Après la révélation, la confirmation

Un vice-président de la Région accusé d’emploi fictif

6 septembre 2011

Au moment où s’ouvre le procès de l’ancien président de la République, accusé d’avoir trempé dans une affaire d’emplois fictifs, c’est un scandale qui éclate à La Réunion. Un vice-président de la Région est accusé d’emploi fictif.

Vendredi dernier, le blog www.bonanniversairedidier.fr révèle un nouveau scandale à la Région : Frédéric Cadet, vice-président de la collectivité, est accusé de bénéficier d’un emploi fictif.
Il s’avère que depuis son élection en mars 2010, ce dernier n’a pas donné une seule heure de cours, mais il a continué à percevoir son salaire d’universitaire. Ce traitement s’ajoute ses indemnités de vice-président d’un Conseil régional.
Au moment où le gouvernement cible les plus pauvres dans un nouveau plan d’austérité, cette nouvelle fait réagir. De plus, elle intervient au moment où commence un procès intenté à Jacques Chirac pour des accusations d’utilisation d’emplois fictifs. Les faits reprochés à l’ancien président de la République remontent à l’époque où il était maire de Paris, c’est-à-dire il y a plus de 15 ans.
15 ans après les faits, il a donc été possible de juger l’ancien chef de l’État. À La Réunion, c’est un scandale de même nature qui est révélé, mais dans un contexte social bien plus grave que celui de Paris des années 80-90.


Vendredi : la révélation du scandale

Voici un extrait de l’article publié vendredi par le blog "www.bonanniversairedidier.fr" dans lequel est révélée l’accusation d’emploi fictif visant un vice-président de la Région.

« Ainsi, il lui a été versé son salaire en totalité, notamment pour l’année 2010-2011, en rétribution de cours et de missions de recherche qu’il n’a pourtant pas réalisées. Avec un émolument moyen d’environ 8.000 euros net mensuels, les sommes indûment perçues avoisinent les 96.000 euros. (…)
Arrive alors la rentrée de l’année 2010-2011. À cette période Frédéric Cadet entre en campagne soutenant Didier Robert sur la liste duquel il va se retrouver dans la course à l’élection régionale. La suite est connue. Robert est élu président, Cadet devient son vice-président délégué à la recherche… et disparaît complètement des salles de cours universitaires. L’Université devient le cadet de ses soucis, pour ne s’occuper que de la Région. Sans renoncer à son salaire de professeur ! Pourtant la réglementation offre aux élus une décharge de vingt-deux heures. Il passe ainsi de cent-quatre-vingt-douze heures à cent-soixante-dix heures, à l’année. Mais cela semble encore être trop pour lui.
C’est trop aussi pour le président de l’Université, Mohamed Rochdi, qui adresse à la fin de l’exercice 2010-2011, un courrier en recommandé avec accusé de réception à Frédéric Cadet. Dans cette missive, il constate le défaut d’enseignement et « somme » Frédéric Cadet de faire ses heures. Selon une source proche de la présidence de l’Université, ce courrier est littéralement resté lettre morte. Toutefois se pose un problème, il y est aussi demandé que soit transmise dans les meilleurs délais la fiche de services faits. Or, cette fiche est un état administratif annuel des missions réalisées au titre, en l’occurrence, de la charge d’enseignant-chercheur. Commune à tous les intervenants à l’Université, c’est une obligation à laquelle chacun doit souscrire s’il souhaite être payé. Là où le bât blesse, c’est que cette fiche ne s’appuie pas uniquement sur la bonne foi de l’enseignant. Elle doit être contresignée par deux autorités attestant de la réalité de ce qui s’y trouve inscrit. D’une part, la personne dirigeant le département d’enseignement de l’intervenant, d’autre part, le doyen de la faculté de rattachement. C’est là que tout bascule.
Si Frédéric Cadet ne produit pas de fiche de service fait, il lui faudra réaliser les heures de l’année 2010-2011 en plus de celles de l’année qui débute, 2011-2012. C’est dit, Chabriat va soutenir son ami, non sans l’en informer. La chose étant convenue entre eux, les opérations peuvent démarrer. Chabriat, en tant que doyen, est signataire des fiches de services faits de tous les intervenants de la faculté des sciences. Il signe donc celle de Cadet. Pour justifier les horaires qui y sont reportés, il fait don de ses propres heures supplémentaires, additionnées à celles de deux autres enseignants volontaires, soit cent-vingt heures au total. Il ne reste à Cadet que cinquante heures, qu’il fera ou non, mais, a priori, personne ne devrait y regarder de plus près. L’ordre est donné au secrétariat de Chabriat d’envoyer ce qui peut être envisagé comme un faux directement à la présidence de l’Université. Mohamed Rochdi reçoit alors les documents modifiés, annotés de la main de Frédéric Cadet. Ces annotations manuscrites indiquent que les heures mentionnées ont été « offertes gracieusement » par ses collègues. À la lecture de ces éléments, le président de l’Université stoppe la procédure. Depuis, Jean-Pierre Chabriat et deux de ses vice-doyens (un professeur en physique et un maître de conférences en biochimie) sont sous le coup d’une suspension de leur délégation de signature pour tout acte administratif. Le président de l’Université entend-il porter plainte ? (…) »


Lundi : le président de l’Université confirme

Hier, le président de l’Université a confirmé qu’en échange du salaire versé à Frédéric Cadet, ce dernier n’a pas donné la moindre heure de cours depuis son élection à la Région. Étant donnée l’ampleur de l’affaire, il propose une solution ultime que le recteur n’est pas tenu d’accepter.

