Jacques Barrot donne un camouflet à Jean-Pierre Raffarin

Transferts financiers avant transferts de compétences

8 avril 2004

Dans le dossier de la décentralisation, plusieurs points sont encore à l’étude. Il s’agit d’une part du texte de loi listant les compétences à transférer aux collectivités locales et, d’autre part, de la loi organique concernant l’autonomie financière des collectivités locales.
Le gouvernement Raffarin 2 avait mis la charrue avant les bœufs, puisqu’il avait choisi de faire étudier par le Parlement (Sénat puis Assemblée nationale) le dossier du transfert de compétences avant celui de l’autonomie financière des collectivités locales. Ce qui était une totale aberration.
Où en est-on aujourd’hui ? Le Sénat a bel et bien voté le texte sur les responsabilités locales (transfert de compétences), l’Assemblée nationale avait étudié tous les articles du texte (avant la pause parlementaire liée aux élections), mais devait se prononcer lors d’un vote solennel. Celui-ci aurait dû avoir lieu hier, mercredi 7 avril. Soit plus de cinq mois après sa première lecture au Sénat.
Ce vote a été reporté. Deux raisons : le basculement à gauche de la quasi totalité des Régions métropolitaines et d’outre-mer d’une part, et la demande de rendez-vous à Jean-Pierre Raffarin formulée par les élus de gauche sur cette question d’autre part. Le Premier ministre a bien pris acte de la demande de rendez-vous formulée. Mais d’après les informations en notre possession, aucune date n’a encore été fixée.

"Intégrisme décentralisateur"

À noter que la fronde contre Raffarin vient aussi d’un grand nombre d’élus UMP qui, comme les élus de gauche, s’inquiètent de la question des transferts financiers. Fronde hier, mais aussi aujourd’hui.
On attendait que Jean-Pierre Raffarin s’exprime sur ce sujet dans son discours de politique générale, lundi dernier devant les députés. Il n’en a rien été.
Il semblerait qu’il ait eu du mal à “avaler la couleuvre”, la décentralisation étant “son œuvre”, tout du moins le dossier sur lequel il comptait apposer “sa marque personnelle”. À tel point que cela avait provoqué un certain malaise au sein de l’UMP même : Jean-Louis Debré, le président de l’Assemblée nationale, avait parlé d’"intégrisme décentralisateur" de Raffarin...
Si lundi on n’a pas pu avoir de précision de la part de Jean-Pierre Raffarin, mardi on a obtenu quelques éléments de la part... du président du groupe UMP à l’Assemblée, Jacques Barrot. Celui-ci a en effet annoncé que la loi organique sur les transferts financiers aux collectivités locales serait, en fin de compte, examinée (aussi bien par le Sénat que l’Assemblée nationale) avant la seconde lecture du texte sur la décentralisation. Ce que Raffarin avait toujours refusé.

Quel financement ?

Ce refus de Raffarin se basait sur des calculs uniquement financiers. En effet, selon ses propres chiffres, cela aurait dû être près de 12 milliards d’euros que l’État allait devoir verser aux Régions et Départements. C’est le calcul de cette somme qui était mis en cause. Une évaluation “à la louche”, bien en deçà du montant réel du coût des transferts.
C’est ce qui avait fait dire à bon nombre d’élus - toutes tendances confondues -, que le gouvernement voulait se débarrasser de ses compétences à un coût moindre.
Ces mêmes élus - ceux qui ont le sens des responsabilités, tout du moins - avaient maintes fois tiré la sonnette d’alarme : le transfert de compétences est un transfert de déficit ; l’absence de prise en compte de la situation réelle des finances des Régions et Départements va avoir pour conséquence inéluctable de faire augmenter de façon très conséquente les impôts locaux.
Cette charge de Barrot contre Raffarin met en cause tous les efforts du Premier ministre pour faire passer “son projet” de décentralisation, qui consistait purement et simplement à appauvrir les Régions et Départements, en ne leur versant que quelques euros.
Mais cela va mettre Dominique De Villepin (le nouveau ministre de l’Intérieur, donc chargé de la décentralisation), dans un sacré pétrin. Il va devoir trouver les moyens financiers adéquats. Où ?

