Au Salon des Maires et des Collectivités au Port : Conférence sur le Partenariat public-privé

Un outil à étudier

5 juillet 2007

Lieu d’échanges entre les acteurs publics, leurs partenaires institutionnels et prestataires spécialisés, le premier Salon des Maires et des Collectivités de La Réunion, qui se tient jusqu’à ce soir à la Halle des Manifestations du Port, se veut aussi un espace de débats. Hier matin, une conférence sur le Partenariat public-privé (PPP) organisée par le Crédit Agricole a rassemblé un large auditoire. Les PPP qui se développent en France intéressent beaucoup les collectivités territoriales qui, depuis la loi de décentralisation, ont fort à faire pour équilibrer leurs budgets.

Nicolas Mallein, DG de la filiale Leasing du Crédit Agricole de Toulouse, a animé hier une conférence sur les PPP. Pour les collectivités, cet outil permettrait d’avoir un meilleur équilibre budgétaire et une réalisation plus encadrée de leurs opérations.
(photo S.L.)

C’est Nicolas Mallein, Directeur général de la filiale Leasing du Crédit Agricole de Toulouse, chargée de gérer les projets de PPP, qui a eu la charge d’animer la conférence d’hier et d’éclairer l’assistance sur les modalités du financement privé dans les investissements publics. L’occasion, bien sûr, de présenter les produits et montages de sa banque en la matière, mais plus largement de faire le point sur un outil qui séduit de plus en plus les économies dites modernes, car il leur permet de répondre à l’exigence de satisfaire une demande croissante d’équipements et de services collectifs.

Les collectivités territoriales très demandeuses

En effet, en France, comme dans d’autres pays occidentaux, l’augmentation de la dette publique conduit le gouvernement à se tourner de plus en plus vers les Partenariats public-privé pour financer la réhabilitation et/ou la construction de ses infrastructures. Cette formule, perçue par certains comme le révélateur du désengagement de la puissance publique, permet surtout aux collectivités, dont le budget explose sous le poids des transferts de compétences, de faire appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Nicolas Mallein observe que « les PPP sont, en Métropole, majoritairement portés par les collectivités territoriales, avec une dominance sur la construction plus que sur les services ». Ces dernières sont en permanence obligées, soit de rénover, soit de construire de nouvelles infrastructures, tout en respectant des réglementations liées à l’intervention publique qui évoluent très régulièrement et qui complexifient les opérations. Face aux contraintes de certains projets innovants, les mairies ont ainsi des difficultés à assumer les risques techniques inhérents. En permettant de consolider un partenariat avec les entreprises privées qui ont une meilleure maîtrise des nouvelles technologies pour proposer des montages originaux et adaptés, le PPP permet à la collectivité de déléguer la maîtrise d’ouvrage public tout en partageant les risques liés aux opérations avec le privé. Mais, « attention, le PPP n’est pas là pour résoudre l’ensemble des problèmes des collectivités locales », tient néanmoins à tempérer Nicolas Mallein. Un des avantages du PPP est qu’il permet de confier une mission globale à un prestataire, de la conception jusqu’à l’exploitation, dégageant ainsi les collectivités d’avoir à porter la maîtrise d’ouvrage des opérations. En outre, si le prestataire privé ne tient pas ses engagements, il peut être astreint à des pénalités. Quelle différence avec la délégation de service public ? direz-vous alors. La délégation fait appel à la participation financière des usagers, alors que pour le PPP, dans sa forme moderne, l’opération engagée fait l’objet d’un financement forfaitaire payé par les collectivités.

« Aucune opération ne se fera sans volonté politique »

La durée moyenne de remboursement s’échelonne suivant le type d’opération entre 10 et 35 ans. « On commence à nous demander 40 ans, mais attention, précise Nicolas Mallein, ne perdons pas de vue la durée de vie économique du bien financé et l’obligation de maintenance ». De plus en plus sollicitées financièrement, les collectivités vont chercher à alléger leurs charges de financement et demandent une progressivité de leurs loyers en fonction de l’inflation. Le conférencier, s’il concède que du taux fixe au taux variable, différentes modalités de remboursement sont envisageables, appelle néanmoins à ne pas s’ancrer sur l’inflation.
Parmi les autres atouts du PPP, Nicolas Mallein souligne que la phase de lancement du projet est considérablement accélérée. Il parle, d’expérience, de 12 mois en moyenne de gagner. Un gain de temps non négligeable quand on connaît le nombre d’appels d’offres infructueux qui retardent certaines opérations. Il souligne également le gain financier. « Ce mode de financement introduit une concurrence entre les acteurs privés qui favorise la réduction des coûts », précise Nicolas Mallein qui parle encore de « logique de sécurisation des investissements ». De 1,5 à 60 millions d’euros : le PPP permet la réalisation de petits comme de plus grands projets. Cherchant à « démystifier la complexité » qu’on lui attribue, le conférencier souligne que le PPP est « une solution souple » juxtaposable avec les solutions classiques de financement, avec les subventions et dont le cadre contractuel permet une adaptation avec les montages fiscaux en cours à La Réunion. Accélérateur d’investissements, le PPP représenterait donc un enjeu majeur pour l’île avec des opérations clé en main pour les collectivités. Reste qu’« aucune opération ne se fera sans volonté politique », précise enfin Nicolas Mallein. Celle de mettre en place des projets innovants, d’avoir un réseau de partenaires à ses côtés pour apporter à la fois conseils et prestations permettant de sécuriser l’opération, mais aussi cette volonté de rentrer dans une logique de marché impulsée par le gouvernement.

Stéphanie Longeras


PPP pour l’assainissement à La Réunion ?