Frédéric Cadet a bien perçu son salaire de l’Université en intégralité sans donner une seule heure de cours. L’information donnée vendredi par le blog www.bonanniversairedidier.fr a été confirmée par Mohamed Rochdi, président de l’université, lors d’un entretien avec des journalistes ce lundi 5 septembre.
En qualité d’élu au conseil Régional, Monsieur Cadet a droit à des crédits d’heures et des autorisations d’absence qui lui permettent de se rendre aux assemblées générales et autres activités d’élu. Les crédits d’heures sont accordées automatiquement à la demande de l’intéressé, quant aux autorisations d’absence, elles sont concédées sur acceptation du président de l’Université et sont défalquées du salaire. Or, selon Mohamed Rochdi, « à partir de septembre dernier, je n’ai eu aucune demande émanant d’un de mes agents de bénéficier de telle ou telle disposition ».
Une demande d’information a pourtant bien été envoyée par les services administratifs de la Région. Ils ont questionné le service des ressources humaines de l’Université sur le nombre d’heures de cours dues par les élus régionaux. À la suite de cet échange, les services de l’Université ont questionné le ministère de l’Éducation nationale. « C’était une première pour nous d’avoir un ou des vice-présidents de la Région » à l’Université, indique Mohamed Rochdi.
La réponse du ministère, se basant sur le code des collectivités territoriales, arrive le 4 novembre 2010. Elle indique que les concernés doivent 158 heures de cours (équivalent travaux dirigés) à l’année, contre 192 pour un enseignant chercheur sans autre charge. Cette réponse est transmise par l’Université aux services de la Région le 10 novembre 2010 mais ne suscite pas de réponse, indique encore Mohamed Rochdi : « je n’ai eu aucune sollicitation de mon collègue ».
À la fin de l’année scolaire, comme le prévoit le fonctionnement universitaire, les états liquidatifs de service ne mentionnent aucune heure de cours effectuée pour Monsieur Cadet. Or, c’est sur leur base que se justifie le salaire d’un enseignant chercheur. « Tout enseignant chercheur peut avoir une activité de recherche ou administrative mais nous n’avons aucun moyen de l’attester », explique le président de l’Université. Donc en théorie, sans heure de cours, pas de justification de salaire.
Dans un courrier en date du 29 juin 2011, le président de l’Université a ainsi accordé à Frédéric Cadet le droit de reporter ses heures non faites au titre de l’année universitaire écoulée sur l’année universitaire qui s’annonce, soit 316 heures (équivalent travaux dirigés). Une solution acceptée par Frédéric Cadet qui indiquait, dans un communiqué publié vendredi, avoir commencé à donner ses cours le 22 août.
Mais le problème va plus loin : selon Mohamed Rochdi, non seulement Frédéric Cadet n’a effectué aucune heure de cours, mais en plus il n’a pas demandé à bénéficier de ces dispositions tout en percevant son salaire en intégralité sans tenir compte des défalcations dues au titre des autorisations d’absence. Quant au montant du salaire de 8000 euros avancé par le blog, il n’est pas fantaisiste. Sans dévoiler « une donnée personnelle », le président de l’Université indique qu’un salaire d’enseignant-chercheur oscille entre 4500 et 8000 euros mensuels en fonction de l’ancienneté.
« Je pense que j’ai fait preuve de bienveillance en octroyant le crédit d’heures sans demande de l’intéressé et en lui proposant de régulariser ses heures sur l’année 2011/2012. Et c’est sans certitude de ma part sur la légalité de cette proposition », indique Mohamed Rochdi. Les salaires des universitaires réunionnais sont toujours versés par l’État et le recteur pourrait, en théorie, contester cet arrangement.

A la Une de l’actuDidier Robert

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Messages

  • Qui se ressemble s’assemble. Qu’attend t-il pour démissionner ? Il ne le fera pas car il y a encore et toujours des euros à gagner... quand au 50 % de pauvres et nos 31 % de chômeurs, rien à foutre. Vous savez que la CAF demande aux pauvres bougres qui ont touché du RMI en trop de rembourser ? Et cela va jusqu’au saisi ? Scandaleux et honyteux quant on voit ces boug la ...


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