Sortir des logiques de partis en Polynésie... et ailleurs

Se rassembler sur l’essentiel : ensemble pour le développement

1er août 2007, par Manuel Marchal

C’est un changement politique majeur qui s’opère en Polynésie. Constatant l’impasse dans laquelle se trouve le pays du fait de la bipolarisation, Gaston Flosse et Oscar Temaru discutent pour s’entendre sur l’essentiel afin de créer les conditions d’un large rassemblement pour le développement du pays. Cette démarche montre bien qu’il n’est pas possible que la moitié de la population d’un pays impose son projet à l’autre moitié, et que persister dans cette logique partisane ne peut que conduire au blocage. C’est la seule façon de créer le rassemblement d’un peuple qui parle d’une même voix afin de faire triompher une cause : le développement.

Confrontée à d’importants défis, la Polynésie est depuis de nombreuses années victime d’une instabilité politique qui l’empêche d’avancer. Tirant les enseignements de cette situation, le dirigeant d’un des deux plus grands partis du pays propose de sortir de la crise par la négociation d’un projet commun avec son adversaire le plus résolu. Les propositions polynésiennes, qui seront soumises au président de la République lors de sa prochaine visite, n’en auront que plus de poids. Autrement dit, les principaux dirigeants politiques du pays parleront d’une même voix à Nicolas Sarkozy.
Telle est le changement profond qui s’opère en Polynésie.
Gaston Flosse et Oscar Témaru ont en effet décidé de discuter ensemble d’un projet. Cette démarche n’est pas forcément comprise par tous les membres de leurs partis respectifs. Mais l’intérêt général suppose d’aller au-delà des clivages et d’en finir avec des logiques partisanes car les enjeux du développement sont trop importants.

Réconcilier et rassembler

Mercredi dernier, au Grand Conseil de son parti, Gaston Flosse avait notamment déclaré que si « une poignée d’individus sans scrupule a la capacité de faire basculer la majorité à sa guise et d’imposer ensuite sa volonté et même tous ses caprices au gouvernement, quel qu’il soit », « c’est aussi parce qu’ils savent que les deux blocs opposés, le Tahoeraa Huiraatira et le Tavini Huiraatira, sont incapables de se parler, de discuter et de s’accorder sur quoi que ce soit ».
« Il m’a paru que la seule solution raisonnable était de prendre acte de nos convictions opposées et de donner aux Polynésiens un délai pour faire définitivement leur choix », a souligné Gaston Flosse. Il propose que dans 20 se déroulera le referendum d’autodétermination du pays. Mais en attendant, les adversaires irréductibles d’hier s’engagent à s’unir pour sortir le pays de la crise.
Ils ont effet pris acte de l’impasse dans laquelle mène la logique de partis dans le contexte difficile auquel le pays est confronté. En effet, en 2004, le dernier scrutin a débouché sur un résultat serré : majorité et opposition ont totalisé approximativement le même nombre de voix. Ce clivage s’est retrouvé dans la répartition des sièges. Vainqueurs de justesse du scrutin, Oscar Temaru et ses alliés n’avaient qu’un siège d’avance à l’Assemblée. Dans de telles conditions, le résultat des urnes n’a pas permis la mise en œuvre d’un projet politique. En témoigne l’instabilité qui prévaut depuis lors à la tête de l’exécutif polynésien : 4 présidents se sont succédé à la tête du gouvernement en 3 ans.
Gaston Flosse et Oscar Temaru ont pris acte de la réalité qui s’impose : une moitié de la population ne peut pas imposer sa volonté à l’autre moitié. Ils choisissent donc de discuter ensemble d’un projet commun capable de réconcilier la population et de lui faire entrevoir la possibilité de travailler ensemble au développement du pays.

72% pour les Accords de Nouméa

Cette démarche n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé en Nouvelle-Calédonie. Dans ce pays, loyalistes et indépendantistes ne cessaient de se heurter violemment, ce qui a créé une très grave instabilité. La solution pour sortir de la crise a été la réconciliation et le travail en commun des adversaires irréductibles de la veille. C’est le sens de la signature en 1988 des Accords de Matignon par Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur. Une démarche prolongée par les Accords de Nouméa en 1998 (voir encadré) .
Cette démarche a été massivement approuvée par la population de Nouvelle-Calédonie : 72% pour le projet néo-calédonien. On est bien loin des scores étriqués qui découlent de l’affrontement de deux blocs que tout oppose.
Voici 29 ans, se déroulaient les élections législatives. En France, la gauche était donnée gagnante. À La Réunion, depuis des décennies, la situation politique était marquée par un fort clivage entre les partisans de l’autonomie et les autres.
Lors d’une conférence de presse, un journaliste demanda à Paul Vergès si au lendemain de la victoire de la gauche, l’autonomie allait être proclamée à La Réunion. Le président du PCR lui répondit que même si la gauche l’emportait, La Réunion resterait un département. Paul Vergès expliqua qu’il n’était pas possible qu’une moitié de La Réunion impose sa volonté à l’autre moitié. Seul un large rassemblement peut créer les conditions d’un changement.
Cela se vérifie dans de nombreux domaines. Toutes les conquêtes arrachées par les Réunionnais sont le résultat de luttes unitaires, autour de revendications essentielles, qui sont portées par une seule voix. Et en Polynésie, comme en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion, c’est le rassemblement qui est la condition pour faire avancer la bataille pour le développement.

Manuel Marchal


Extrait des Accords de Nouméa

« Refondation d’un contrat social »

« Les Accords de Matignon signés en juin 1988 ont manifesté la volonté des habitants de Nouvelle-Calédonie de tourner la page de la violence et du mépris pour écrire ensemble des pages de paix, de solidarité et de prospérité. (...)
Dix ans plus tard, il convient d’ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l’identité kanak, préalable à la refondation d’un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie. (...).
Les signataires des Accords de Matignon ont donc décidé d’arrêter ensemble une solution négociée, de nature consensuelle, pour laquelle ils appelleront ensemble les habitants de Nouvelle-Calédonie à se prononcer ».

Fenua - Polynésie

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