Comment financer les nouvelles dépenses avec un tel déficit budgétaire ?

Sarkozy pourrait s’attaquer aux “niches fiscales”

6 avril 2004

Le nouveau ministre de l’Économie et des finances, Nicolas Sarkozy, doit à la fois contenir le déficit budgétaire de la France et financer les mesures promises par Jacques Chirac (maintien de l’ASS, TVA sur la restauration, exonération de la taxe professionnelle, baisse des impôts...). Il est encore resté très flou sur sa stratégie, mais Pierre Méhaignerie vient de lui “donner une idée” : s’attaquer aux “niches fiscales”...

Nicolas Sarkozy, le nouveau ministre des Finances, a une mission qui s’annonce particulièrement compliquée, voire impossible en l’état actuel des choses, de l’avis même des économistes. Ceux-ci font preuve de pessimisme : "Du côté des entreprises comme de la consommation, on ne voit pas la situation s’améliorer dans les 3, 4 ou 5 prochaines années", explique l’un d’eux.
"La croissance est faible, les déficits sont importants, la concurrence fiscale européenne nous empêche d’augmenter les impôts, mais nous avons besoin de nouvelles dépenses pour que notre industrie, notamment technologique, puisse être compétitive", poursuit un autre.
Quelle stratégie va donc adopter le ministre pour faire redémarrer la croissance ? Les marges de manœuvre budgétaires sont nulles ou presque : la croissance a été inexistante en 2003 (+ 0,2%). La France s’est engagée auprès de Bruxelles à repasser sous la barre des 3% du PIB en 2005. Le déficit public devrait à nouveau dépasser les 4% en 2004, alors que l’INSEE prévoit cette année une "croissance sans éclat".
Et il va falloir financer les mesures promises par Jacques Chirac : maintien (provisoire) de l’ASS, “coup de pouce” aux chercheurs, équilibrer le régime de l’assurance maladie (dont le déficit prévisionnel est estimé à de près de 15 milliards d’euros) pour 2004, financer la baisse de la TVA sur la restauration, continuer de réduire l’impôt sur le revenu, l’exonération de la taxe professionnelle pour les nouveaux investissements etc...

Dans le flou

Face à ces défis, le ministre des Finances s’est contenté de donner de grands objectifs pour définir sa politique : "Tout sera fait pour la croissance et l’emploi. Mais pour réduire le déficit, il ne faut pas casser la croissance", déclarait-il samedi.
Cependant, il est resté très vague sur les moyens qu’il comptait employer. Et de préciser que "le gouvernement ne veut pas augmenter les impôts", mais sans évoquer d’éventuelles futures baisses de ceux-ci, pourtant promises par Jacques Chirac.

Haro sur les fonctionnaires

Il va donc falloir faire des économies. Et Sarkozy devra se décider très vite, car l’élaboration du budget 2005 commence dans les toutes prochaines semaines. Les ministres vont recevoir leur “lettre de cadrage” ; en clair : les sommes qui leur sont attribuées. Et cela pourrait donner lieu aux premières surprises.
Au sein de l’UMP, certaines voix s’élèvent pour revoir l’ordre des priorités, comme par exemple l’accroissement des crédits accordés à la Défense. Toujours dans le même camp politique, certains estiment que dans cette “chasse aux économies”, c’est dans le secteur de la fonction publique qu’il faut travailler. Rappelons que l’année dernière, les ministères de l’Économie d’une part et de l’Équipement d’autre part n’ont remplacé qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Dans l’ensemble de l’administration, entre 50.000 et 60.000 fonctionnaires devraient partir à la retraite d’ici à 2010. Un chiffre annuel. Le calcul a rapidement été fait par des membres de l’UMP : il y a là un “gisement” d’économies, évalué, en vitesse de croisière, à 5 milliards d’euros par an.

Haro sur les “niches fiscales”

Pierre Méhaignerie, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, déclarait, dimanche dernier sur “France Inter”, qu’il voulait "réexaminer certaines niches fiscales" dans le cadre du budget 2005, qui sera "extraordinairement difficile".
"Les nouvelles dépenses doivent être limitées, des économies doivent être trouvées ailleurs, je pense peut-être à réexaminer certaines niches fiscales qui ne concilient ni l’exigence d’efficacité ni l’exigence de justice" précisait-il avant de poursuivre : "Il y a beaucoup de niches fiscales en France : 518. Et la baisse de l’impôt sur le revenu est nécessaire, mais la cohérence d’une baisse de l’impôt sur le revenu suppose que dans le même temps on supprime des niches fiscales qui parfois sont exagérées".
Interrogé sur le bilan du gouvernement Raffarin II, il a jugé : "il y a eu deux ou trois fautes de symbole : pourquoi une baisse de l’impôt sur le revenu de 3% lorsque quelques semaines plus tard on augmente le gazole ou on remet en question l’allocation de solidarité spécifique ? Même chose pour la TVA sur la restauration et les chercheurs".
Et le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, de conclure : "au Parlement, il y a un peu d’amertume dans l’air... Les députés qui s’exprimaient dans ce sens n’ont pas été suffisamment entendus".

Dominique Besson


Encore et toujours contre l’outre-mer...

Le 18 septembre dernier, Pierre Méhaignerie proposait "de supprimer des niches fiscales lors de la discussion du budget". Des “niches fiscales” qui, selon lui, subissent une "multiplication" et qui, grâce aux "dérogations", touchent essentiellement "les départements d’outre-mer".
Il reprenait à son compte les propos du Conseil des impôts dans son rapport intitulé : “La fiscalité dérogatoire : pour un réexamen des dépenses fiscales”.
Dans un entretien accordé le 19 septembre au journal “Le Figaro”, Pierre Méhaignerie avait réaffirmé sa volonté de lutter contre “les niches fiscales”, en particulier celles existant outre-mer.
Quelques jours plus tard, au moment du vote sur le budget 2004, la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale avait adopté 4 amendements ayant pour objectif de faire des économies pour "réduire le déficit" du budget : un de ces amendements concernait les DOM. C’était la suppression de la déduction de TVA (TVA non perçue récupérable). L’économie aurait été de 90 millions d’euros.
Un autre député UMP était monté au créneau, via un rapport : Marc Laffineur. Il proposait, lui, à l’État, de faire des économies sur les 1,2 milliard d’euros de sur-rémunérations outre-mer.
Pierre Méhaignerie avait alors expliqué que, dans l’urgence, sa préoccupation était “les niches fiscales” ; le reste, c’est-à-dire les sur-rémunérations, serait "regardé un peu plus tard".
Les deux députés avaient clairement fait savoir : "Afin d’encourager l’égalité entre l’outre-mer et la métropole, une réforme de la réduction de 30% ou 40% du montant de l’impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables ultra-marins apparaît nécessaire".
Il est vraisemblable que l’idée réapparaisse d’ici quelques semaines.

D. B.


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