« Ce n’est pas un sujet simple sur l’eau »

Selon les estimations de la DAF, fournir l’ensemble de l’île en réseaux d’eau et d’assainissement mobiliserait un budget de 600 millions d’euros, alors que les financements Etat/Collectivités/Europe représentent 150 millions d’euros. Comment trouver les fonds nécessaires pour pallier les retards structurels de l’île en la matière ? Les communes peuvent-elles porter des PPP dans ce domaine ?
La question a été posée à Nicolas Mallein qui souligne : « Ce n’est pas un sujet simple sur l’eau. Aujourd’hui, nous sommes sur-sollicités sur la problématique de l’assainissement ». Compte tenu de la situation locale, urgente et complexe, notre île répond simultanément aux deux critères qui prévalent à la mise en place d’un contrat de partenariat. « Il existe déjà la délégation de service public dans ce domaine, mais il semble que le ministère des Finances soit d’accord pour la mise en place d’un contrat de partenariat dans sa totalité, soit en partie sur le volet construction ou exploitation ». Mais le financier ne semble pas très réceptif à cette éventualité et juge préférable la mise à disposition au privé. « Les collectivités cherchent à aller vite, à transférer le maximum de risques, accorde-t-il. Il faut qu’elles se lancent, mais qu’elles fassent d’abord un courrier au ministère des Finances pour avoir confirmation de la faisabilité, et surtout qu’elle s’entoure de bons conseillers. Il est primordial de ne pas se lancer seul ». L’avantage majeur de ne pas faire porter le coût de la construction et du service aux usagers semble dans ce cas difficile pour Nicolas Mallein qui souligne à demi mots que les contribuables devront toujours mettre la main à la poche.


Le PPP : de l’Ancien Régime à aujourd’hui

Plusieurs formes contractuelles existent

Le recours à la concession, à la gestion déléguée ou à d’autres formes de PPP n’est pas aussi récent que l’on pourrait le penser. Historiquement, les concessions (qui sont aussi une forme de PPP) ont toujours existé. Dès l’Ancien Régime, elles ont permis à la France de se doter de ses premières infrastructures publiques telles que le “Canal du Midi”.
En droit moderne, c’est la loi d’Orientation et de Programmation pour la Sécurité Intérieure (OPSI) du 29 août 2002 qui a relancé ce mode contractuel en autorisant l’Etat à confier au secteur privé la construction et la maintenance d’immeubles utilisés par la police, la gendarmerie ou la Défense nationale. La justice, puis le secteur hospitalier, ont suivi. Il existe plusieurs formes de PPP contractuels en France : les marchés publics globaux sans paiement étalé (MP), les contrats de délégation de service public (DSP), les conventions comportant une autorisation d’occupation du domaine public (AOP), les baux emphytéotiques administratifs (BEA) et hospitaliers (BEH), et depuis 2004, le contrat de partenariat s’est offert comme le régime général du PPP. Il existe donc plusieurs formules de PPP selon les projets, un cadre juridique pour chaque opération qui fait l’objet d’un montage financier spécifique.


On ne connaît pas encore tous les effets du PPP

Zoom sur la Grande-Bretagne
Le principe du PPP fut mis en place par le gouvernement (conservateur) de John Major en 1992. En 1997, les travaillistes développèrent fortement ce mode de gestion qui fut particulièrement développé dans le domaine hospitalier pour gagner tous les secteurs publics jusqu’à la Royal Navy. Aujourd’hui, 15% des investissements publics britanniques sont réalisés en PFI. Une étude du National Audit Office a démontré que les projets en mode PFI (Private Finance Initiative), comparés à ceux réalisés de manière conventionnelle, ont généré des bénéfices supérieurs tant en termes de respect du prix convenu que de l’échéancier de livraison des bâtiments. Mais les conséquences d’un tel mode de gestion ne sont, au final, pas positives d’un point de vue financier pour le contribuable ou l’usager. Premier secteur bénéficiant du PFI, les hôpitaux ont désormais de lourdes charges annuelles de remboursement, les taux d’intérêt des emprunts sont supérieurs aux taux qu’aurait pu obtenir le Royaume-Uni (s’il avait choisi d’utiliser l’emprunt, ce qui n’est pas le seul choix possible). Le gouvernement britannique freine désormais ce type d’initiative. Lors de sa conférence, Nicolas Mallein a d’ailleurs souligné que dans le cadre d’un PPP pour les hôpitaux, « les montants sont plus importants et l’on rentre très vite dans la problématique de maintenance des ouvrages. L’opération est donc plus longue ». Enfin, pour terminer avec le cas de la Grande-Bretagne, il a été observé que les écoles construites avec PPP ou PFI avaient moins de fenêtres que les autres ! Les fenêtres, ça se brisent, et attendu que c’est le privé qui est en charge de la maintenance, il préfère réduire au maximum ses possibilités d’investissements ! On ne connaît pas encore tous les effets du PPP.

PPP pour l’éclairage public à La Réunion ?
Pour activer le contrat de partenariat (ordonnance 2004), le projet visé doit répondre au moins à l’un de ces deux critères : l’urgence qui peut être liée à des prérogatives sécuritaires ou à des obligations de mise aux normes ; la complexité technique, financière, juridique. Ce contrat partenarial concerne surtout les grands projets type tram-train. Des projets dont le montal minimal des investissements démarre à 7 millions d’euros. Il peut s’agir de la réhabilitation d’une université, de la construction d’un ouvrage d’art, d’un projet à dominante immobilière (musée, théâtre, bureaux, hôpitaux, parking...), mais peut aussi s’appliquer aux projets de services comme ceux liés à l’énergie ou encore à l’éclairage public. Et Nicolas Mallein de souligner qu’il ne serait pas surpris qu’il en soit lancé dans ce domaine précis à La Réunion prochainement.

(Sources : Wikipédia)


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