ni droite ni gauche » arrive aujourd’hui à La Réunion. Paul Vergès a commenté son positionnement sans jugement de valeur, parlant d’une situation « politiquement claire ». « Le PS essaie de rassembler toute la gauche, Sarkozy s’efforce de faire la même chose à droite. Or droite et gauche sont très divisées. Bayrou doit donc prendre des deux cotés, c’est d’une logique imparable », a-t-il dit.
Non moins logique, cette déduction de Paul Vergès, disant qu’il ne peut que continuer à monter... ou descendre ! « C’est celui qui arrive à rassembler et à cimenter qui l’emporte. Si on rassemble une motte de beurre et qu’elle fond... Tout dépendra des quinze prochains jours : ou il continue à progresser, ou... s’il a fait le plein, il aura perdu son pari », a dit Paul Vergès. Encore un rendez-vous décisif...

P. D.


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