Un an d’injustices - 4 -

29 mai 2008

Cadeaux fiscaux aux plus riches, déréglementation et dépénalisation de la sphère économique, démantèlement des protections sociales, destruction des libertés publiques : avec l’équipe de l’hebdomadaire “Politis”, nous vous proposons, dans les lignes qui suivent, un point supplémentaire au bilan d’une année de présidence sarkozyste, tant en termes de politique économique et sociale qu’en termes de politique pénale, de politique d’immigration ou d’écologie...

Police-Justice : feu sur les droits fondamentaux !

• Peine de sûreté

Conséquence de la politique de l’émotion née de l’affaire Évrard (pédophile récidiviste) et de l’affaire Romain Dupuy (meurtrier pour lequel un non-lieu psychiatrique a été prononcé), la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental permettra d’enfermer des criminels en fonction d’un pronostic de « dangerosité », donc pour des faits non encore commis. Elle permettra aussi de juger le malade mental quelle que soit sa compréhension de la situation, dans le but de rassurer sa victime.

Vis-à-vis de la rétention de sûreté, de nombreux professionnels et citoyens (www.contrelaretentiondesurete.fr) dénoncent la mise en place d’un dispositif qui relève d’une philosophie de l’enfermement et dénie à l’Homme toute possibilité d’amendement. Ils condamnent aussi le fait que la présomption d’innocence devienne secondaire avec ce texte, et que la justice de sûreté prenne le pas sur la justice de responsabilité.

• Réforme de l’Ordonnance de 1945 sur les mineurs

La ministre de la Justice a lancé le 23 avril un groupe de travail chargé de réformer (encore) l’ordonnance de 1945, qui pose le principe d’une justice sur mesure pour les mineurs, avec des magistrats et des juridictions spécialisés, des mesures et des sanctions adaptées. La primauté de l’éducatif sur le répressif, qui fait la valeur de ce texte, a « perdu de sa pertinence », selon Rachida Dati. Les mineurs seraient-ils plus dangereux qu’avant ? Si le principe d’une réforme du texte fait plutôt consensus, certains s’interrogent sur la direction de celle-ci. Quel âge minimum pour la responsabilité pénale ? Faut-il craindre qu’il soit fixé en dessous de la recommandation minimum du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies (12 ans) ? Il est aussi à craindre que, dans la lignée des peines planchers, l’ordonnance soit modifiée dans le sens d’une justice plus répressive. Pourtant, la réponse pénale aux actes délictueux d’adolescents atteint déjà 85%.

• Protection du secret des sources

Conformément à un engagement pris par Nicolas Sarkozy, Rachida Dati a présenté le 12 mars, en Conseil des ministres, un projet de loi visant à garantir aux journalistes un droit à la protection des sources. Il stipule que « l’identification dans le cadre d’une procédure pénale de l’origine d’une information ne pourra être recherchée qu’à titre exceptionnel et à condition que la nature et la particulière gravité du crime ou du délit ainsi que les nécessités des investigations le justifient ». Reste à définir la notion de « gravité ».

• Accès aux archives

Le projet de loi relatif aux archives défendu par Christine Albanel a été adopté le 29 avril en première lecture à l’Assemblée nationale. Il prévoit la communicabilité immédiate des archives publiques, dont le délai était jusque-là fixé à 30 ans. Les documents soumis à un délai de 60 ou 100 ans seront désormais communicables au terme de 50 ou 75 ans. Pour obtenir cette réduction, les historiens ont dû pétitionner. Ils n’ont pu empêcher la création d’une catégorie d’archives « incommunicables », relatives, par exemple, aux armes de destruction massive.

Écologie : des effets d’annonce sans suite

• OGM

Le très controversé projet de loi sur les OGM devait être définitivement adopté par les députés le 13 mai. Le texte vise à clarifier les conditions de mise en culture des plantes transgéniques et de leur coexistence avec les productions conventionnelles, dans le respect d’une directive européenne de 2001 que la France a longtemps tardé à transcrire en droit national. Après des débats houleux, des dissensions au sein de la majorité et des petites phrases acerbes, le Sénat a vidé de sa substance l’amendement du député communiste André Chassaigne qui préconisait un encadrement des cultures OGM dans « le respect des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales sans OGM ». Et écartait les régions montagneuses et littorales ainsi que des zones couvertes par le label AOC (appellation d’origine contrôlée) de la culture des OGM. Dommage. Le texte institue en outre un « délit de fauchage » passible de deux ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende, peine augmentée en cas de fauchage d’une parcelle destinée à la recherche.

• Grenelle 1

Jean-Louis Borloo a présenté le 30 avril un premier projet de loi d’orientation et de programmation sur l’environnement censé traduire les conclusions du Grenelle de l’Environnement. Pour lutter contre le réchauffement climatique, le texte fixe l’objectif de diviser par quatre l’émission de gaz à effet de serre d’ici à 2050 et faire ainsi de la France « l’économie la plus efficiente en carbone de l’UE » d’ici à 2020. Il crée, à partir de 2010, une norme « basse consommation » pour les bâtiments publics et tertiaires, à laquelle seront assujettis tous les permis de construire à partir de la fin 2012 ; il prévoit la création de 2.000 km de lignes TGV supplémentaires au cours des 12 prochaines années, ainsi que la multiplication par six des transports urbains en site propre, mais hors Île-de-France, afin de désenclaver les quartiers sensibles.
Autres dispositions : le retrait du marché d’ici à la fin 2008 de 30 pesticides « les plus préoccupants » et de 10 autres d’ici fin 2010 ; doublement du crédit d’impôts en faveur de l’agriculture biologique dès 2009 afin de développer la surface agricole utile consacrée à ce mode de culture, pour la porter à 6% du total en 2013 et 20% en 2020. Le projet de loi est ambitieux et reprend dans une large mesure les conclusions du Grenelle, mais il oriente plus qu’il ne programme. L’absence de calendrier précis et de chiffrage figure en effet parmi les principales critiques adressées à ce projet. Pour une déclinaison des plus opérationnelles des orientations du Grenelle, il faudra attendre deux autres textes (Grenelle II et III).
En comparaison, la RGPP qui programme la destruction des services territoriaux du ministère de l’Écologie, de son ingénierie, de ses compétences techniques, la suppression de nombreuses missions et de 10.000 agents d’ici à 2012 est plus précise. D’optimiser les dépenses et de supprimer progressivement les services jugés pas assez rentables.

Fin

Le dossier a été réalisé par Mathilde Azerot, Pauline Graulle, Ingrid Merckx, Pierre Thiesset et Michel Soudais qui l’a coordonné. Il est paru dans le numéro 1001 de “Politis” (Semaine du 8 au 14 mai 2008).
Les intertitres sont rajoutés par le Collectif “Les mots sont importants”.

Michel Soudais, Politis

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