Un article de Philippe Berne

Route des Tamarins : le respect de la vérité

19 octobre 2013

« En découvrant les panneaux d’exposition des 30 ans de la Région, à travers certains articles ou certains propos tenus ici ou là, je suis étonné de constater à quel point on peut réécrire l’histoire et dévoyer la réalité. Que l’on soit de bonne ou de mauvaise foi cela est inquiétant ».

Philippe Berne aux côtés de Claude Guéguen, ancien Directeur du chantier de la Route des Tamarins, lors de la visite d’une délégation de Madagascar conduite par le ministre des Travaux publics. Cette photo a été prise sur le pont surplombant la Grande Ravine de plus de 100 mètres.
(photo d’archives M.M.)

Conseiller régional de 1983 à 2010, et responsable de la commission aménagement durant ces 27 ans il est de mon devoir d’apporter mon témoignage simplement pour le respect de la vérité.

Oui, si la route des Tamarins existe aujourd’hui, c’est grâce à la volonté politique constante de Paul Vergès. C’est bien Paul Vergès qui a défendu dans les années 90 auprès de Pierre Lagourgue, l’idée d’une route de moyenne altitude. Et c’est lui, qui à la tête de la Région, en a fait une priorité lors de ses 2 mandatures de 1998 à 2010.

Pierre Lagourgue pour une route le long du littoral

Un rappel historique est nécessaire. Fin des années 80, Pierre Lagourgue, alors Président du conseil Régional, lance le plan d’aménagement à long terme (PALT) qui définit notamment l’armature du réseau des routes nationales. Son objectif est de réaliser tout au long du littoral, de Saint Benoit à Saint-Pierre la mise à 2 fois 2 voies des routes nationales.

C’est ainsi qu’est réalisée la 2 fois 2 voies entre l’Étang salé et Saint-Louis et entre La Possession et Saint-Paul. Mais cette volonté de Pierre Lagourgue se heurte à l’opposition du maire de Saint-Paul, Paul Bénard qui refuse que l’on prive sa commune de l’accès à la mer. Un compromis provisoire est trouvé avec la première déviation de Saint-Gilles. Mais le problème de la mise en 2 fois 2 voies reste entier pour la traversée rapide de Saint-Paul, Saint-Gilles et la Saline.

C’est alors que Paul Vergès vice-président du conseil régional, plaide pour un tracé en moyenne altitude. Cette orientation permet de structurer les agglomérations de mi-pente de l’ouest, facilite les relations ouest-sud et libère l’accès à la mer pour le développement touristique.

La conviction de Paul Vergès

En 1990, le Président Lagourgue organise une réunion avec Paul Vergès, Camille Bourhis et moi-même (élu délégué respectivement aux routes et à l’aménagement) et Monsieur Dutruy directeur de la DDE. Lors de cette réunion que j’ai encore en mémoire, Paul Vergès plaide avec conviction pour une liaison de moyenne altitude entre Saint-Paul et l’Etang-Salé. Le président Lagourgue accepte de prendre en compte cette proposition et décide de la soumettre à la Direction Nationale des routes (l’État ayant à l’époque la compétence principale sur les R N). L’État valide alors la proposition. Entre temps, élu conseiller municipal d’opposition à Saint-Paul, Paul Vergès convainc le nouveau maire Cassam Moussa de la justesse de cette solution. Un accord entre l’État, la Région, et la commune de Saint-Paul se fait sur le principe d’une route de moyenne altitude. C’est alors que débuteront sous la responsabilité de l’État les premières études de tracés de cette route.

Ce que personne ne peut contester

Sous la présidence de Margie Sudre, c’est le tracé de l’IHO (itinéraire des hauts de l’ouest) qui est lancé à l’étude. Mais le principe du péage fait retoquer le projet par le Conseil d’État.

Élu Président du Conseil Régional, Paul Vergès fait adopter le principe d’une route expresse de moyenne altitude, sans péage, lors de l’assemblée plénière de juin 1998.

En décembre 1998, le Conseil régional lors d’un grand débat public sur les déplacements, arrête 8 priorités dont le projet qui deviendra la route des Tamarins. À partir de là tout va s’accélérer.

Les études du tracé sont réalisées, le 11 octobre 2000 le ministre de l’Équipement approuve l’avant-projet sommaire modificatif.

Décembre 2000 et janvier 2001 enquête publique, octobre-novembre 2001 enquête complémentaire sur les modifications au projet (Cap la Houssaye et Piton Saint-Leu), 3 mai 2002 décret déclarant l’opération d’utilité publique, 21 janvier 2003 l’État délègue la maîtrise d’ouvrage à la Région, mai 2003 début des travaux (pistes d’accès aux chantiers), mars 2004 notification du premier gros marché de terrassement et des premiers marchés d’ouvrages d’art non courants, 12 juillet 2005 inauguration du chantier sur le site des viaducs de Fleurimont, juin 2009 mise en service de la route des Tamarins.

Résultat d’une volonté politique

Toute la seconde mandature de Paul Vergès a été marquée par la réalisation de ce chantier. Celui-ci a pu être mené à bien qu’à partir d’une volonté politique ferme et de la priorité donnée à cette route dans l’organisation du budget et des moyens de la collectivité régionale.

Je me souviens parfaitement de ces assemblées plénières et des prises de position de ceux qui dénonçaient le coût du chantier « un budget au gout de tamarin amer » disait tel élu... ou ceux qui contestaient le choix d’aménagement « un projet qui déménage le territoire » affirmait un autre élu...

Heureusement la majorité régionale et certains de l’opposition ont tenu le cap et permis la concrétisation de ce magnifique ouvrage inauguré par le Président de région et le Premier ministre le 9 juillet 2009.

Pierre Lagourgue a su renoncer à son projet initial

Jamais la réalisation d’un grand chantier n’a été le fruit d’une telle volonté politique que le fut la route des Tamarins. Bien entendu cette grande œuvre réunionnaise doit sa réussite à de nombreux acteurs : tous les élus qui ont soutenu le projet, les services de l’État, le personnel de la Région, les entreprises et leurs techniciens, les nombreux travailleurs du BTP.

Le grand mérite de Pierre Lagourgue, dont tout le monde louait le sens de l’intérêt général et la capacité d’écoute, a été de savoir renoncer à son projet initial de route sur le littoral pour prendre en compte la proposition de Paul Vergès. Mais c’est bien Paul Vergès qui a imaginé et réalisé ce grand chantier.

Ceux qui tentent de réécrire l’histoire, animés par des préoccupations politiciennes dérisoires et mesquines, doivent s’incliner devant la réalité des faits.

Philippe Berne, conseiller régional de 1983 à 2010

Route des TamarinsPaul Vergès

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Messages

  • Bonjour a tous,
    Petite rectification:le directeur de la route des Tamarins s’appelait Jean-Jacques Gueguen et non Claude.

    Je travaillais pour lui et c’était un homme exceptionnel aux qualités humaines et techniques rares. On était une petite équipe très soudée et grâce a tous les acteurs et notamment aux entreprises la route a pu être livrée a l’heure et en très bonne qualité.
    Philippe Berne a aussi joué un grand rôle pour le bon déroulement de ce projet. Ce sont des hommes qui mettaient l’intérêt général en premier et qui étaient droit.

    Coordialement,

    Antonin


Témoignages - 80e année


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