La presse parle d’un ’port à Bois-Rouge’

Un bien étrange projet resurgit à Saint-André

27 décembre 2007, par Manuel Marchal

Au moment où s’achèvent les travaux d’extension du Port-Est, la Mairie de Saint-André annonce la publication d’une étude de faisabilité pour un port en eaux profondes dans sa commune. Cela clarifie le projet maintes fois évoqué du ’quai de débarquement de Bois-Rouge’, et cela ne remet pas en cause son inutilité. En effet, quel est le pays qui peut s’offrir le luxe de construire deux grands ports en eau profonde espacés d’à peine 30 kilomètres ?

Un terre-plein de 5 hectares, un dépôt de carburant de 15 hectares, un quai pouvant accueillir des bateaux de 200 mètres de long, avec une extension prévue à 400 mètres, une profondeur de 15 mètres pour un tirant d’eau de 12 mètres, un coût compris entre 150 et 200 millions d’euros, le tout dans une zone inondable : le projet de la Mairie de Saint-André présenté hier par "Le Quotidien" montre que l’on ne parle plus d’un simple quai de débarquement à Bois-Rouge. C’est la clarification. Le sénateur-maire de Saint-André veut un port en eau profonde, comparable au port-Est, dans sa commune.
En effet, en attendant la réception de ses travaux d’extension, le port-Est est actuellement capable de faire accoster des bateaux de 235 mètres de long et de 12 mètres de tirant d’eau. C’est quasiment ce que prévoit Jean-Paul Virapoullé à Bois-Rouge.
Cette annonce intervient au moment où le chantier du port-Est arrive à son terme. D’un montant de 75 millions d’euros et d’une durée de plus de 2 ans, les travaux permettent, selon la DDE, d’atteindre les objectifs suivants : « une profondeur revue à la hausse (16 mètres contre 13 mètres), un élargissement du cercle d’évitage (nécessaire à la manœuvre des navires) de 350 mètres aujourd’hui à 480 mètres, la construction d’un nouveau quai de 650 mètres de long avec la possibilité d’accueillir 2 bateaux de 80.000 tonnes (contre 45.000 tonnes actuellement), l’aménagement d’un terre-plein bord à quai de 50 mètres de large pour le déchargement des vracs ». Par ailleurs, l’extension du port-Est accueillera le nouveau silo à céréales. Le nouveau quai sera donc spécialisé dans le déchargement des vracs (charbon, ciment, pétrole, céréales), alors que les quais actuels pourront se concentrer sur les autres trafics.

Un serpent de mer

Ce grand chantier vise à accompagner le développement des échanges de La Réunion avec le monde. Il donne également plus de moyens à Port-Réunion d’être un gisement d’emplois. Car, parallèlement à son agrandissement, la plate-forme portuaire a vu la récente mise en service d’un quatrième portique de manutention de containers. Le 17 septembre dernier, lors de son Assemblée générale, la CGTR Ports et Docks soulignait les nouvelles perspectives en termes d’emplois qui se profilent pour Port-Réunion (voir encadré).
C’est précisément au moment où Port-Réunion va pouvoir disposer de nouveaux moyens pour être un gisement d’emplois que resurgit dans la presse le projet d’un port en eaux profondes à Saint-André, porté par un parlementaire UMP à quelques mois des élections.
Quel est en effet le pays insulaire de moins de 1 million d’habitants qui peut se permettre le luxe de gaspiller du foncier et de l’argent pour construire un deuxième port en eau profonde ? Chacun connaît la réponse à cette question sans avoir besoin de commander une étude de faisabilité.

Manuel Marchal


De nouveaux équipements bientôt livrés

Port-Réunion : un réel gisement d’emplois

« Les ports de Maurice et de Durban en Afrique du Sud arrivent à saturation et ne peuvent plus faire face aux exigences du trafic ». Lors de l’Assemblée générale de la CGTR Ports et Docks du 17 septembre dernier, Michel Séraphine expliquait qu’un des atouts de Port-Réunion réside dans sa productivité et dans la livraison prochaine de nouveaux quais. En effet, les bateaux peuvent attendre plusieurs jours à Port-Louis avant d’être déchargés, ce qui amène les armateurs à se tourner vers La Réunion, précisait le dirigeant syndical. « Le moment est venu pour Port-Réunion d’afficher ses ambitions et capter ce trafic afin de devenir un véritable port international d’éclatement, acteur majeur du transbordement dans le Sud-Ouest de l’Océan Indien, avec à la clé le développement de l’île par l’embauche massive de dockers et la création de zones d’activités multiformes dans la zone portuaire », affirmait Michel Séraphine dans les colonnes de "Témoignages" du 19 septembre 2007.
Le syndicat met en avant les atouts spécifiques à Port-Réunion : « Nous sommes reconnus comme les meilleurs de la région Océan Indien (...), nous avons aujourd’hui 4 portiques de déchargement. De nouveaux quais seront livrés ».