D. B.


Réactions syndicales

o UIR-CFDT : "Pas à la hauteur des attentes et des inquiétudes exprimées par les salariés"
En annonçant la poursuite - même avec des aménagements - de la politique menée jusqu’à maintenant, le Premier ministre ne répond pas aux inquiétudes et aux attentes exprimées par les salariés et au-delà par la population.
Le gouvernement affirme des priorités pour l’emploi et contre l’exclusion, pour la sauvegarde des systèmes de protection sociale, pour l’éducation et la recherche... Mais l’annonce du maintien de sa politique économique, basée sur des aides massives aux entreprises sans contreparties emploi, et la poursuite de la baisse des impôts, sans effet sur la croissance, privera l’Etat des moyens nécessaires à leur mise en œuvre.
A contrario, la confirmation de la suppression d’un jour férié en 2005 - pour financer les aides aux personnes âgées - souligne que ce sont toujours aux salariés que les efforts sont demandés.
Le gouvernement parie sur un retour mécanique de la croissance sans tout mettre en œuvre pour la favoriser et l’amplifier. L’UIR-CFDT considère qu’une des conditions de cette croissance réside dans une action plus déterminée favorisant notamment la consommation.
Pour les fonctionnaires, l’UIR-CFDT attend de l’Etat employeur un signal fort de reprise du dialogue social, à commencer par des véritables négociations salariales, et la mise en œuvre des engagements pris sur les retraites en ce qui concerne les carrières longues.
Pour l’UIR-CFDT, la priorité absolue doit être donnée à l’emploi par des efforts accrus contre le chômage de longue durée et l’exclusion, pour l’insertion des jeunes et pour l’amélioration de l’allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droits, qui doit intégrer un volet formation/insertion.
Enfin, s’agissant de l’avenir de l’assurance maladie, l’UIR-CFDT attend maintenant du gouvernement qu’il avance les grandes lignes de la réforme envisagée et le calendrier des discussions.
Pour l’UIR-CFDT, cette réforme n’est pas que le “trou de la Sécu” à combler. Elle doit d’abord améliorer notre système de santé pour réduire les inégalités et mieux répondre aux besoins des malades. Réorganiser, mieux diriger et financer : ce sont les trois défis à relever.
L’UIR-CFDT rappelle ses exigences :
1 - Une couverture complète pour chacun
2 - Une médecine de proximité disponible pour chacun
3 - Une politique de santé publique ambitieuse
4 - Pas de privatisation ! Mais, au contraire, plus de solidarité : la Sécu et les complémentaires doivent "assurer" ensemble
5 - Un système de santé davantage piloté, pour être plus efficace. Les responsabilités de chacun doivent être clarifiées
6 - Un financement juste et solidaire où "chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins".
Axel Zettor,
secrétaire général de l’UIR-CFDT

o SUD éducation Réunion :
"La décentralisation des T.O.S. : un cas d’école"
La décentralisation, c’est la privatisation des services : dans un premier temps, on transfère les personnels TOS aux Départements et Régions, ainsi que les fonds publics correspondants ; dans un second temps, les Départements et les Régions, à la recherche d’économies budgétaires, supprimeront des postes, par exemple en ne remplaçant pas les départs en retraite ; dans un troisième temps, ils lanceront des appels d’offres, auxquels répondront les entreprises privées de nettoyage ou de gardiennage, comme l’ont déjà fait des entreprises de restauration pour les cantines scolaires.
Par ailleurs, ces entreprises privées emploient bien souvent des personnels précaires travaillant à temps partiel et surexploités, bien loin des statuts de la fonction publique. Ce qui est naturel, puisque “l’offre retenue est la proposition économiquement la plus avantageuse” : le prix avant la qualité donc.
Seulement une affaire de T.O.S.? Non, mais le début d’un processus qui, à terme, vise tous les personnels - et surtout toutes les missions de l’École - pour se fondre dans le marché de l’éducation préparé par l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS).
Nous ne voulons pas du modèle anglais vanté par les libéraux de tous bords : des enseignants recrutés par les comités locaux d’éducation, sous la responsabilité de chefs d’établissement devenus chefs d’entreprise, licenciés quand ils déplaisent (pour le contenu de leurs cours ou pour leur indocilité) ; des budgets alimentés par les entreprises ou des "fondations", sous condition que les programmes et les formations conviennent à leurs objectifs...
Nous ne voulons pas que les Régions lancent des appels d’offres pour des actions de formation. C’est d’ailleurs déjà la cas, et cela risque de devenir la règle, puisque la Région Réunion lance régulièrement des appels d‘offres pour des actions de formation professionnelle (voir par exemple “le Quotidien” du 15 mars 2004).
Rappelons que le projet de décentralisation Raffarin confie la gestion de toutes les formations professionnalisantes (CAP, BEP, BTS, licences professionnelles) aux Régions. Le ver est donc dans la pomme...
Le gouvernement de Raffarin III affirme vouloir “poursuivre les réformes” ! Le PS a dit, dès le lendemain des régionales, que son objectif est d’obtenir le “report” de la décentralisation !
Dans la logique du grand mouvement social de mai-juin 2003, nous disons : “ni poursuite ni report des contre-réformes libérales” : SUD éducation Réunion affirme qu’il est temps de reprendre le combat contre la décentralisation Raffarin II et de s’opposer au saccage du service public d’éducation.
Dire non au transfert des TOS, c’est dire non à la privatisation des missions de l’Education nationale. Et c’est l’affaire de toutes et tous !
SUD éducation Réunion

o UNATOS - FSU : "Le gouvernement expose encore une fois le pays à un blocage massif"
Nous constatons malheureusement que le gouvernement et particulièrement son Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, refuse d’entendre le peuple et ne fait aucun cas du vote sanction des dernières élections en continuant ses réformes injustes et impopulaires. Ceci, malgré l’intervention des politiciens et élus de la majorité reconnaissant qu’ils doivent être à l’écoute des doléances de la population et que dorénavant ils seront plus près des attentes et revendications de cette population.
Le gouvernement expose encore une fois le pays à un blocage massif, notamment du système éducatif, car l’attitude du Premier ministre met gravement en doute la démocratie de ce pays.
Notre organisation syndicale ne peut rester sans répliquer dans les jours à venir pour défendre le système éducatif. Il n’est donc pas impossible que La Réunion reparte dans un même mouvement que l’année dernière, dans le même élan et avec la même détermination.
Christian Picard,
secrétaire général de l’Union Nationale des Agents techniques et ouvriers de service de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur de La Réunion (UNATOS) - Fédération syndicale unitaire (FSU)


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