Arrêt des grands travaux : Artisans au bord du gouffre

Un coup bas contre le travail

1er avril 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

Didier Robert a réaffirmé sa volonté d’interrompre la politique de grands travaux lancée lors de la précédente mandature. Un coup d’arrêt au développement qui menace de ruine le secteur vital du BTP à La Réunion.

Tenant à demeurer sous la protection de l’anonymat, M. M…, petit artisan du BTP de la région Nord, nous fait part des difficultés qui prennent son activité à la gorge. Depuis la fin du chantier de la route des Tamarins, il a eu toutes les peines du monde à trouver du travail. Il y a quelques jours, il a reçu un nouveau coup dur. Une collectivité auprès de laquelle il avait décroché un contrat lui a signifié que faute de ressources, elle devait renoncer à la plus grande partie du chantier qui devait l’employer : M. M… voit aujourd’hui s’évanouir sa dernière chance de "sortir la tête de l’eau".
Aux prises avec cette situation, ce petit entrepreneur nous dit ne pas comprendre les déclarations de Didier Robert sur la suppression du tram-train, chantier sur lequel il comptait pour « repartir, embaucher et rembourser les crédits ».

« Les travailleurs n’en peuvent plus »

Même son de cloche du côté d’Hermann Elise, artisan bien connu du BTP réunionnais. « Après une semaine, Didier Robert n’a rien dit de rassurant. Au contraire, on l’entend à la radio et à la télé répéter qu’il ne va pas faire le tram-train. Comment peut-on prendre une décision pareille avec tout le chômage qu’il y a ? Les ouvriers sur le terrain n’ont plus de travail. Toute la journée, ils défilent dans mon bureau et me demandent de l’embauche. Ils m’appellent, et il y en a même qui me contactent sur Facebook ! Qu’est-ce que je peux leur répondre ? Eux-mêmes regardent la télévision et entendent Didier Robert. Ils n’en peuvent plus. La GTOI n’a plus de travail… La SBTPC encore un peu, mais jusqu’à quand ? C’est désespérant. Pour relancer le secteur, ce qu’il faut, c’est faire le tram-train. Tout de suite. On n’y arrive plus, ni les artisans, ni les travailleurs. Il y a un peu plus d’un an, mon entreprise a pu employer jusqu’à une vingtaine de personnes. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que quatre. Avec la crise, j’ai été obligé de licencier. Et voilà qu’on supprime les grands chantiers ».
Des ouvriers qui ne trouvent plus d’embauche, des petites entreprises du BTP au bord de la faillite. En amont, des collectivités qui subissent de plein fouet la baisse de leurs revenus ; des communes affaiblies par la baisse des recettes, en particulier de la taxe professionnelle et de l’Octroi de mer... et sont donc de moins en moins capables d’investir.

De la convergence des responsabilités…

Au-delà des bilans chiffrés, cette réalité subie sur le terrain renvoie l’image que veulent faire oublier les médias de faits-divers et de variétés : celle d’une société qui fonce vers le désastre économique et social. Une catastrophe annoncée, à laquelle la « convergence des hommes de responsabilité » avait permis de trouver une parade, rappelle Raymond Lauret, ancien conseiller régional délégué à l’Économie : « les Accords de Matignon, souligne-t-il, rassemblaient un Premier ministre de droite gaulliste, une présidente de Conseil générale de droite, des élus communistes, Paul Vergès... Tous avaient trouvé une convergence pour des accords qui non seulement posaient les bases d’une révolution des transports à La Réunion, mais surtout préparaient un décollage du développement ».

… à la démagogie de Didier Robert

Le Protocole de Matignon : ce sont ces investissements d’une hauteur jamais atteinte dans notre pays, qui affectent 2,5 milliards d’euros à deux grands travaux, la construction du tram-train et de la route du Littoral. Un engagement contractuel de l’Etat devenu un véritable bouclier face à la crise qui a déferlé depuis, à la suite de l’effondrement de l’économie mondiale. C’est pourtant cette protection qui est la cible de Didier Robert depuis près de trois ans. Après avoir critiqué les Accords au moment de la signature, le leader de l’UMP-Réunion a entièrement fait campagne contre le tram-train, projet-phare du Protocole. Par le biais d’un discours populiste, il s’est employé à opposer au tram-train à l’autre grand chantier de la route du Littoral. Devenu Président de Région, Didier Robert continue néanmoins de manier un discours électoraliste qui achève de décourager travailleurs et entrepreneurs.

Geoffroy Géraud-Legros

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