Des dizaines d’hectares sacrifiés devant l’usine

Canne à sucre : un choix symbolique

Le projet de port à Saint-André inclut, selon "Le Quotidien", « sur des terres actuellement occupées par la canne, un stock de pétrole, un incinérateur, une nouvelle centrale thermique, des éoliennes... ».
Autrement dit, ce sont des dizaines d’hectares de sole cannière située aux portes de l’usine de Bois-Rouge que les promoteurs du projet veulent voir disparaître. C’est tout un symbole. Gageons que tous ceux qui luttent pour la survie de la filière canne se mobiliseront pour défendre leur juste cause.


Énergies

L’alibi des éoliennes

Le projet de port en eau profonde intègre la construction d’une ferme éolienne. Or, officiellement, l’idée du "quai de débarquement" vise à décharger du charbon : à terme, 500.000 tonnes rien que pour Bois-Rouge.
Comme les hydrocarbures, le charbon contribue aux émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, c’est une énergie importée, dont la vente ne bénéficie en rien aux Réunionnais.
Autant dire que l’argument principal du projet est de l’anti-développement durable. Car il ne ferait qu’amplifier deux phénomènes. Tout d’abord, la pollution par davantage de rejets de gaz à effet de serre. Ensuite, la dépendance de La Réunion envers les produits importés, avec le danger d’une hausse brutale de la facture avec les tensions pesant sur le fret maritime et les matières premières.
Face à ces 500.000 tonnes d’énergies fossiles, la trentaine d’éoliennes apparaît bien dérisoire.


Tout cela pour quelques pleins de kérosène ?

Concernant les hydrocarbures, l’exigence du Préfet rapportée par "Le Quotidien" est un autre lieu de stockage du kérosène pour pallier aux coupures de la route du Littoral.
Pour répondre à cette exigence, faut-il aller jusqu’à la construction d’un port en eau profonde à plus de 150 millions d’euros et jusqu’au sacrifice de dizaines d’hectares de terres à cannes sur le pas de porte d’une des deux dernières usines sucrières de La Réunion ?
Le kérosène ne concerne que les avions, et les coupures totales de la route du Littoral sont des événements extrêmement rares.
D’autres solutions peuvent être mises en œuvre, bien moins coûteuses sur tous les plans. Si la volonté est de garantir à tout moment un approvisionnement en carburant pour les avions, alors pourquoi pas dans ce cas étudier la construction d’un oléoduc entre Le Port et Gillot ?


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Messages

  • LE PORT DES ALIZEES
    Vous n’allez pas nous faire avaler n’importe quoi messieurs de Témoignages. Les personnes quelque peu informées savent très bien ce que peut rapporter un port à son environnement et que les politiques n’y trouvent pas leur compte !
    Pourquoi un port dans l’Est, je vais vous le dire en quelques mots :
    - notre île est coupée en deux et les habitants des micro zones économique Est (Zoé) sont totalement dépendants d’une route littorale qui ne répond pas aux services attendus.
    - nous avons besoin de stabiliser notre population active autour de la zone franche, ce qui dégorgera nos routes de ses bouchons.
    - nous aurons là un vaste vivier d’emplois ( puis-je vous rappeler que l’Est est détentrice des tristes records concernant le chômage et le RMI ?) qui nous apportera un bol d’air vital.
    - nous avons besoin que les gens qui travaillent n’aillent pas plus loin que St-Denis, ce qui leur permettra de rejoindre leurs familles assez tôt : la cellule familiale reconstituée, vous connaissez ?
    Il y a quelque temps la CCIR proposait "un port sec " avec une rotation de camions la nuit. C’était un progrès. Mais permettez moi de vous poser la question essentielle, messieurs : qui tire les rênes dans tout ça ? Les marchands d’essence ?
    Je vous propose : cartes sur table si vous l’osez ! Et ne parlez pas d’Observatoire des Prix !
    Alors, lorsque je vous entends parler de "politique de grandeur", je vous conseillerai de jeter un oeil sur la pointe des Galets qui se gonfle déraisonnablement, à votre grand profit. Je vous conseille d’examiner la situation maritime dans l’O.Indien : les ports d’Afrique du Sud sont saturés, ceux de l’Inde également, et se positionner pour prendre le relais de ces ports ne me semble nullement utopique !
    Et je ne défends pas ici le projet de m. Virapoullé, cette solution de port dans l’Est rôde depuis 1998 !
    Alors, on doit lancer l’étude de faisabilité, avec le gros atout que nous avons de profiter des possibles subventions de la nouvelle route en corniche !


Témoignages - 80e année


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